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deux cabinets, deux alcôves. A une certaine hauteur au-dessus du sol, de petites niches sont ménagées dans le mur. De semblables armoires se trouvent déjà au ribât de Sousse; nous les trouverons constamment employées dans les demeures musulmanes. La pièce s'ouvre sur une galerie, une antisalle, limitée du côté de la cour par des pans de murs et par des arcs. Des pièces annexes contiennent des jarres et des réservoirs maçonnés pour emmagasiner les provisions, surtout les dattes.

Les murs sont construits en blocage revêtu de plâtre (tim

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chemt). Les pièces semblent avoir été couvertes par des voûtes. L'amorce d'une de ces voûtes subsiste; Blanchet nous l'a décrite : un berceau se terminant par deux demi-coupoles portant sur quatre petites niches d'angle 1. Ces niches sont couvertes par des coquilles, et leur arc d'ouverture est découpé en lobes circulaires.

Les arcs limitant les alcôves sont en fer à cheval et reposent sur des colonnes dégagées. Ceux des galeries d'une des maisons exhumées par Tarry sont de même outrepassés et en plein cintre. Ils reposent, non sur des colonnes, mais, semble-t-il, sur des

1 Académie des Ins. et B. Lettres. Comptes rendus des séances. 4 série, t. XXXVI, 1898, p. 520.

piles rectangulaires cantonnées de colonnettes engagées. Ces colonnettes n'ont pas de chapiteaux, mais la pile porte des sortes d'impostes à deux étages que surmonte l'arc. On trouve aussi des piliers cylindriques gros et courts, dont les chapiteaux à pans coupés, semblent imaginés pour couronner plutôt des pilastres octogonaux que des cylindres (fig. 47). Nous en avons rencontré de comparables dans le vieux quartier de Monastir (fig. 31).

Plusieurs des traits que nous venons d'indiquer rattachent cette architecture à celle de l'Ifrîqya: l'arc en fer à cheval et l'imposte qui en reçoit la retombée, les niches à coquille avec leur arc découpé en lobes rappelant les trompes de la coupole de Kairouan.

Toutefois les piles de maçonnerie à colonnettes angulaires évoquent plutôt le souvenir des supports substitués aux colonnes dans la mosquée d'Ibn Touloûn ou dans la mosquée fâtimite d'El-Hâkim. La salle en T se trouve à Samarra et à Fostât (Vieux Caire) à l'époque toûloûnite 2.

Sedrâta.

Fig. 47.
Pilier en maçonnerie
revêtue de plâtre.

La décoration. - Matière, disposition et caractère. Le décor de Sedråta est entièrement sculpté dans le plâtre. On sait qu'il n'était pas inconnu des décorateurs aghlabites et qu'on le trouve, d'autre part, au Caire à la mosquée d'Ibn Toûloûn (876). Comme dans les édifices d'époque plus récente, les ornements sculptés commencent au-dessus de la cimaise. Quelques bandes encadrant les portes descendent seules jusqu'au sol. La partie du mur décorée fait saillie sur la partie nue; l'encorbel

1 Cf. HER FELD, Der Wandschmuck der Bauten von Samarra und seine Ornamentik, p. 2.

2 ALI BAHGAT et GABRIEL, Fouilles d'Al-Foustat, ch. IV-V.

lement s'accuse, dans une des salles, par une corniche en dents de scie, comme au palais mésopotamien de Raqqa. Dans la même salle, le décor est divisé par des arcatures étranges, dérivées, semble-t-il, de l'arc découpé en lobes. Les lobes se superposent verticalement et se rejoignent deux à deux de part et d'autre de l'axe (fig. 49). Ces arcatures rappellent celles que l'on a trouvées à Samarra 2. Le cadre des panneaux est formé de filets

plats sillonnés par une rainure médiane. Fréquemment, deux filets semblables sont séparés par un grainetis. Ce grainetis se compose de petits carrés plus ou moins espacés, parfois posés un angle en bas et perforés d'un trou circulaire.

