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mostarabes, lancèrent une excommunication générale contre quiconque de leur communauté prêterait son concours à une fraude lésant les revenus de la caisse des pauvres mostarabes au profit de celle de l'autre communauté. Cette mesure grave fut prise et publiée dans toutes les synagogues de la ville, le 7 Ab 5501 (juillet 1741). La scission fut alors complétement consommée entre les deux communautés. Quarante-trois ans plus tard, le 7 Elloul 5544 (août 1784), une réunion de soixante rabbins renouvela cette excommunication, pour l'appliquer principalement aux étrangers des pays musulmans qui arriveraient à Tunis et qui, selon la première convention, devaient faire partie de la communauté mostarabe. — Trois des signataires de ce dernier acte ajoutèrent à la suite de leur adhésion que les commerçants algériens, de passage seulement à Tunis, ne devaient pas être compris dans cette excommunication (1). Aujourd'hui encore, la séparation est complète entre ces deux communautés, sans que cependant il y ait haine ou une division quelconque entre les individus : l'administration seule est distincte.

XXIV

Le costume des Juifs devait être différent de celui des vrais croyants dans toute l'Afrique septentrionale. La chachia, ou calotte rouge avec le turban, leur étaient interdits; ils ne pouvaient porter qu'une chachia de couleur sombre. Les jeunes gens la portaient en velours violet ou (A) Mischkenoth Harvim, p. 103 et passim, no 112.

bleu foncé ; les hommes mariés, en drap violet ou noir, avec un foulard en poult de soie gris sombre ou noir, serré autour de la tête; les vieillards portaient au-dessus la kouassa, espèce de grand foulard couvrant la tête et les oreilles. Dans quelques villes cependant, à Constantine, par exemple, il leur était permis d'enrouler autour de la tête et du cou des morceaux d'étoffe blanche longs de deux à trois mètres environ, imitant assez bien le turban. -Le burnous ne devait être ni blanc ni gris clair, mais gris foncé, dans quelques provinces, comme celle de Titteri, et bleu foncé dans d'autres, celle d'Alger, par exemple. Leur chaussure consistait en tcharpi, soulier sans quartier ni talon; en bettim, soulier juif à talon, sans quartier; en bolgha, sorte de pantoufles sans talon, dont le quartier se rabat dans l'intérieur du soulier, le tout de couleur sombre. La chaussure et la coiffure européennes étaient également autorisées. Dans la province de Constantine, on leur permettait parfois le burnous et la chaussure des Arabes. Au bout de quelque temps, on revenait sur cette autorisation, et on les obligeait de nouveau à porter des burnous noirs et d'autres chaussures. Cela dépendait des caprices du bey. - Quant aux vestes et aux autres parties de leur vêtement, aucune forme et aucune couleur ne leur étaient prescrites; le vert seul leur était défendu. — Il leur était interdit d'une manière absolue de monter à cheval; on ne leur permettait comme monture que le mulet ou l'âne; dans l'intérieur des villes, ces montures mêmes leur étaient sévèrement défendues. Comme équipement, ils ne pouvaient se servir d'aucune espèce de selle; les bâts et les chouaris (paniers) étaient seuls tolérés.

Quant aux femmes, la plus grande prudence leur était nécessaire, comme sécurité personnelle, en fait de toilette et de bijoux. Comme il n'y avait d'apparent que le haïk, qui enveloppait la femme de la tête jusqu'aux pieds, la seule réserve qui leur était imposée consistait dans la défense de certaines couleurs pour ce haïk. Le haïk blanc venant du sud ne leur était pas défendu. - La toilette des femmes juives (caftan, gandourah et autres) était tout à fait différente de celle des femmes mauresques et arabes, de sorte qu'il n'avait pas été nécessaire de la réglementer. Une distinction existait cependant, mais toute volontaire de la part des juives, comme, d'ailleurs, pour le reste de

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lear toilette : c'est l'absence du voile (et-adjar, „ș qui couvre la figure des femmes musulmanes. - A Alger, la sarmah était permise aux femmes juives: c'était une coiffure en argent serrant la tête et assez élevée, par-dessus laquelle on jetait les extrémités du haïk, que l'on croisait sur la poitrine de manière à cacher la moitié du visage et tout le reste du corps.

