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Fig. 36.

Kairouan.

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Grande Mosquée. Le mihrab. A. Grands arcs soutenant la coupole. Les écoinçons sont meublés par des niches (cf. fig. 38) et des oculi à fond plat ou défoncés de coupolettes verticales. B. Arcatures et niches à claustra. C. Consoles (antiques?) n'ayant qu'un rôle purement décoratif. D. Cadre du mihrab revêtu de faïences mesopotamiennes à reflets métalliques. E. Lambris de marbre avec décor gravé (x-x siècle ?) F. Colonnes de marbre rouge (cf. fig. 28). G. Minbar: chaire à prêcher (x siècle). H. Maqçoúra: enceinte reservée au sultan

(x1° siècle).

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cultés d'une grande composition; et le sculpteur pouvait, ici encore, exécuter chaque dalle de marbre avant sa mise en place. Le haut de la niche présente une rangée de plaques céramiques et une demi-coupole de bois peint.

Le cadre de cette niche est décoré de la manière suivante : au-dessus d'une arcature recti-curviligne gravée, dont la datation nous laisse quelque incertitude, le mur est plaqué du damier des carreaux céramiques à reflets, qui sont une des parures du vieil édifice. Le sommet de cette composition est garni par deux niches séparant une arcature centrale de deux arcatures latérales. L'arcature centrale et les niches sont percées de fenêtres à claustra. Des remaniements ont pu quelque peu altérer cette partie du cadre, mais l'ordonnance paraît bien conforme au plan primitif. Niches et arcatures tiennent, nous l'avons vu, une place importante dans le décor de la coupole. Nous allons retrouver les arcatures semblablement employées dans une composition très caractéristique du vieux sanctuaire tunisien (ef. infra, fig. 147).

C'est une porte maintenant condamnée, qui pouvait jadis donner accès à une annexe, en arrière du mur de la qibla. L'arc en fer à cheval plein-cintre de cette porte est circonscrit par un arc concentrique. Six arcs aveugles constituent, au-dessus, une galerie, que couronne un crénelage de merlons découpés en dents de scie. Velazquez Bosco a montré l'analogie de cet ensemble avec le cadre du mihrab de la Grande Mosquée de Cordoue. Je reviendrai sur ce rapprochement très intéressant suggéré par l'archéologue espagnol.

Les éléments du décor.

On sait que le décor sculpté musul

man, dont il m'appartient pas d'étudier les premières

manifestations orientales, offre généralement ce caractère de n'admettre, comme le décor-broderie ou le champlevé byzantin, que des reliefs peu accusés, ou mieux de présenter des ornements presque méplats se détachant sur une surface défoncée. On sait que ce genre d'ornement, auquel on a donné le nom vague d'arabesque, et où l'impuissance technique du modeleur se concilie avec l'élégance ingénieuse du calligraphe, répudie presque

1 Pour la voir, il faut pénétrer dans l'intérieur de la maqçoùra. L'annexe dont il est question contient la bibliothèque de la mosquée.

complètement la représentation des êtres animés, et n'emprunte guère ses éléments qu'à la flore une flore très conventionnelle et qui se soucie peu de la nature à la géométrie et à l'épigraphie. Nous verrons par la suite comment cet arsenal réduit s'enrichit quelque peu par l'annexion d'éléments que cette énumération ne mentionne pas; mais nous devons immédiatement constater, dans le décor du 1x siècle, la présence de formes étrangères au décor proprement musulman. J'ai nommé les perles et pirouettes (fig. 40, M). Ce motif antique et quelques figures de même origine' représentent un genre d'éléments que l'arabesque éliminera.

Les trois genres d'éléments qui restent, l'épigraphie, la flore et la géométrie, trouvent leur place dans le décor aghlabite.

