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dévoiler l'imposture. Quand Yacoub apprit toute la perversité de son hôte, il le conduisit à Ceuta, avec ses affidés, et les livra au sultan mérinide. Par l'ordre de ce monarque on coupa au pri sonnier une main et un pied des côtés opposés, et on lui accorda ensuite une pension pour son entretien. Dès-lors, Ibn-Hidour continua à habiter le Maghreb et il y mourut en l'an 768 (1366-7).

L'EMIR ABOU-MALEK MEURT EN COMBATTANT LES CHRETIENS.

Après s'être débarrassé de son ennemi [le souverain de Tlem cen], Abou-'l-Hacen termina promptement les affaires qui survinrent après la victoire, et, pour satisfaire à une passion dominante chez lui, il résolut d'entreprendre une guerre sainte. Depuis le règne de Youçof-Ibn-Yacoub, les Mérinides eurent tant à faire chez eux qu'ils donnèrent aux chrétiens l'occasion d'obtenir la supériorité sur les musulmans de l'Andalousie. Ainsi, le roi [de Castille] leur enleva plusieurs forteresses, et s'empara de Gibraltar [en 709-1309); puis, il assiégea le sultan Abou-'l-Ouélîd dans la capitale de l'empire grenadin, l'obligea à payer la capitation et se disposa à soumettre tous les vrais croyants qui habitaient l'Espagne.

Le sultan Abou-'l-Hacen, ayant enfin vaincu ses ennemis et agrandi son royaume, prit la résolution de faire la guerre aux infidèles et, en l'an 740 (1339-40), il en avertit son fils, AbouMalek, qui commandait alors les forteresses mérinides de l'Espagne, et lui envoya l'ordre d'envahir le territoire de l'ennemi. Il lui expédia, en même temps, de la capitale, un corps de renforts et plusieurs vizirs. Abou-Malek, pénétra, à la tête d'une armée nombreuse, dans les états du roi chrétien et y répandit la dévastation; ensuite il revint avec les prisonniers et le butin jusqu'à la frontière et У dressa son camp. Les officiers sous ses ordres apprirent que les chrétiens avaient réuni leurs forces et s'avançaient rapidement; aussi, lui conseillèrent-ils d'évacuer le

territoire de l'ennemi, de rentrer dans celui des musulmans en traversant la rivière qui les séparait, et d'abriter ses troupes dans les villes appartenant aux vrais croyants. Trop fier pour reculer et trop jeune pour avoir l'expérience nécessaire dans la conduite d'une guerre, ce prince, aussi entêté que brave, résolut de bivaquer dans la position où il se trouvait. Il en résulta que les Mérinides, surpris dans leur camp par l'armée chrétienne, s'éveillèrent en sursaut et, avant de pouvoir quitter leurs tentes et monter à cheval, ils furent presque tous taillés en pièces. L'émir Abou-Malek lui-même tomba mortellement blessé au moment où il allait se mettre en selle. Les chrétiens s'emparèrent de toutes les richesses que le camp renfermait et s'en retournèrent dans leur pays.

Le sultan apprit avec douleur la mort de son fils, mais il trouva une consolation dans la pensée que ce jeune homme avait succombé en combattant pour la foi et qu'il obtiendrait de Dieu une ample récompense. Alors, sans perdre de temps, il fit passer une autre armée en Espagne et éqnipa une flotte pour combattre les infidèles.

LA FLOTTE MUSULMANE REMPORTE UNE VICTOIRE SUR CELLE DES CHRÉTIENS. MORT DE L'ALMILEND.

Quand le sultan apprit la mort de son fils, il envoya ses vizirs dans les villes maritimes afin de présider à l'équipement de ses vaisseaux de guerre. Il ouvrit en même temps le bureau de solde et d'enrôlements; puis, ayant passé ses troupes en revue, il pourvut à tous leurs besoins, appela aux armes les diverses populations du Maghreb et partit pour Ceuta avec l'intention de surveiller en personne les préparatifs de cette nouvelle expédition. Les chrétiens, de leur côté, se disposèrent à faire une vigoureuse résistance, et leur roi envoya une flotte dans le Détroit afin d'en empècher le passage.

Pendant que

le souverain mérinide pressait l'armement des

navires qui se trouvaient dans ses ports, les Hafsides lui expédièrent, sur sa demande, la flotte de l'Ifrîkïa, composée de seize bâtiments et commandée par Zeid-Ibn-Ferhoun, chef de la marine de Bougie. Cette escadre, dont les navires avaient elé fournis par les ports de l'Ifrikïa, tels que Tripoli, Cabes, Djerba, Tunis, Bône et Bougie, vint mouiller à Ceuta. La flotte des deux Maghrebs, au nombre d'une centaine de navires, s'y rassembla aussi.

