Images de page
PDF
ePub

Ainsi, dès la fin de l'époque primaire, une grande partie du Sahara occidental et central était sortie des eaux; au début de l'époque tertiaire les deux tiers du désert libyque, le Sahara tripolitain, les plateaux du Sahara algérien étaient devenus. terre ferme; à la fin de la même époque, le grand golfe ouvert entre la Tripolitaine et le massif cristallin de la mer Rouge était comblé à son tour'. Rien n'indique que ces terrains aient jamais été recouverts de nouveau par la mer. « Aucune ligne de rivages, écrit M. Zittel, membre de la mission du désert libyque, aucun banc de coquilles n'indique un retour des eaux après l'époque tertiaire... Tous mes efforts pour découvrir les traces d'une mer diluvienne dans le désert libyque sont restés vains. Ni le sol pierreux des plateaux calcaires, ni les dépressions des oasis, ni la région du grès nubien, ni celle des dunes ne fournissent le moindre indice à ce sujet. La configuration du sol ne présente également aucun des caractères d'un fond de mer laissé à sec. J'ai renoncé à regret à cette conception de la mer saharienne, qui m'avait accompagné dans mon voyage comme un axiome scientifique, mais après examen, il m'est impossible' d'admettre la submersion récente du Sahara. »

3

Cependant il existe au Sahara des dépôts de formation plus récente. De grands manteaux d'alluvions pliocènes et quaternaires recouvrent toutes les parties basses du Sahara algérien et sans doute aussi du Fezzàn, et forment d'immenses plaines d'où émergent comme des îles les surfaces calcaires des plateaux antérieurs. D'autre part, des amas considérables de dunes occupent certaines parties du désert. L'ingénieur Ville, le premier qui ait étudié le Sahara algérien

1. Dès la fin du miocène moyen, tout le Sahara est terre ferme.» (Rolland, ouv. cité, p. 239.)

2. Halte ich die Bedeckung durch ein Diluvialmeer für unmöglich (ouv. cit., p. 21).

3. Rolland, Geol. du Sahara, p. 161.

4. Plaine de Tayta, Oued Gharbi, plaine de Mourzouk (Rolland, ibid, p. 236).

en détail, avait cru que de telles masses n'avaient pu être déposées que par la mer. Mais la plupart des géologues sont arrivés à des conclusions opposées. L'altitude considérable d'une grande partie des dépôts alluvionnaires', jointe à ce fait qu'il n'y a pas trace d'une émersion correspondante des côtes 3, l'absence presque générale de stratification qui fait croire que ces matières ne se sont pas déposées dans une nappe d'eau tranquille, la composition du sel des chotts, qui ne répond pas à celle des résidus d'eau de mer; enfin la faune fossile des terrains en question, où dominent les coquilles fluviatiles d'eau douce, associées à des cardium d'eau saumâtre, tout semble exclure l'hypothèse d'une mer quaternaire 1. Il ne pourrait y avoir doute que pour les environs des chotts, où M. Desor a trouvé près du Soûf deux coquilles marines dans un terrain stratifié, découverte dont la valeur a été d'ailleurs contestée. Dans le reste du Sahara

1. Exploration geol. du Mzab, du Sahara et de la région des steppes de la province d'Alger, Paris, 1872, 4o, p. 115.

2. Environ 375 mètres dans la plaine de Timassinine, 830 à 900 mètres dans le Sud Oranais.

3. « Un cordon presque continu de dépôts côtiers marins, étendu sur presque tout le littoral atlantique et méditerranéen, prouve qu'à l'époque quaternaire ce littoral était peu différent de ce qu'il est aujourd'hui. (Pomel, Le Sahara, p. 263). Id. Rolland, Rev. scient., 1884, II, p. 716.

[ocr errors]

D

4. Pomel, ouv. cit., p. 199. - Grad, Considérations sur la géologie du Sahara algérien, Par., 1873, p. 8.

5. Dans la plaine de Badja, ce sel contient jusqu'à 65 0/0 de soude. (Le Chatelier, Rev. scient., 1877, I, p. 659)

6. « La faune des terrains lacustres de l'oued Rir ne comprend que des coquilles d'eau douce et d'eau saumâtre. » (Rolland, art. cit., p. 708.)

Il en est de même du bas-fond d'Ouargla, avec addition du cardium. (Géol. du Sahara, p. 101.) Cette coquille, qu'on trouve un peu partout au Sahara algérien, est une variété du Cardium edule qui vit indistinctement dans l'eau salée et l'eau saumâtre, car on le trouve dans les lagunes de nos côtes et de la mer Noire. (Tournouer, Associat. franç. pour l'avancement des sciences, 1878, p. 615.) M. Foureau a trouvé dans une cuvette de l'Erg une coquille d'eau douce accolée à un cardium. (Une mission en Tademayt, Paris, 1890, p. 32.)