L'élément épigraphique. Même quand les inscriptions ne nous apportent pas de textes historiques, elles nous sont précieuses, car les formes en sont assez caractéristiques pour nous permettre de dater les ensembles où elles figurent. L'écriture employée dans les édifices du Ix siècle est exclusivement l'écriture monumentale, angulaire, dite coufique. Le coufique aghlabite est très voisin du coufique des inscriptions égyptiennes du Nilomètre de Rawda et des frises d'Ibn Toûloûn. Les lettres, que nous trouvons généralement gravées en creux dans les stèles funéraires, sont sculptées en relief dans la pierre des monuments. Bien que leur présence affirme le caractère musulman de la décoration, elles ne font pas corps avec cette décoration. L'inscription forme le plus souvent une longue ligne horizontale, qui sépare les panneaux et ne constitue pas à proprement parler des bordures ou des cadres se retournant à angle droit. Les groupes de lettres n'ont jamais l'allure d'un ornement; aucune fantaisie n'en assouplit les traits. Quelques petites rosaces meublent seules les fonds de l'inscription, à la Mosquée des Trois portes. It semble que le décorateur ne se soit pas encore avisé du parti qu'il pouvait tirer de l'épigraphie. L'emploi de l'inscription s'affirme déjà comme prépondérant; il suffirait à différencier l'œuvre musulmane de l'œuvre romaine ou chrétienne; mais le texte même est visiblement ce qui importe ici le plus, non l'agencement harmonieux des lettres. Ce que révèlent ces sobres lignes d'écri

1 Oves, denticules, vase (dans le décor du minbar de Kairouan).

ture, c'est moins le besoin de l'artiste d'enrichir une surface et de varier la composition que l'intervention du théologien, ou celle du prince fondateur, soucieux de rappeler ses mérites.

L'élément floral. Le décor floral, tel que l'art musulman l'a conçu, se décompose en deux éléments, qui se sont développés presque indépendamment l'un de l'autre et dont on pourrait sans grand inconvénient dissocier l'étude d'une part, un élément végétal proprement dit, la feuille, à laquelle il conviendra de joindre le fruit et très rarement la fleur, et, d'autre part, le support de la feuille, la tige, le rameau, qui fait plutôt figure d'élément géométrique. Dans les panneaux de quelque étendue, cette tige est un filet sinueux, dont les involutions ne rappellent que bien rarement le port naturel de la plante. Ces involutions de la tige constitueront l'élément essentiel de l'entrelacs, qui doit être capable à lui seul de garnir le panneau et dont la feuille n'a plus qu'à remplir les intervalles. Suivant une pratique habituelle à l'art byzantin, la tige des premiers décors musulmans est le plus souvent un filet de largeur constante, sillonné dans sa longueur par une rainure médiane. Aucun renflement brusque ne marque l'attache de la feuille à ce support flexible. La feuille n'est qu'un élargissement de la tige, dont elle prolonge le mouvement; la rainure médiane de la tige se poursuit à l'intérieur de la feuille par un ou plusieurs défoncements de section triangulaire.

Au point de vue de la construction du décor floral, de la disposition des tiges, il y lieu de distinguer les surfaces étroite et longues, bordures ou frises, et les surfaces présentant sur leurs deux dimensions un développement assez considérable. Les premières sont les plus nombreuses, dans les édifices que nous avons à étudier. On notera que, dans la seule composition de décor extérieur que l'époque aghlabite nous ait laissée, la façade de la Mosquée des Trois portes, le parti décoratif adopté est celui de frises superposées.

Cette façade de la Mosquée des Trois portes et, dans la Grande Mosquée, les sommiers et les corniches des impostes, ainsi que Je décor de la coupole, nous permettent d'étudier le tracé des bordures. L'entrelacs véritable en est absent. On en trouve où les feuilles dressées sont placées côte à côte ; d'autres où la tige courte, plus ou moins incurvée, s'implante dans le cadre infé

rieur (fig. 40, A); le plus souvent, la feuille se relie à la feuille voisine et la tige prend l'allure d'un feston (B, C). D'autres se relient par le haut et par le bas (D) et supportent des feuilles ou des fruits alternativement dressés et pendant. Il en est où le limbe de la feuille s'inscrit dans une forme lancéolée par le moyen de deux tiges se rejoignant ou d'une tige unique rejoi

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gnant le sommet de la feuille (E). Enfin on rencontre dans les frises la fornie classique du rinceau aux enroulements contrariés (F). C'est de lui que dériveront les variétés d'entrelacs qui meublent les panneaux.

La Grande Mosquée de Kairouan nous offre plus d'une trentaine de panneaux sculptés dans le marbre. Ce sont eux qui garnissent le mihrab jusqu'au départ de la demi-coupole et dont plusieurs sont percés à jour. Nous en avons déjà parlé.

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