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En chelha, le mot tayoka, forme féminine de yoka, est employé pour désigner une paire de bœufs attelés à la charrue. Ce terme ressemble beaucoup à son équivalent latin jugum; mais les Anglais possèdent le mot yoke, les Allemands le motioch, le Arabes le mot zoudj, et il paraît même que la racine primitive youga existe en sanscrit.

En chelha, navire se dit tennaut, terme qui rappelle les mots latins navis, naula.

La géographie de Ptolémée, les ouvrages de Pline, de Méla, d'Ammien Marcellin, les itinéraires d'Antonin et de Peutinger, la liste des évêchés d'Afrique, nous font connaître beaucoup de noms de lieux qui ne peuvent s'expliquer ni par le latin, ni par le grec. Bien qu'un petit nombre de ces mots offre une signification en langue berbère, il serait imprudent, dans l'état actuel de nos connaissances, d'entreprendre une analyse étymologique de tant de noms barbares.

Il en est de même à l'égard des noms propres d'hommes. Les historiens de l'empire romain, ainsi que Procope, nous en ont conservé un certain nombre; mais c'est Corippus qui nous en fournit le plus. Dans son poème latin, le Johannide, composé vers le milieu du sixième siècle de J.-C. et imprimé pour la première fois en 1820, on trouve les noms d'environ cent cinquante chefs et guerriers appartenant à la race libyenne ou numide. L'auteur s'écrie en rapportant ces mots barbares :

Quis mihi tot populos gentesque et proclia vates
Ordinet arte nova?.

Temperet insuetis nutantia carmina verbis:

Nam fera barbaricæ latrant sua nomina linguæ.

Dans la plupart des langues on rencontre des obstacles souvent

(chameau), en chelha, aram; ce savant le considère comme berbère, tandis que M. Movers, dans son Phoenizier (t. 11, 2° partie, p. 365), n'y voit qu'une altération du mot arabe djemel. Nous conviendrions volontiers qu'alfana vienne d'equus, que wig dérive de perruque, (en anglais periwig, par aphérèse, wig), mais nous doutons fort qu'aram provienne de djemel.

insurmontables quand on essaie de trouver l'étymologie de noms propres. En chelha et en touareg, les noms des hommes n'ont plus aucune signification. Beaucoup de chefs berbères ont porté des noms qui ne s'expliquent plus à l'aide de leur langue. Aussi, nous n'oserions entamer la discussion étymologique des noms libyens avant de pouvoir indiquer d'une manière certaine la signification de Bologguin, de Makcen, de Soggout, de Tachefin, de Tafraguin, et d'autres noms purement berbères.

L'on peut cependant se permettre de faire quelques observations à ce sujet :

1° Parmi les noms conservés par Corippus on en trouve une trentaine qui se terminent en an, en, ou in, syllabes formatives du participe actif en berbère :

2o Il s'y présente aussi à peu près autant de noms qui se terminent en es ou as, pronom possessif de la troisième personne du singulier, en berbère;

30 Nous y trouvons aussi quelques noms qui prennent la terminaison asen, pronom possessif de la troisième personne du pluriel, en berbère. Tels sont :

Hisdreasen,

Ielidassen,

Macurasen,

Manonasen,

Manzoracen.

Les lecteurs d'Ibn-Khaldoun ne manqueront pas de faire un rapprochement entre ces derniers noms et celui de Yaghmoracen, fondateur de la dynastie abd-el-ouadite. On sait que ce chef avait mérité par sa bravoure le titre d'étalon de la tribu (fahl el caum, comme le disaient les Arabes), aussi, en berbère, le nommait-on Yaghmoracen (admissarius eorum), C'est ainsi qu'en arabe africain, le mot lallahom, nom propre de femme, signifie la maîtresse d'eux.

Les noms de ces trois catégories ont des formes parfaitement berbères; de plus, ils se réduisent à des racines trilitères, quand on les dépouille des syllabes accessoires, et ils rentrent ainsi

dans la classe de mots berbères. Vouloir trouver, dès-à-présent, la signification de ces racines, ce serait entreprendre l'impossible; nous ne connaissons encore qu'une très-faible portion du vocabulaire général de la langue berbère; même, si nous en possédions tous les mots, toutes les racines, nous hésiterions d'appliquer nos connaissances à une série de mots qui, bien qu'ils semblent faire partie de cette langue, ont peut-être cessé d'être employés depuis plus de treize siècles.

Je ne saurais terminer ma tâche, fruit d'un travail assidu de quatorze années, sans témoigner ici ma profonde reconnaissance au Ministère de la Guerre, dont l'administration intelligente a su, au milieu des plus graves préoccupations, encourager les travaux et les recherches relatives à l'histoire et à la géographie de notre belle colonie algérienne. Sans lui, cet important ouvrage aurait encore dormi longtemps sur les rayons poudreux de nos bibliothèques. Je me plais donc à le remercier des encouragements qu'il a toujours accordés à ce genre d'études et à lui exprimer ma reconnaissance de toutes les marques de bienveillance dont il m'a favorisé.

DE SLANE.

POSTSCRIPTA.

La note sur les recherches de M. Geslin, insérée dans l'a page 530 de ce volume, était déjà imprimée, quand le Moniteur universel du 7 et du 8 août 1856, donna au public un rapport sur la même matière. Ce document, rédigé avec beaucoup de soin et de savoir par M. Reinaud, membre de l'Institut, renferme une juste appréciation du travail de M, Geslin et un exposé clair et détaillé des connaissances que l'on possède en Europe au sujet du peuple touareg et des langues nègres. Il est bien à regretter que M. Geslin n'ait pas vécu assez longtemps pour lire cet écrit, dans lequel le savant académicien lui donnait de justes éloges et de sages conseils. Les cahiers renfermant les recherches de M. Geslin ont été renvoyés à Alger.

Tout le monde a lu et admiré les beaux ouvrages dans lesquels M. le général Daumas a dépeint les mœurs et les usages des diverses populations musulmanes de l'Afrique septentrionale. Son esquisse de la Grande Cabilie est d'une vérité frappante et sa description du Grand Désert renferme d'excellents renseignements sur les Touaregs et sur leur pays. L'exactitude de la carte géographique qui accompagne ce volume et qui a pour base les indications recueillies de la bouche des indigènes, est pleinement confirmée par les observations de Richardson et du docteur Barth.

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