Images de page
PDF
ePub

par le climat du désert. Les gour du Nefzaoua sont presque tous en train de disparaître. Un seul a gardé sa hauteur primitive une source, jaillissant au sommet, y entretient un épais fourré d'arbustes. Ce n'est pas la dureté de la roche, c'est la végétation qui l'a préservé '.

La désagrégation du sol n'est pas moins visible dans les autres régions sèches de la terre. Les monts de Tébès, dans

Forme d'érosion au sud de l'Oued-Dråa.

(D'après LENZ.)

le Khorassan, s'écroulent par suite de la dissolution de leurs couches de marne et de sel; partout en Perse les montagnes s'entourent d'un amas de décombres; à l'est des monts Chemiran, les éboulis couvrent même les pentes jusqu'à la crête, et la montagne a l'air de s'ensevelir sous un linceul de débris.

Ainsi, contrairement à l'impression première, le travail d'érosion continue à la surface du désert. Il a commencé à une époque reculée, peut-être dès l'âge éocène'; à cette œuvre de destruction qui s'est poursuivie à travers les âges, les eaux douces et l'atmosphère ont collaboré. Le temps passé a donc une grande part à ces ruines, le climat présent n'a pas tout fait. Mais si la destruction des plateaux n'est pas en grande partie son œuvre, le sol, dans son état actuel, porte bien sa marque. Il n'y a que le désert et les hautes montagnes où l'action destructive de l'atmosphère paraisse avec cette netteté. Elle peut être plus intense ailleurs sans fortes pluies, disent les géologues, il n'y a pas

1. Baraban, A trav. la Tunisie, p. 76.

2. De Bunge, Mitth., 1860, p. 213.

3. Tietze, Jahrb. geol. Reichsanst., 1877, p. 348. 4. Zittel, ouv. cité, p. 20.

de décomposition énergique. Mais un climat humide implique la végétation, et celle-ci cache sous une couche d'humus la profonde altération des roches. Dans le désert, rien n'adoucit les angles, rien ne masque les entailles, rien ne couvre les débris : le sol à nu montre toutes ses blessures. Si lente que soit la destruction actuelle, c'est donc là qu'elle paraît le plus grandiose, car on y voit accumulées les ruines des siècles, qu'augmente sans trêve le travail de chaque jour.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Rôle du vent dans les déserts.

Transport des poussières. Accumulation des sables. Les mers des dunes du Sahara. Leur étendue, leur formation: hypothèses diverses. Mobilité des dunes; exemples

de déplacement. La formation des dunes, conséquence inévitable du climat désertique.

Altération du relief ancien par les phénomènes désertiques d'érosion et de transport. Disparition progressive des réseaux hydrographiques. Erreur qui consiste à diviser tout le Sahara en bassins. Formation d'un relief nouveau, dit relief désertique.

Que deviennent tous ces matériaux rendus mobiles et sensibles à l'action de la pesanteur? Ailleurs, les eaux courantes s'en emparent; ici, ils sont livrés au vent. Le vent agite ces masses confuses, les triture, les classe peu à peu selon leur pesanteur : il laisse généralement les graviers en place', sépare par le frottement les grains siliceux des particules terreuses, pousse les uns devant lui, emporte les autres en fines poussières dans les airs.

Tous les voyageurs qui séjournent au désert, soit en

1. Le vent transporte quelquefois des pierres. M. Rohlfs cite un simoun << pendant lequel des pierres grandes comme la main étaient chassées sur le sol comme des chiffons de papier ». (Quer durch Afrika, I, p. 216.)

La force du vent est encore plus grande dans le Gobi. « Il faut avoir, dit Prjewalski, observé de ses yeux les tempêtes du désert, pour apprécier leur puissance de destruction. Ce n'est pas seulement de la poussière et du sable qui remplissent l'atmosphère; de petits cailloux sont projetés dans l'air et d'autres plus gros roulent sur le sol Nous avons vu des pierres de la grosseur du poing s'arrêter dans un fond de roche à gros grains et y creuser en tourbillonnant des trous profonds, ou même percer de part en part des roches de 2 pieds d'épaisseur. (Vierte Reise, Mitth., 1889, p. 3.)

