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rappelle que les Juifs, dans tous les temps, ont été fidèles et affectionnés au peuple romain, et particulièrement à l'empereur César, son père; il ordonne, avec l'avis du Sénat, que les Juifs vivront selon leurs lois et coutumes, comme au temps de Hyrcan, grand-prêtre de Jérusalem; qu'il leur sera permis d'envoyer à Jérusalem l'argent qu'ils consacrent au service de Dieu; qu'ils ne seront pas contraints de comparaître en jugement ni le jour du sabbat, ni la veille du sabbat, après neuf heures, en la Parascève; que si quelqu'un dérobe leurs livres saints ou l'argent destinė an service de Dieu, il sera puni comme sacrilege et son bien confisqué.

Josèphe (1) cite encore un décret gravé sur une colonne du temple Auguste, et ainsi conçu: « César à Norbanus > Flaccus, salut. Nous voulons qu'il soit permis aux Juifs, › en quelque province qu'ils demeurent, d'envoyer de » l'argent à Jérusalem, selon leur coutume, pour l'em>ployer au service de Dieu, sans que personne les en › empêche. »>

Marcus Agrippa écrivit enfin de son côté aux magistrats et au sénat de Cyrène (2): « Les Juifs qui demeurent à › Cyrène nous ayant fait des plaintes que, malgré les

ordres donnés par Auguste à Flavius, gouverneur de › la Libye, et aux officiers de cette province, de les lais» ser dans leur pleine liberté d'envoyer de l'argent sacré

à Jérusalem comme d'habitude, il se trouve des gens > malveillants qui les en empêchent, sous prétexte de > réclamer d'eux certains tributs qu'ils ne doivent pas en › réalité, nous ordonnons qu'ils soient maintenus dans

(1) Josephe, ibid.

(1) Josèphe, ibid.

> leurs droits, sans qu'on puisse les troubler, et que, si > quelque argent sacré a été intercepté, il leur soit res»titué par les personnes nommées à cet effet. »

III

Les Juifs de Libye et de Cyrène avaient, à l'époque de la naissance du christianisme, un certain nombre d'entre eux qui, habitant Jérusalem, formaient, comme les Juifs Alexandrins, et peut-être même avec eux, une synagogue particulière. Ce sont eux, principalement, que nous trouvons accusés par les Actes des Apôtres (1) de s'être soulevés contre saint Étienne, d'avoir disputé avec lui et d'avoir contribué à son martyre.

Mais, après la destruction du temple de Jérusalem par Titus (70 de J.-C.), un grand nombre de Juifs zélateurs, qui avaient lutté avec acharnement contre les armées romaines, se retirèrent en Libye et à Cyrène, où ils cherchèrent de nouveau à soulever leurs coréligionnaires contre Rome. Un certain Jonathan excita ce mouvement, qui avorta dès sa naissance; car les Juifs de Cyrène, non-seulement ne voulurent pas s'associer à ces zélateurs réfugiés chez eux, mais avertirent même Catulle, gouverneur de Libye, qui le réprima sans peine, parce qu'il n'avait pas pris racine dans le pays. Jonathan ayant été arrêté, voulut se venger sur les habitants de Cyrène de l'insuccès de sa révolte; il accusa auprès de Catulle les principaux Juifs d'avoir été les promoteurs de cette révolte. Catulle, «cet (1) Act. des Ap., ch. VI, v. 9.

