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dont l'éclat est rehaussé par la gloire de son illustre fondateur?

» C'est un édifice où sont dressées les colonnes de la religion, à l'ombre de l'observance des commandements de Dieu unique.

>> Il est pareil au soleil ; mais cet astre est destiné à perdre sa splendeur chaque soir, tandis que lui conservera éternellement son caractère sacré.

» Sa vaste nef, érigée par la main de HUCEÏN, s'ouvre riante devant les humbles dévots.

» Le fondateur espère obtenir sa grâce de celui qui laissera tomber demain sur les pécheurs le voile de sa miséricorde.

O toi, sublime bonté, à qui ne s'adressent jamais en vain les espérances des mortels, daigne combler ses vœux dans cette vie et dans l'autre.

>> Si tu veux apprendre, ô lecteur, la date de la construction, elle est contenue dans ces mots : Le Bey du siècle Huceïn-ben-Mohammed, (c'est-à-dire 1143 (de J.-C. 1730). »

L'ameublement de la chambre du bey n'avait rien de ce qui, chez les Européens, constitue le bien-être; on n'y remarquait aucune superfluité. C'était le confortable arabe dans toute sa simplicité. La description de cet intérieur peut donner une idée du goût qui présidait à l'appropriation des autres appartements du palais. De grands et moelleux tapis à longs poils couvraient le sol dans tous les sens. Le bey s'y tenait allongé ou assis à la turque pendant la journée; le soir, des négresses lui apportaient des matelas, des couvertes et des coussins, sur lesquels il dormait. Autour du kiosque, on voyait quelques glaces

et des armes de luxe suspendues à des étagères. Des coffres ou bahuts à têtes de clous en cuivre, disposés le long des murs, contenaient de l'argent, quelques papiers et des vêtements. On y voyait aussi des meïda ou tables rondes, à pieds très-courts, sur lesquelles on servait le repas du bey quand, par hasard, il se décidait à le prendre dans son harem. D'habitude, il mangeait chez sa mère, et sa méfiance de tout ce qui l'entourait était telle, qu'il ne touchait qu'à ce qui lui était offert par elle ou par son eunuque Merzoug. Dans cette chambre, il n'y avait aucune cheminée; en hiver, on se bornait à y déposer un réchaud contenant de la braise.

Pendant l'épidémie de choléra qui, en 1835, causa de si grands ravages à Constantine, El-Hadj Ahmed reçut là les soins empressés de sa mère. En cette circonstance, El-Hadja Rekia, veillant nuit et jour sur lui, ne se borna pas à lui rendre la santé ; elle eût encore l'énergie de faire avorter un complot ourdi dans le but de l'assassiner.

A quelques pas du kiosque, dans un angle obscur au fond de la galerie, existe une petite chambre servant actuellement de poste aux mokahli de garde au palais, où se tenait, à portée de la voix de son maître, l'eunuque nègre chargé d'apporter le café, dont le bey faisait en fumant une consommation extraordinaire. La porte qui ferme ce réduit est un chef-d'œuvre de menuiserie; les panneaux sont en bois de noyer, sculptés avec un art infini, figurant des rosaces et des feuillages aux courbes gracieuses. Un écusson, également en noyer, ajusté à la partie supérieure des panneaux, contient l'inscription suivante gravée en relief en beaux caractères arabes.

الله الرحمن الرحيم بسم

لمالكة السعادة والسلامة وطول العمر ما سمعت حمامة وعز لا يخالطـه هـوان

الى

الفـيــــامــــة

وابراح

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« Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Pour le maître de ce palais, paix et félicité, une vie qui se prolonge tant que roucoulera la colombe, une gloire exempte d'avanies, et des joies sans fin jusqu'au jour de la résurrection. >>

