Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

Le périmètre du palais affecte, en plan, la forme d'un carré long, dont un des grands côtés fait face à la place actuelle et l'autre à la rue Desmoyen. Sa superficie est de 5,609 mètres. Ayant été édifié sur un terrain très en pente, on a dû le niveler, en bâtissant, à sa partie la plus basse, de solides constructions servant à la fois de caves ou d'écuries et de mur de soutènement contre la poussée des terres supérieures (façade de la rue Caraman).

Il renferme trois corps de logis principaux à un étage, séparés par deux jardins formant l'essence même de l'ancien harem du bey, et portant en eux le cachet de la destination qui lui avait été donnée.

Des murs élevés cachaient aux regards indiscrets ce nid mystérieux et solitaire, dont toutes les ouvertures étaient bardées de fer ou de grillages très-épais.

Les appartements distribués autour des galeries prenaient jour sur les cours et les jardins; les fenêtres ouvrant au dehors étaient petites et peu nombreuses; elles avaient l'aspect de créneaux; on a dû les agrandir, depuis, pour avoir plus d'air et de clarté. L'ordonnance architectonique du rez-de-chaussée se reproduit à peu près exactement au premier étage.

crois pas mentir en disant que le bey a déboursé au moins un million et demi de piastres du pays.

» Les maîtres maçons et menuisiers recevaient, comme salaire, cinq piastres par jour. Les simples ouvriers en avaient une. C'est par mes soins qu'ils étaient payés à la fin de chaque semaine. >>

Sauf quelques remaniements de détail, l'intérieur est encore aujourd'hui tel qu'il était quand le bey l'habitait; aussi est-il difficile de se retrouver dans ce labyrinthe d'appartements, de cours, de galeries et de jardins, lorsqu'on le visite pour la première fois. Les autres dépendances qui entourent le quadrilatère sont le résultat de besoins successifs.

L'aspect du monument révèle son histoire; on voit, au premier coup d'œil, qu'il n'a pas été exécuté d'un seul jet, d'après un plan arrêté d'avance et coordonnant le tout. Du reste, en considérant attentivement les murs, on reconnaît facilement les différentes reprises de travaux, les soudures qu'elles nécessitèrent, et la provenance diverse des matériaux employés. Chaque chef ouvrier exécuta séparément, et selon son inspiration, la portion de bâtiment dont on lui avait indiqué les dispositions générales, puis on joignit le tout plus ou moins heureusement. Mais si tous ces détails ne sont pas irréprochables, au point de vue du goût et de l'harmonie, on ne peut pas refuser d'y reconnaitre un caractère, résultant essentiellement du caprice du hasard, qui constitue sa véritable originalité.

L'appareil de toutes ces constructions est, à la base, en pierres de taille provenant de ruines romaines, puis en maçonnerie entremêlée d'assises en briques, revêtues d'un enduit de chaux et sable. Les voussures des arcades des galeries sont également en briques.

Entre les deux principaux jardins, il existe un pavillon que les indigènes nomment le Kiosque (actuellement cabinet du général). Il se relie au reste de l'habitation par une triple rangée de colonnades. On reconnait là, sur

out, qu'il ne faut pas demander aux indigènes l'exactitude des proportions; non-sculement les arcades qui surmontent les colonnades n'ont pas toutes le même développement, mais les piliers eux-mêmes ne sont point parallèles, c'est-à-dire ne correspondent pas les uns avec les autres: d'où l'on est porté à conclure que les architectes. ont cherché à utiliser, en les raccordant, des piliers qui existaient déjà.

Les jardins, que sépare le kiosque, sont carrés et entourés d'une ceinture de portiques affectant la disposition d'un cloître. Ces portiques sont découpés avec une hardiesse et une légéreté merveilleuses; de gros pans de mur portent sur le vide, bravant toutes les règles de la statique; aussi ne comprend-on pas comment de si frêles appuis peuvent soutenir les galeries de l'étage supérieur. A chaque angle des carrés on a eu le soin cependant d'élever de solides piliers en maçonnerie, contre lesquels viennent s'arc-bouter les colonnades.