avare gouverneur, comme dit Josèphe, prêta volontiers l'oreille à une si grande calomnie, et y ajouta même encore, afin qu'il parût avoir en quelque sorte achevé de faire la guerre aux Juifs. Pour comble de méchanceté, il excita les zélateurs et leur enseigna les calomnies à inventer. Il leur ordonna particulièrement d'accuser un Juif nommé Alexandre, que chacun savait être depuis longtemps l'objet de la haine de Catulle. Alexandre fut exécuté avec sa femme Bérénice, qu'on enveloppa dans la même accusation. Il fit ensuite mourir trois mille autres Juifs, auxquels on ne pouvait reprocher d'autre crime que celui d'être riches, pensant n'avoir rien à craindre, parce que, se contentant de prendre leur argent, il confisquait leurs terres au profit de l'empereur. D'un autre côté, pour ôter à ceux qui demeuraient dans d'autres provinces le moyen de l'accuser et de le convaincre de ses crimes, il se servit de ces mêmes zélateurs, ses prisonniers, et de ce Jonathan, pour dénoncer ceux des Juifs qui, à Alexandrie et à Rome, passaient pour être les plus honnêtes et les plus influents, parmi lesquels se trouvait Josèphe, l'auteur de l'histoire des Juifs. Catulle se rendit à Rome, emmenant avec lui Jonathan et ses autres prisonniers. Mais il fut trompé dans son attente; car Vespasien, se doutant de quelque chose, voulut approfondir les faits; et, lorsqu'il connut la vérité, il déclara innocents, à la demande de Titus, Josèphe et tous ceux qui avaient été faussement accusés. Jonathan, pour prix de ses crimes, fut brûlé vis, après avoir été battu de verges. Quant à Catulle, la clémence des deux princes le sauva. « Mais bientôt, ajoute > Josèphe, il tomba dans une maladie horrible et incu› rable, dont néanmoins les douleurs, quelque grandes

» qu'elles fussent, n'égalaient en rien les remords qui >> vinrent tourmenter son âme. Il finit sa vie criminelle » par une mort qui fit voir que Dieu n'a jamais fait con› naître par un exemple plus remarquable la grandeur >> des châtiments que les méchants doivent attendre de » sa justice (1). »

IV

Sous Trajan cependant, les Juifs de la Libye et de la Cyrénaïque n'eurent pas la même prudence que sous Vespasien. Cyrène, au contraire, fut un des points où la révolte la plus forte des Juifs éclata contre l'autorité romaine, lorsque, au même moment, un mouvement insurrectionnel se manifesta parmi les Juifs dans les contrées les plus éloignées, en Babylonie, en Cyrénaïque, en Égypte et dans l'ile de Chypre.

Les causes de ce soulèvement sont inconnues; mais une telle coïncidence fait supposer un plan bien combiné et des chefs hardis; et cependant, aucune des combinaisons que semble prouver la simultanéité de ces insurrections n'est parvenue jusqu'à nous. Le fait seul, par lui-même, nous est connu. Faut-il supposer que des missionnaires prêchant la révolte seraient partis d'un même point pour ces différentes contrées ? Faut-il voir dans le rabbin Akiba un de ces missionnaires nationaux, parce que le Talmud, à plusieurs reprises, parle de ses nombreux voyages, et notamment de ceux qu'il fit en Afrique ? C'est probablement (1) Josèphe, Guerre des Juifs, 1. VII, ch. XXXIX.

à de semblables voyages faits en Afrique, en Arabie, en Babylonie et dans les différents pays où se trouvaient des Juifs, qu'il faut attribuer la simultanéité des mouvements et des soulèvements. D'ailleurs, le rabbin Akiba pourrait être regardé avec quelque certitude comme un des principaux fauteurs de ces révoltes, puisque, un peu plus tard, on le retrouve comme le principal soutien de la révolte de Barcochebas sous Adrien.

Le soulèvement le plus sérieux eut lieu à Cyrène. Là, ils avaient un chef qui, suivant les uns, s'appelait Lucus, suivant les autres, Andréas. Les Juifs égyptiens eux-mêmes, d'ordinaire si fidèles, firent cause commune avec les révoltés. D'abord, les Juifs de Cyrène attaquèrent leurs voisins et massacrèrent les Grecs et les Romains, sans doute pour venger, non-seulement la perte de leur nationalité, mais encore les tracasseries et les persécutions que ces derniers leur faisaient souvent endurer, malgré la défense formelle de Rome, comme nous l'avons dit précédemment. Enhardis par le succès, les Juifs de Cyrène se formèrent en armée et attaquèrent le général Lupus, qui s'avançait contre eux. L'impétuosité des Juifs leur fit remporter l'avantage sur la tactique savante des Romains: le général Lupus fut vaincu et repoussé: Les suites de cette victoire furent inhumaines et barbares de part et d'autre, suites malheureusement trop naturelles d'une guerre d'indépendance. Quand l'amour de la patrie, longtemps étouffé, se fait enfin jour, le sang seul peut apaiser cette soif de vengeance et de représailles.

Les Romains, après la défaite de Lupus, se jetèrent dans Alexandrie, dont la jeunesse valide juive se trouvait dans l'armée des insurgés. Ils firent subir aux Juifs de la ville

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