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de neige, néanmoins il contenait beaucoup d'acide carbonique. Après avoir fait marcher longtemps l'aspirateur, je renouvelai l'eau de baryte du récipient, et je m'assurai que, pendant le reste de la journée, le bourgeon continua d'expirer le même acide.

Le 26 mars, les feuilles commencèrent à s'épanouir. Le 29, elles étaient développées en partie, le temps était plus doux, le thermomètre monta à 15°, l'expiration d'acide carbonique diminua sensiblement sous l'influence de la lumière du jour.

Enfin, le 8 avril. les feuilles étaient entièrement étalées pendant le jour, température 6 à 7°, elles n'exhalèrent plus sensiblement d'acide carbonique; la nuit, au contraire, elles en produisaient en quantité considérable (1).

Le 13 avril, je pris note d'un fait important que je remarquais depuis plusieurs jours et dont on ne pouvait plus douter: les feuilles confinées dans le ballon étaient parfaitement saines et visiblement plus grandes que les feuilles extérieures.

Enfin, vers la fin de mai, le ballon était entièrement rempli de feuilles et celles-ci pressées les unes contre les autres; j'observai que celles du centre qui étaient privées de lumière commençaient à jaunir. J'arrêtai l'opération. La branche qui avait été confinée étant mise en liberté, continua de pousser comme les autres. Ayant pensé qu'en opérant à l'aide d'un aspirateur on pouvait craindre qu'il ne restât toujours un peu d'acide carbonique dans la cloche, lequel ne serait pas enlevé avec une rapidité suffisante, j'ai établi sur une autre. branche de l'arbre un second ballon disposé comme le premier, avec cette différence qu'au lieu d'enlever l'acide avec un aspirateur, on avait placé dans le fond de ce ballon une mince couche de chaux vive. De cette manière, l'acide carbonique était absorbé rapidement à mesure

(1) J'ai donné l'explication de ces faits dans un précédent mémoire.

de sa production, et l'on pouvait être certain que les feuilles confinées n'en avaient pas à leur disposition.

Malgré cette modification, les choses se passèrent absolument de la même manière que dans le premier cas, c'est-à-dire que le bourgeon s'épanouit, les feuilles se développèrent et elles devinrent au moins aussi grandes que celles qui étaient à l'extérieur.

II.

D'après les faits que je viens d'exposer, il est probable que non-seulement les feuilles acquièrent du carbone par leur surface extérieure, mais qu'elles peuvent assimiler aussi le carbone de l'acide carbonique qui circule dans leurs tissus. J'ai démontré autrefois qu'on trouve toujours de l'acide carbonique dans le tronc des arbres et en général dans tous les végétaux. Ce gaz acide est-il attiré dans les feuilles, et décomposé par elles sous l'influence de la lumière ?

C'est l'opinion de Th. de Saussure qui l'a justifiée par une expérience que je vais rappeler.

Cet observateur a vu que lorsqu'on enferme un rameau feuillé attenant à un arbre en pleine végétation, dans un ballon plein d'air privé d'acide carbonique, cet air s'enrichit sensiblement en oxygène en deux ou trois semaines (2)

(1) Le 30 juin 1866, j'ai fait, à 50 centimètres au-dessus du sol, un trou profond dans un orme de grande taille, dont le tronc avait 1 m. 20 de circonférence, et j'y ai adapté hermétiquement un bouchon percé d'un tube que j'ai mis en communication avec des récipients renfermant de l'eau de baryte. Ces récipients étaient suivis d'un aspirateur. L'écoulement de l'eau avait lieu avec beaucoup de lenteur, ce qui prouve qu'elle n'aspirait que de l'air confiné dans les interstices de l'arbre. En mesurant l'eau écoulée et faisant les corrections ordinaires, j'ai trouvé que cet air contenait par litre 9cc 3 d'acide carbonique, soit près d'un pour cent en volume.

(2) De Saussure annonce ce fait d'une manière très-affirmative et il s'appuie sur des expériences précises. Cependant, il serait utile de le vérifier

Cet oxygène serait le résultat de la décomposition de l'acide carbonique qui circule librement dans les feuilles et qui y parvient par une voie qu'il importe de mettre en évidence.

III.

On se demande, dès-lors, quelle est l'origine de l'acide carbonique qui circule dans l'intérieur des plantes. J'ai fait à cet égard de nombreuses recherches, mais je ne crois pas devoir les publier encore. Un sujet aussi important, qui se rattache aux phénomènes essentiels de la vie végétale, exige un examen approfondi.

Je me bornerai pour aujourd'hui à énoncer les hypothèses qui peuvent être faites pour expliquer l'origine de cet acide carbonique intercellulaire :

1° On peut supposer d'abord que les feuilles faisant pendant le jour d'abondantes inspirations d'acide carbonique dans l'atmosphère, cet acide n'est pas immédiatement décomposé par elles en totalité et qu'il en pénètre une faible proportion dans la circulation végétale. Un arbre chargé de beaucoup de feuilles pourrait en acquérir ainsi une quantité notable.