Afrique, soit en Perse, soit dans l'Asie centrale, sont frappés, certains jours, de l'aspect particulier du ciel. Il est assombri, et pourtant sans nuages; une sorte de voile blanchâtre, ou jaune, ou même couleur de plomb', flotte dans les hauteurs de l'atmosphère; souvent même, au Borkou2, à Yarkand, un épais brouillard intercepte la vue, sans que l'air perde sa sécheresse ordinaire : ce sont les fins détritus du désert que le vent soulève et qui restent en suspension dans l'air. Au Borkou, où le vent vient le plus souvent du désert libyque, et sur le Tarim, où il souffle du Gobi, le ciel reste presque constamment voilé et ne s'éclaircit que lorsqu'une forte pluie a lavé l'atmosphère'.

Ces particules ténues voyagent très loin. On a appelé dès longtemps l'attention sur les pluies de poussière qui ont lieu à l'ouest de la côte d'Afrique, dans cette partie de l'Afrique qu'Edrisi déjà nommait la mer Ténébreuse. L'analyse de ces poussières, faite par Ehrenberg, a démontré leur provenance saharienne c'est à 600, 800 et 1,000 lieues de la côte qu'elles sont portées par les courants atmosphériques, et le cube qu'elles représentent est certainement considérable, puisqu'il est arrivé à un navire de voir leur chute se prolonger pendant six jours. Le harmattan, le vent du désert, apporte souvent en Guinée de semblables nuages de poussière. A Madère, le « leste », ou vent d'Est-Sud-Est, est accompagné environ trois fois par an de chutes de poussière rouge avec ciel plombé; en 1844, il y eut une pluie de sauterelles". L'Europe même reçoit de temps à autre des détritus du Sahara. Le 23 et 24 février 1879, deux cyclones venant du

a

Rohlfs, Kufra, p. 156.

1. Hornemann, trad., I, p. 111.
2. Nachtigal, Sah. und Sudan, II, p. 130.

3. Henderson, The Meteorology of Yar kand and Kashgar, Ind. Met. Memoirs, Calcutta, 1876, vol. I, part. I.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

7. Fischer, Studien über das Klima der Mittelmeerl, p. 40.

Sahara algérien franchirent la Méditerranée et les Alpes, en laissant tomber partout sur leur passage un nuage de poussière jaune '.

LES DUNES

Les dunes du Sahara sont la preuve saisissante de ce que peut le vent dans une contrée où il est maître. Qu'on imagine un chaos d'arêtes vives, de pics aigus, de croupes de toute forme allongées ou courbées en croissant ; une ondulation sans fin de grandes vagues de sable, aux flancs admirablement lisses, aux reflets orangés ou roses, coupées de ravins profonds dans lesquels l'homme étouffe, perdu entre ces murailles mouvantes; tout cela silencieux, immobile comme une mer furieuse soudain solidifiée, mais noyé dans un tel flot de lumière, tellement allumé par la flamme du soleil, qu'on croit voir non du sable jaune, mais des amas de poussière d'or, et l'on aura une faible idée de ce paysage indescriptible.

Les dunes occupent environ un neuvième de l'immense Sahara. Elles forment des mers de sable, nommés Erg en arabe, Iguidi ou Edeyen dans les dialectes berbères, et dont on ne connaît encore que fort mal les dimensions et les contours.

Deux de ces groupes, les Maghter ou Meur'thir, et les Ouâran, s'étendent sur une largeur inconnue au nord et à l'est de l'Adrar occidental. Cinq autres barrent la route du Maroc à Timbouctou ; l'énorme masse des Iguidi se prolonge peut-être jusqu'au Touat, car Rohlfs, qui a suivi l'oued Messaoud, signale dans l'ouest des dunes à perte de vue.

1. Hann, Handbuch der Klimatologie, p. 433.

2. La dune en croissant se nomme sij (plur. siouf). La dune en général se nomme ghourd (plur. oghroud).

3. Pomel, Le Sahara.

Oase, p. 618.)

Un dixième d'après Chavanne. (Von Oase zu

4. Le plur. areg est également employé.

5.

Meur thir, collines sableuses serrées et difficiles à franchir. » (Carte

du cap. Vincent, Bull. S. G., 1861, I.)

6. Pluriel d'El Ouar « l'endroit difficile ».

7. Lenz, II, p 58 et suiv.

8. Reise durch Marokko, p. 155.

« PrécédentContinuer »