Ce qui caractérise ce décor et contribue à lui donner un aspect très primitif, c'est l'absence complète de toute mouluration, et presque de tout modelé. La forme semble silhouettée dans le plâtre encore frais avec un outil de bois ou de fer. Les bords du relief sont perpendiculaires au fond, ou largement taillés en biseau, comme le sont les ornements géométriques sculptés au couteau dans le bois par les montagnards kabyles. Cette facture et le genre de décor qu'elle traduit ont été signalés à maintes reprises dans les basiliques africaines des Ive et v° siècles, à Tigzirt comme à Tébessa ou dans la région de l'Aurès 3. Plusieurs de nos décors de Sedrâta se rattachent visiblement à cette ornementation chrétienne.

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Fig. 48. Sedrâta.

Niche d'angle.

Les éléments décoratifs. Les ruines de Sedrâta ont livré quelques inscriptions; mais Tarry, qui en parle, n'a donné ni reproduction ni texte. On le regrette d'autant plus que l'épi

1 Cf. SARRE-HERZFELD, Archäologische Reise, III, pl. LXX, 1.

2 HERZFELD, Der Wandschmuck der Bauten von Samarra, ornement 118, p. 82. 3 Voir notamment S. Gsell, Musée de Tebessa, p. 51, pl. VII-8.

graphie permettrait sans doute de préciser l'âge des édifices et la filiation du style.

La géométrie est des plus simples: presque toutes les figures dérivent du carré ou du cercle. Les rosaces y jouent un rôle important; elles sont inscrites dans des circonférences, qu'entoure parfois un feston, ou dans des formes quadrilobées. L'artiste ne sait qu'entrelacer ces cercles par deux ou par quatre, ou les unir au moyen d'un galon.

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L'ornement floral, le plus employé, ignore l'entrelacs. Le rinceau véritable est lui-même absent de ce décor. La tige, quand elle se développe, n'affecte que la forme ondulée; les feuilles se logent dans les courbes concaves. L'élément proprement végétal est pauvre. Une grande fleur, une sorte de marguerite, s'étale en rosace. Les pétales sont évidés et semblent plutôt les cannelures rayonnantes d'une coquille. Ces pétales sont détachés du centre et parfois se groupent deux par deux. Outre cette fleur, dont il est impossible de déterminer la nature, deux feuilles constituent le fond du répertoire végétal une feuille

Fig. 49.
décor

Sedràta. d'arcatures.

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asymétrique à deux lobes et une feuille symétrique à trois lobes. L'une et l'autre se rattachent à la tige par un pédoncule large perforé d'un trou circulaire. Il semble bien que ce soit encore la feuille de vigne étalée ou pliée qui ait engendré ces deux silhouettes. Le pédoncule perforé représente le lobe inférieur qui, après s'être recourbé en crochet, s'est refermé en anneau. Les décors coptes sur bois et sur pierre, dont le Musée de Boulaq conserve une si curieuse collection, nous donnent la clef de cette transformation (fig. 52). On y remarque en effet, sur une tige ondulée, qui porte également des grappes, des feuilles dont les

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lobes inférieurs dessinent presque un cercle complet1. Un autre fragment présente des lobes inférieurs élargis et marqués d'un défoncement annulaire 2.

Comme à Sedrâta, le limbe est ici largement défoncé par une incision et la silhouette de ces vignes coptes est très analogue à celle des vignes de nos palais sahariens. Les rosaces à pétales arrondis et évidés sont également fréquentes dans les fragments de Boulaq. Entre ces deux arts existe une évidente parenté. Est-ce à dire que les décors chrétiens d'Egypte ont servi de modèles à ceux des Kharejites chassés de Tiaret? Je ne le crois

1 GAYET, Les monuments coptes du Musée de Boulaq; Mémoires de la Mission archéol. du Caire, 1889, pl. XVI.

2 Ibid., p. 20, fig. 44.

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