L'entrée des mosquées était interdite aux Juifs. Cependant il y avait, dans beaucoup de villes, des mosquées fort vénérées qui étaient en quelque sorte des lieux d'asile un Juif, poursuivi dans les rues par les Arabes, pour n'importe quel motif, y trouvait le repos et la sécurité. Contrairement à l'usage des musulmans, il pouvait, il devait même y pénétrer avec sa chaussure, ce qui établissait aux yeux de tous la religion à laquelle il appartenait. Dans le cas où il aurait ôté sa chaussure pour pénétrer dans la mosquée, on aurait pu le prendre pour un musulman; et il arriva fréquemment que des Juifs, dans de

pareilles circonstances, furent forcés de se convertir. Quand un Juif passait devant une mosquée ou le palais du pacha ou du bey, il devait prendre sa chaussure à la main et marcher nu-pieds; l'oubli était immédiatement puni par une forte bastonnade, sans aucune forme de procès. Aussi, les Juifs, en général, évitaient avec soin de passer dans les rues où se trouvaient des mosquées ou le palais des princes; ils faisaient plutôt de grands détours. — Si un Juif, voyageant dans la campagne monté sur un mulet ou sur un âne, rencontrait sur la route un grand personnage musulman, il devait descendre de sa monture, se ranger sur les côtés du chemin, à une distance respectueuse du musulman, et ne pouvait remonter sur sa bête que lorsque le grand personnage avait entièrement dis

paru.

Les Turcs épargnaient les Juifs bien moins que ne le faisaient les Arabes. Bien souvent le premier Turc venu obligeait un ou plusieurs Juifs à faire des corvées qu'il n'aurait demandées ni à ses esclaves, ni à ses bêtes de somme (1); il les forçait de porter des fardeaux au dessus de leurs forces, sans leur donner aucune rétribution. — Un Turc, par fatigue, quelquefois par dérision, prenait le premier Juif qu'il renconfrait sur son chemin et le forçait de lui servir de monture; parfois il lui mettait dans la bouche un mors avec lequel il le guidait comme on guide une monture ordinaire (2). Malheur au Juif, s'il faisait mine de vouloir refuser! il était aussitôt appréhendé au corps, conduit devant le kadi et accusé d'avoir

(1) Omer Haschikcha, p. 73, d.

(2) A Alger et à Tunis, de pareils faits n'ont jamais eu lieu.

insulté la religion musulmane; il se trouvait toujours quelques témoins prêts à déposer devant le kadi qu'ils avaient entendu le maudit Juif blasphémer le prophète et sa religion. La justice était expéditive on donnait au Juif quelques centaines de coups de bâton, puis, jeté en prison, il devait bientôt embrasser l'islamisme, ou bien alors il était vendu comme esclave, quand il ne perdait pas la vie pour son refus d'embrasser la religion de Mahomet.

XXV

Les conversions volontaires des Juifs étaient assez rares, et on n'employait pas souvent la force pour les amener à embrasser l'islamisme. Cependant, on trouve dans les tribus d'assez nombreuses familles d'origine juive, que les chefs avaient obligées à se convertir. Nous avons déjà · signalé la conversion des anciens Juifs de Tuggurt, imposée par un Ben Djellab, qui, comme récompense, leur avait d'abord permis de devenir musulmans, et qui, sur le refus qu'ils lui avaient manifesté, se trouva blessé dans son amour-propre et les convertit par force à sa croyance. Nous avons aussi déjà parlé d'une fraction de la tribu des Zemoul, près de l'Aïn-Feskïa, convertie par la volonté de leur cheïkh (1). - Ces convertis restaient toujours isolés des autres musulmans, soit par leur propre volonté, soit par suite du peu d'estime que les Arabes professent pour les renégats. Il existe aussi de nombreuses fractions de tribus où on retrouve d'anciennes coutumes juives qui

(1) Annuaire de la Société archéologique, t. X, p. 10 et suiv.

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