7. C'est aussi la conclusion de M. de Lapparent. (Traité de géologie, Paris, 1885, p. 1279.)

8. Pomel, Géologie de la province de Gabes, Assoc. avane. sciences, 1877, p. 505. Tournouer, art. cit., p. 615-21.

deux régions seulement prêtent à controverse. Une série de dépressions peu étendues, mais profondes (10 à 70 mètres au-dessous du niveau de la mer), s'étend au sud des plateaux de Barka et de la Marmarique, qu'elle limite nettement comme un fossé. Cette cote négative et la salure du sol ne seraient pas un argument, si la présence d'un poisson méditerranéen vivant (Cyprinodon dispar) et d'un mollusque également méditerranéen dans les étangs salés de Siouah et de Garah ne constituait une présomption sérieuse. D'autre part, M. Quiroga a traversé dans le Sahara occidental, un peu à l'est du Rio de Oro, une zone de calcaires et de marnes à helix dans lesquels il a cru reconnaître une formation quaternaire marine 3. Mais de toute façon, il ne s'agit là que de portions bien restreintes de l'immense Sahara.

Cette esquisse rapide suffit à montrer combien l'idée traditionnelle qu'on se faisait du Sahara était fausse. Au lieu d'alluvions récemment abandonnées par les flots, nous trouvons des terrains de tout âge, quelques-uns aussi vieux que les plus vieux continents du globe; au lieu de l'uniformité supposée, une structure géologique simple, mais pourtant variée. Le Sahara a ses granites comme la Bretagne, ses grès dévoniens comme l'Angleterre, ses calcaires crétacés comme la Champagne, ses calcaires éocènes comme le bassin de Londres, ses terrains volcaniques comme l'Auvergne. Il

4. Siouah, 23 mètres; Aradj, 70 mètres; lac Sittrah, 25 mètres (Jordan, Physische Geographie der libyschen Wüste, Cassel, 1876, 4o, p. 190-99). L'altititude des points situés à l'ouest de Siouah est encore incertaine. Les observations barométriques faites par M. Rohlfs en 1869 avaient fourni les cotes suivantes: Djalo,-31 mètres; Aoudjila,-52 mètres; Bir-Rassam, -102 mètres. (Von Tripolis nach Alexandrien, II, p. 42.) Celles de MM. Rohlfs et Stecker, en 1879, mettent au contraire, Aoudjila à 40 mètres, Djâlo à 90 mètres audessus de la mer. Enfin de nouvelles observations, faites la même année, ont donné les résultats de 1869! De guerre lasse, M. Rohlfs a conclu que ces oasis sont à peu près au niveau de la mer. (Kufra, p. 226.)

2. Zittel, ouv. cit., p. 21 et p. 48, notes.

3. Observ. geologicas, p. 336 : « Es indudablemente de edad más moderna ; la tengo por cuaternaria. »>

ne diffère donc pas géologiquement des autres parties du globe. On y rencontre également toutes les formes du relief.

LE RELIEF

Pendant la première moitié de ce siècle, on a a parlé couramment de la grande plaine saharienne. On a répété avec Ritter que l'Afrique était divisée en deux parties différentes au sud, le plateau; au nord, les basses terres'. Humboldt écrivait : « la grande dépression du désert'. » Cette idée survécut mème aux explorations qui suivirent. Lorsque Denham, Barth, Duveyrier, Rohlfs et autres eurent déterminé l'altitude considérable du centre du désert, on se rabattit sur les deux ailes. On s'appuyait sur une information de Barth pour décrire le Djouf, la grande cavité du Sahara occidental; quant au désert libyque, telle était la puissance des idées traditionnelles, qu'un voyageur comme M. Rohlfs, après être allé de Tripoli à Kouka et du Maroc à Alexandrie, envisageait le percement possible du rivage de la Grande Syrte, toute la région au sud du Barka transformée en mer intérieure, et l'Afrique centrale ouverte aux navires de l'Europe. Les faits ont démenti la légende de la dépression saharienne. S'il fallait choisir entre les deux expressions de basses terres ou de hautes terres pour caractériser le désert, c'est peut-être ce dernier terme qui lui conviendrait le mieux. M. Chavanne a évalué la hauteur moyenne du Sahara à 460 mètres. Si l'on admet ce chiffre, qui ne paraît pas exagéré, car les voyages de Lenz, des missions Flatters et Foureau et les informations reçues sur l'AdrarAhenet, ou pays des Touareg de l'Ouest, rehaussent plutôt les altitudes, on constate que le Sahara, considéré en bloc,

4

1. Erdkunde, traduct., I, p. 86.

2. Das grosse Tiefland der Zahara (Ansichten der Natur, p. 69).

3. Von Tripolis nach Alexandrien, II, p. 68.

4. Afrika im Lichte unsrer Tage, Vienne, 1881, p. 4.

« PrécédentContinuer »