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Les Oulad-Ogab, les descendants de Yazid-ben-Moaouïa et les Beni-Ali lui firent la même objection.

« Soyez sans inquiétude, répondit le marabout; j'amènerai au milieu de vous une partie de la population des Oulad-ben-el-Ahmer, originaire de la Syrie. Ils vous protégeront contre vos ennemis. »

En effet, il expédia immédiatement un homme d'ElLedja, nommé Douï, lequel leur amena cent quarante Oulad-ben-el-Ahmer, qui s'installèrent auprès d'eux et les firent respecter de leurs voisins, en été comme en hiver.

De ce point, sidi Mçaoud se rendit chez les beni-Fendben-Braham.

Saïd-el-Fassi, d'après Nacer-el-Mçâad, lequel le tient de Belli dont la sincérité est proverbiale, raconte ce qui suit :

Nous allâmes ensuite à Haci-Khalifa-ez-Zenati, où nous passâmes la nuit.

Le lendemain, nous nous arrêtions au Keber-Ouïch-elKhamsi, puis à Zerrig, et enfin nous arrivâmes au village de Ferkan-el-Ihoudi (1), près duquel est une zaouïa. Sidi Mçaoud, invité à s'y arrêter refusa; sidi Ali son fils lui demanda la cause de ce refus: Ces gens là, lui réponditil, sont des païens de la pire espèce; non seulement ils mangent pendant le mois de ramad'an, mais encore ils se tiennent constamment nus; ils jouent le jeu de

(1) Ferkan est une oasis située non loin de celle de Negrin, à 300 kilomètres S. E. de Constantine. Près de là se trouvent les ruines d'un ancien poste romain que les Arabes nomment Besseriani. Ferkan, ainsi que Negrin, appartiennent en quelque sorte à la grande tribu des Nememcha.

mouton dans cet état de nudité, et, de plus, ils ont l'impudeur de se raser réciproquement le poil des parties génitales.

« Envoyez moi donc parmi eux pour les convertir, répliqua sidi Ali. »

< 0 mon fils! le moment n'est pas propice pour accomplir cette mission, il faut attendre la saison d'été ou d'automne pour les trouver tous réunis ; tandis qu'en hiver et au printemps ils se dispersent avec leurs troupeaux dans différentes directions, à la recherche de pâturages.

Au bout de quelque temps, sidi Ali s'adressant à son père lui dit :

J'ai eu un songe fort extraordinaire ; j'ai rêvé que je me trouvais avec mon esclave Nacer dans un désert de sable. J'étais assis, et tout à coup une nuée d'oiseaux s'est mise à voltiger autour de moi. M'étant approché, ces oiseaux se sont effarouchés et envolés vers le ciel; puis ils sont redescendus, et je les ai tous attrapés, sans exception, les uns après les autres. »

Le marabout sidi Mçaoud lui répondit: « 0 mon fils! Dieu est celui qui connaît le mieux l'avenir; mais ce que tu as vu en songe n'est autre que la destinée du pays du Souf, dont la population embrassera en totalité la religion de l'islam par ton intervention. »

Sidi Ali ayant résolu dès lors de se rendre au Souf pour y faire de la propagande religieuse, se mit en route avec Bellil, dont le véritable nom était Sâad-elKebir-ben-Amer-ben-Nacer-el-Adouani, natif de Ledja.

Au moment de se séparer, sidi Ali dit à son père: Tu seras toujours mon protecteur, et au moment du danger

je désire que tu viennes à mon aide, je t'appelerai à mon secours !

Oui, j'accourrai à ta voix, s'il plait à Dieu; je te le promets.

L'endroit où sidi Mçaoud fit cette promesse s'appelle encore Aïat (les cris).

Sidi Ali se rendit donc au Souf. Nous arrivâmes dans les ksour; d'abord à celui de Ledja, où nous fùmes salués et accueillis avec joie. Nous passàmes sept nuits au milieu des gens de Ledja, parmi lesquels se trouvait Si-Ahmed-ben-bou-Aziz; ils écoutèrent tous les paroles de sidi Ali avec soumission. Nous nous rendîmes ensuite au ksar de Teka-bent-Sebti. El-Heuch nous reçut, nous donna du pain et du bouillon, et offrit l'hospitalité à sidi Ali et à toute sa suite.