2o Pendant quelques années, on a enseigné que les racines des végétaux aspirent directement dans le sol de l'acide carbonique qui monte dans leurs tissus. Il paraît probable que les organes radiculaires, en absorbant de l'eau dans le sol, recueillent en même temps l'acide carbonique et les bi-carbonates que cette eau tenait en dissolution; mais il n'est pas prouvé que les racines inspirent directement dans le sol l'acide carbonique à l'état de gaz. Aucune expérience n'est venue confirmer cette hypothèse, au contraire toutes mes recherches lui sont défavorables, c'est ce que j'ai annoncé il y a déjà longtemps, en (1867).

3o Il est une autre source d'acide carbonique qui me paraît moins contestable. Elle a été découverte par Th. de Saussure, et de nombreuses observations m'autorisent à admettre sa réalité et son importance. La voici :

Les racines font constamment dans le sol d'abondantes inspirations d'oxygène; aussi les plantes, chacun le sait, ne prospèrent jamais dans un sol compacte où l'air ne peut pénétrer ""). D'après cet éminent physiologiste, cet oxigène se transforme en acide carbonique aux dépens du carbone qui fait partie de la substance propre des racines ou des éléments qu'elles ont absorbés.

En opérant sur des racines isolées, de Saussure a constaté qu'une faible partie de l'oxigène inspiré par elles est absorbée directement et que le reste est consumé, c'est-à-dire transformé en acide carbonique qui s'échappe au-dehors et qu'on peut recueillir.

Lorsque au contraire les racines sont encore en communication avec la tige et les feuilles des plantes auxquelles elles appartiennent, elles continuent d'inspirer de l'oxygène, mais elles ne dégagent plus d'acide carbonique; celui-ci est absorbé par ces organes, et il s'élève dans les feuilles qui le fixent et l'élaborent (Note).

De Saussure semble croire que, dans ce dernier cas, tout l'oxygène inspiré est transformé en acide car

(1) On n'a pas prêté assez d'attention à cette propriété caractéristique dont jouissent les racines. C'est cependant un des faits les plus importants de la vie végétale. Une plante ne peut vivre si ses racines sont privées d'oxygène. Ceci explique la nécessité des labours, des hersages, des défoncements, en un mot de toutes les façons qu'il faut donner au sol pour l'ameublir et le rendre poreux. Le drainage est avantageux non seulement parce qu'il donne un écoulement à l'eau stagnante, mais aussi parce qu'il introduit de l'air dans les interstices de la terre. On voit fréquemment pénétrer des racines d'arbre dans les tuyaux de drainage et les obstruer. Elles s'y développent plus vigoureusement que dans le sol lui-même, parce qu'elles y respirent mieux et plus abondamment.

Quand on maintient la racine d'une plante dans de l'air pur, en ayant le soin de faire plonger ses extrémités dans de l'eau, on voit l'oxygène disparaître peu à peu. Si, au contraire, on la met dans de l'air mélangé d'acide carbonique, non seulement elle n'absorbe pas cet acide, mais la plante périt en peu de temps, dès que la quantité d'acide carbonique dépasse certaine limite.

bonique ". Il est probable cependant qu'une certaine quantité de ce gaz est absorbée directement pour entrer dans d'autres combinaisons. La production des acides. organiques justifie cette hypothèse.

Cette dernière fonction des racines n'a pas encore exercé la sagacité des physiologistes. Elle est fort importante cependant et son étude dévoilera bien des mystères concernant la vie des végétaux (2).

Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, il est probable que la quantité d'acide carbonique qui peut pénétrer dans les feuilles par la voie intérieure est peu importante comparativement à ce qu'elles en absorbent directement dans l'atmosphère. S'il en était autrement, les feuilles confinées du figuier, dans l'expérience précédente, n'auraient pas cessé de croître. Au contraire, si le développement des feuilles du marronnier n'a pas été arrêté, c'est parce que cet arbre avait de grandes dimensions et qu'il contenait une provision d'acide carbonique suffisante pour le petit nombre de feuilles que j'avais isolées de l'air atmosphérique.

IV.

Je viens de discuter l'origine probable de l'acide carbonique qu'on trouve dans le tissu des végétaux et qui a dû servir de pourvoyeur de carbone aux feuilles confinées qui se sont développées dans l'expérience sur le marronnier.

(1) Le gaz oxygène ne s'assimile point immédiatement aux racines, mais il forme avec leur substance du gaz acide carbonique qu'elles absorbent et qui est élaboré par les feuilles (De Saussure. Recherches chimiques sur la végétation (1804), page 114).

(2) M. Dehérain s'occupe, de son côté, de ce sujet difficile. Il a annoncé au congrès de Clermont (août 1876) que, d'après ses expériences, les racines des plantes inspirent de l'oxygène et exhalent ordinairement une proportion d'acide carbonique inférieure à celle de l'oxygène inspiré.

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