Le sultan ayant complété l'équipement de son armée navale, en donna le commandement à Mohammed-Ibn-Ali-el-Azefi, le même qui gouvernait à Ceuta, lors de la prise de cette ville, et lui ordonna d'attaquer les chrétiens dans le Détroit. Les musulmans endossèrent leurs cottes de mailles, saisirent leurs armes et se portèrent à la rencontre de l'ennemi. Dès deux côtés, l'on s'arrêta pendant quelques minutes; puis l'on s'avança pour accrocher les navires de l'adversaire et commencer le combat. Dans moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour dire deux mots1, la victoire se déclara pour les vrais croyants qui, s'étant élancés à l'abordage, massacrèrent les équipages à coups de pique, à coups d'épée et jetèrent les cadavres à la mer. Almilend2, caïd des chrétiens, fut tué dans cette bataille. On prit à la remorque les navires enlevés à l'ennemi et on les conduisit à Ceuta, où une foule de monde s'était rassemblée pour voir ce beau spectacle. On porta ensuite en triomphe à travers tous les quartiers de la ville un grand nombre de têtes que l'on avait coupées aux chrétiens, et on enchaîna les prisonniers dans l'arsenal.

A la suite de cette victoire, le sultan tint une grande séance afin de recevoir les compliments de son peuple et d'entendre les poètes célébrer à l'envi cette glorieuse journée.

'A la lettre

il n'y avait que comme non et non. Voy. sur le sens de cette expression le commentaire de Harîri, de M. de Sacy, page HMV 2 Don Alfonse Géofroi de Ténorio, Amirante de Castille.

DEFAITE DES MUSULMANS SOUS LES MURS DE TARIFA

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Après avoir défait la flotte chrétienne et ouvert le Détroit, le sultan se mit à faire transporter en Espagne les guerriers qu'il avait pris à sa solde, pendant que la flotte musulmane se rangeait sur une seule ligne, d'un continent à l'autre. Quand toute l'armée eut traversé le Détroit, Abou-'l-Hacen la suivit avec ses familiers et ses domestiques, et, vers la fin de l'an 740 (juin 1340), il débarqua dans le voisinage de Tarifa. Ayant fait camper ses troupes dans les environs de la place, il commença les opérations du siége et [bientôt après] il reçut le secours d'une puissante armée commandée par le sultan de l'Andalousie, Abou-'[Haddjadj, fils du sultan Abou-'l-Ouélid. Ces renforts, composés de troupes zenatiennes, des garnisons tirées des places frontières et de gens de la campagne, prirent position en face de l'armée mérinide et complétèrent ainsi l'investissement de Tarifa.

Pendant que les assiégeants employaient contre la ville toutes les ressources de l'art militaire et qu'ils dressaient leurs machines pour l'attaque, une nouvelle flotte, équipée par le roi chrétien, entra dans le Détroit et empêcha l'arrivée des convois qui devaient alimenter l'armée musulmane. On persista néanmoins à presser le siége, malgré la disette de vivres et de fourrages, malgré l'affaiblissement des bêtes de somme et la misère qui régnait dans le camp.

Le roi [de Castille] se mit alors à la tête des peuples chrétiens et, quand il eut opéré sa jonction avec l'armée d'El-Bortugal', seigneur 'd'Ichbona2 et de l'Andalousie occidentale, il marcha contre les vrais croyants qui avaient déjà passé six mois sous les murs de la place. S'étant rapproché de leur camp, il profita d'une nuit

Don Alfonse IV, roi de Portugal.

2 Ichbona, le nom arabe de Lisbonne,

obscure pour faire passer dans Tarifa un détachement de son armée. Les troupes musulmanes qu'on avait chargées de veiller aux mouvements de l'ennemi ne s'aperçurent de rien qu'au point du jour, et, s'étant alors précipitées sur l'arrière-garde de la colonne chrétienne avant qu'elle fût entrée dans la ville, elles en tuėrent une partie. Craignant ensuite la colère du sultan, elles lui cachèrent la vérité et l'assurèrent que rien n'avait pénétré dans la forteresse, excepté la petite troupe qu'elle venait d'attaquer. Au lendemain, l'armée du roi chrétien s'avança, et le sultan disposa la sienne en ordre de bataille. Aussitôt que le combat fut bien engagé, la colonne qui s'était introduite dans Tarifa et qui s'y tenait cachée, fit une sortie contre le camp, en se dirigeant vers les tentes du sultan. Elle tailla en pièces les soldats qui s'y tenaient de garde et qui avaient tâché de la repousser à coups de flèche toutes les femmes qui essayèrent de résister furent tuées; celles du sultan furent massacrées et dépouillées. Tel fut le triste sort d'Aïcha, cousine du sultan et fille d'Abou-YahyaIbn-Yacoub, ainsi que de Fatema, fille d'Abou-Yahya-AbouBekr, souverain de l'Ifrikïa'. Les troupes musulmanes, s'étant aperçues de ce qui se passait derrière elles, et voyant que leur camp était déjà en feu, perdirent leur ordre de bataille et prirent la fuite. Déjà, un fils du sultan s'était jeté au milieu de l'armée ennemie, à la tête de ses gens, et y avait été fait prisonnier. Le sultan lui-même tourna le dos et alla rejoindre le corps de l'armée musulmane. Dans cette malheureuse journée beaucoup de nos guerriers trouvèrent la mort.

Le roi chrétien étant entré dans le camp, s'arrêta auprès de la tente du sultan et exprima le plus vif mécontentement de ce qu'on

1 << Fatime, fille du roi de Tunis, et première femme d'Alboacen » (Abou-'l-Hacen), fut tuée dans une tente sans être connue. On fit » prisonnière une de ses sœurs et trois autres femmes d'Alboacen.»— (Ferreras.)

Il se nommait Abamar (Abou-Amer), selon Ferreras.

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