El-Heuch envoya chercher Ahmed et ses enfants pour les présenter à ses hôtes.

«Que puis-je faire pour vous être agréable? leur dit sidi Ali ?>

Nous n'avons qu'un désir; c'est que vous réussissiez dans votre mission, lui répondit El-Heuch. Faites rentrer le plus tôt possible toute cette population dans la religion de Dieu et de son prophète.

En effet, les habitants de cette bourgade devinrent musulmans en totalité.

De là, sidi Ali se rendit au village de R'enam. Les uns adoptèrent la vrai religion et les autres persévérèrent dans leur erreur.

Puis il alla à Kanoun, dont les habitants se soumirent également.

Il descendit ensuite à la chaumière située près de Tar'

zout; mais un parti qui refusait de le recevoir se déclara, et il dut se tenir à l'écart. Alors le marabout sidi Abbas-el-R'erib et ses disciples, dont nous avons parlé plus haut, accoururent pour l'assister. Quelques gens de Tar'zout se firent musulmans; mais les autres restèrent ce qu'ils étaient.

L'auteur du récit ajoute: Ceux qui sont bien renseignés sur le passé de la contrée, m'ont affirmé que le pays de Souf ne fut jamais occupé par les chrétiens ; ils n'babitèrent que Djelâma près de Tar'zout.

Sidi Ali se transporta ensuite du Souf dans l'OuedRir', prêchant sans cesse la religion musulmane.

Nous reviendrons plus tard sur ce sujet, s'il plait à Dieu.

Safouan raconte Me trouvant dans la ville de Biskra, j'assistai un jour à l'audience publique que donnait le saint, l'ouali sidi Zakaria-el-Biskri. Il se mit à parler des personnages qui s'étaient distingués entre tous par leurs vertus, et cita, entre autres, sidi Hassen-Aïa, de Nefta. Sidi Zakaria était assis au milieu des principaux notables du pays, avec lesquels il s'entretenait. Quand il eût fini de causer avec son entourage, je m'approchai et je lui remis mon offrande.

Ensuite je dirigeai mes pas vers la mosquée de sidi Zakaria. Là, je trouvai un vieillard d'un aspect vénérable, assis au milieu d'une foule nombreuse et parlant du pays de Souf. Je m'approchai et lui dis

O! Cheikh respectable, savez-vous quelque chose sur le pays de Souf ?

Il me regarda et me répondit affirmativement.

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Eh bien! je serais désireux de connaître ce que vous savez à ce sujet.

Le Souf, dit-il, était jadis inhabité, et cela dura jusqu'au temps d'Abraham. A cette époque, une population s'y établit et y séjourna quarante ans. Du temps de David, il y avait un nombre considérable d'habitants. Les eaux du Nil coulaient alors à travers le Souf. (1) Puis, ce pays fut ruiné et resta dans cet état jusqu'au siècle de Loui, qui le repeupla. Sa prospérité dura encore une quarantaine d'année. Puis vinrent les Beni-Merin, qui chassèrent ceux qui l'occupaient et s'y maintinrent à leur tour quarante autres années. Les Beni-Addas s'en emparérent et le gardèrent quarante ans. Les Zenata en restèrent les maîtres pendant quarante ans. Les 'Adouan chassèrent les précédents et y restèrent quarante ans. Enfin, les derniers envahisseurs sont les Troud-Klab, qui massacrèrent les 'Adouan. Voilà qu'elle est l'histoire du Souf; tâche de comprendre si tu es intelligent!

Ce sont donc les Troud qui sont actuellement les maîtres du pays ?

Oui; ces derniers descendent de Ahmed, Kaïd, R'enam, ct Zeïd.

Ahmed était à Ledja. Il eut trois fils: Nacer, El-Bekri et Mouça. Leur mère était de Nefta. Quand elle mourut, Ahmed se remaria avec Reguïa-el-Mâhdjourïa, qui enfanta Mohammed.

Gueber-Teka-ben-Sebti était habité par Kaïd, qui eut deux fils Moubarek et Brahim.

(1) Nous relaterons plus loin, dans l'appendice, la légende qui se rapporte au fleuve qui, jadis, aurait coulé à travers le pays du Souf.

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