Au-dessous de l'écusson et y attenant, on voit la trace d'un ornement de forme semi-ovoide qui a été enlevé d'un coup de ciseau. Sa surface portait autrefois le millésime. 1186, correspondant à l'année 1772, époque où Salah bey fit embellir la maison qu'il possédait dans le quartier de Sidi el-Kettani. L'inscription ci-dessus n'est donc point, comme l'ont supposé quelques personnes, la dédicace du palais. El-Hadj Ahmed ayant enlevé cette porte de la place qu'elle occupait primitivement, en fit effacer le millésime qui aurait pu indiquer sa provenance. Une particularité digne de remarque, c'est qu'on ne trouve dans l'édifice aucune inscription commémorative rappelant la date de sa construction. Le nom de son fondateur, El-Hadj Ahmed bey, n'y figure même nulle part. Serait-ce un oubli? Je crois plutôt que le bey, qui ne jouit qu'un instant de son œuvre, n'eut pas le temps de songer à la consacrer. Se

croyant alors hors des atteintes des revers de la fortune, il était loin de prévoir que son palais, ses femmes et sa puissance même s'échapperaient un jour de ses mains pour passer à d'autres, et surtout dans celles des chréliens.

A côté de la chambre du cafetier est une porte de communication pour pénétrer dans la cour dite du Génie. Nous y reviendrons plus tard, et, pour le moment, nous continuerons notre promenade dans la cour du général.

Repassant près du kiosque, nous avons devant nous une longue galerie à double colonnade. Ici encore l'éclat des couleurs prête sa magie aux lignes gracieuses des constructions. Les murs, sur lesquels se détachent les ogives, et l'épaisseur même des cintres, sont vivement enluminés en rouge ou en vert. De grandes lanternes aux formes bizarres et également couvertes de couleurs tranchantes, sont suspendues entre chaque arceau. Autrefois un certain nombre de négresses étaient chargées de l'entretien de ces lanternes. On en voyait, alors, à peu près à chaqne arcade. Les tribus kabiles fournissaient l'huile nécessaire à ce luxe d'éclairage, et pendant que les rues de la ville étaient plongées dans l'obscurité la plus complète, le palais resplendissait comme en un jour de fête.

La première chambre que nous trouvons dans la galerie est celle dite salle des Conférences ou des Commissions. On a dù la percer de grandes fenêtres et la garnir d'une porte vitrée pour lui donner plus de clarté. Elle est large. plutôt que longue; deux colonnes torses, d'une légèreté remarquable, soutiennent les trois arceaux attenants au plafond. Cette chambre était affectée au logement des femmes du harem.

A quelques pas plus loin, on se trouve devant une grande porte qui actuellement donne accès dans une cour où sont les écuries du général. Il y avait là autrefois plusieurs chambres habitées par les négresses chargées du service du palais.

Nous arrivons enfin au bout de la galerie, devant un escalier en marbre par lequel on monte à l'étage supérieur. Mais, avant de faire notre ascension, nous avons à voir encore trois pièces ouvrant et prenant jour sur la galerie du rez-de-chaussée. L'une d'elles est très-grande, mais sans ornementation; ses murs étaient simplement blanchis à la chaux. C'était encore un logement pour les femmes.

Depuis que nous parcourons les appartements intérieurs du palais, nous avons souvent parlé des femmes qui peuplaient le harem et des négresses chargées du service, sans être entré dans aucun détail sur tout ce personnel féminin. Il est temps, je crois, d'entretenir le lecteur d'un sujet qui, sans nul doute, a déjà éveillé sa curiosité au plus haut degré. Que de souvenirs à la fois intéressants et terribles n'allons-nous pas retracer en l'initiant à la vie intime d'El-Hadj Ahmed, qui fut le digne représentant d'un siècle, ou plutôt d'un pays où régnait la force brutale, et où la vie des hommes ne comptait pour rien ! Ce souverain passa maitre en violences de tout genre en dévalisant et pillant les maisons de ses sujets, il embellit son palais; en enlevant leurs filles et leurs femmes, il peupla son harem. Ces faits caractéristiques nous édifient pleinement sur son mépris de la propriété et en disent plus que toutes autres réflexions.

Les quatre épouses légitimes que lui accordait la loi

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