Comme dans la plupart des maisons mauresques, des tirants en bois sont horizontalement scellés entre chaque arcade, dans le double but de servir de lien aux deux retombées de l'arceau, et pour être utilisés au besoin comme supports de rideaux destinés à amortir l'éclat du jour.

Les arcades sont généralement ogivales et portent sur des colonnes monolithes en marbre blanc, de grandeurs inégales et d'une grande variété de formes. Les unes sont sveltes et élégantes, les autres trapues et massives; on en observe de carrées, de rondes, de torses et d'octogones; leur diamètre varie de 15 à 25 centimètres, et leur hauteur a rarement plus de 2 m. 50. Ces colonnes, réparties un peu partout, sont au nombre de 266.

Les chapiteaux présentent un amalgame des styles les plus disparates et les plus incohérents. Quelques-uns, à feuillages et à grappes de fruits entre les tailloirs, rappellent, par leur galbe, le chapiteau corinthien. D'autres appartiennent à l'ordre Toscan ou Gréco-byzantin. Beaucoup sont médiocrement sculptés ou à peine ébauchés ; on a même utilisé de simples cônes tronqués, seulement dégrossis, et n'ayant qu'un croissant en saillie pour tout ornement.

Pour éviter l'humidité, on a élevé le sol des galeries circulaires à plus d'un mètre au-dessus du niveau des jardins. Quant au sol même de toutes ces galeries, il est recouvert d'un dallage en marbre blane.

Les murailles latérales sont garnies jusqu'à hauteur d'homme, d'un revêtement en faïences vernies de différentes couleurs et de toute provenance, dont l'ajustement forme des dessins de fleurs s'entrelaçant ou des mosaïques d'un très-bel effet. Je suis persuadé qu'un antiquaire trouverait dans le palais des échantillons fort curieux de carreaux émaillés de fabrique ancienne et pourrait y faire d'intéressantes études sur l'art céramique.

Les dalles du sol et les faïences du pourtour s'agencent admirablement et contribuent à entretenir une fraîcheur agréable. On voit que cette condition de température, si appréciée en Algérie à l'époque des chaleurs tropicales, avait été recherchée avec grand soin.

Au-dessus des faïences et servant de bordure, règne un cordon en plâtre, qui se développe en ruban et court dans tous les sens, dessinant en relief les contours des fenêtres et quelquefois même des portes. Entre cette sorte de corniche et le haut du mur, touchant le plafond,

l'œil est attiré par des peintures à grands ramages de fleurs et de fruits entremêlés, aux couleurs éclatantes et variées. De distance en distance, on voit une série de tableaux, d'une originalité toute particulière, qui ont pour sujet des vues grotesques de villes, de forteresses et de vaisseaux.

L'encadrement, tout contre les ais du plafond, est représenté par l'image de draperies zébrées de bleu, de rouge et de jaune, que retiennent des cordons à gros glands.

L'artiste semble avoir voulu imiter un rideau, soulevé avec intention, pour laisser jouir les spectateurs de la vue de toutes ces merveilles de peinture. Mais ces fresques, hâtons-nous de le dire, ne peuvent être regardées qu'à distance d'une exécution qui témoigne de l'imperfection de l'art chez les indigènes, elles sont en outre fortement empreintes d'un caractère barbare. Elles rappellent celles des enfants: même rudesse, même oubli de proportions et de perspective. Mais, quelle que soit leur bizarrerie ou leur médiocrité, on ne peut disconvenir, cependant, que l'effet général n'en soit agréable à l'œil. Malheureusement, ces chefs-d'œuvre de la peinture algérienne commencent à être dévorés par l'humidité et à s'écailler considérablement pendant les chaleurs de l'été. Nous en parlerons tout à l'heure plus en détail, et, à ce sujet, il ne sera pas inutile de dissiper ce que j'appellerai une fable de touriste fort répandue, et qui ne tendrait à rien moins, qu'à les attribuer à un malheureux esclave chrétien.

Après six années de travaux consécutifs, c'est-à-dire vers 1835, tous les bâtiments qui composent aujourd'hui

« PrécédentContinuer »