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portion de cercle de rayon plus petit: il est déformé au sommet. Ainsi nous l'avons trouvé dans les nefs de Kairouan, dont l'ordonnance entière s'affirme comme un bloc importé d'Egypte. Pour les larges baies, notamment dans les constructions militaires, l'Ifriqya aghlabite pratique encore l'arc romain, en plein cintre non outrepassé. Pour les fenêtres et les arcatures décoratives de petite dimension, elle fait usage de l'arc découpé en lobes circulaires. L'origine de ce tracé ne laisse pas d'être obscure. Il n'est pas absolument étranger au style chrétien

Fig. 31.

Monastir. Chapiteau ornant l'angle d'une maison.

d'Afrique. On peut supposer toutefois que l'Orient, qui l'avait transmis au pays à l'époque byzantine, le lui a fait parvenir de nouveau à l'époque musulmane. Il semble que l'introduction de l'arc lobé soit liée à celle de la coupole et de la demi-coupole en coquille, dont les niches si caractéristiques de Kairouan attestent l'origine mésopotamienne. J'ai indiqué 2 que le relief des trompes en avant du mihrab et la découpure de leur arc de tête avaient déterminé la découpure des arcatures qui les séparent. On notera d'autre part qu'un rapport analogue unit les défoncements verticaux en coupolettes côtelées aux oculi lobés. Cette forme si curieuse de la cou

pole en coquille et des tracés qui la circonscrivent connaîtra une fortune remarquable dans l'art d'Andalousie et survivra jusqu'en notre art chrétien français. Tout nous incite à y voir un legs de l'Asie.

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Les chapiteaux.

L'art tunisien du 1x siècle, qui dispose

1 Cf. GAUCKLER, Basiliques chrétiennes de Tunisie (Sbiba). Paris, Picard, 1913, pl. IX.

2 Supra p. 32.

3 Cf. E. Måle, Les influences arabes dans l'art roman, in Rev. des deux Mondes, 17 nov. 1923, p. 317.

déjà d'une variété d'arcs spécifiquement musulmans, n'a-t-il pas possédé des formes de chapiteaux qui lui fussent propres ? On pouvait en douter jusqu'à ce qu'un hasard heureux eût permis l'étude des parties hautes de la coupole de la Grande Mosquée kairouanaise. Les nefs de ce temple nous offrent un musée de chapiteaux païens et chrétiens; mais, dans cet ensemble opulent et disparate, rien ou presque rien ne décèle la main-d'œuvre musulmane. Seuls peut-être deux chapiteaux, de part et d'autre de la niche du mihrab, ont été sculptés pour la place qu'ils occupent. Leur abaque décoré d'une inscription coufique en relief se prolonge dans le mur et en est inséparable. Quelques chapiteaux semblables ont été remployés dans les portes de la ville. Or ces œuvres, que revètent des feuilles de vigne et des grappes complètement détachées du Iond, ont leurs pareilles à Saint-Marc de Venise. Ce sont, à n'en pas douter, des modèles byzantins, probablement sculptés au IX siècle (fig. 28).

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La coupole qui précède le mihrab en compte aussi beaucoup de petit modèle que l'on ne peut considérer que comme remployées.

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On en remarque cependant un certain nombre, qui font corps avec le cadre des arcatures ou des niches et qui se différencient assez nettement des modèles classiques et chrétiens connus. Dérivés lointains du chapiteau corinthien, ils présenteni, sur chaque face, deux feuilles larges et lisses généralement soudées par le bas et s'écartant l'une de l'autre en V. Une feuille simple, arrondie ou lancéolée, monte dans l'intervalle et parfois se détache en relief sur l'abaque. Il en est quelques-uns dont les côtés portent, à la partie inférieure, des feuilles dressées plus petites (fig. 29).

Des chapiteaux très analogues à ces œuvres musulmanes se

1 Bab el-Jellâdin; Bâb el-Khoûkha.

rencontrent, sculptés en bois, dans les monuments coptes que conserve le musée de Boulaq.

On peut affirmer que nos chapiteaux kairouanais, s'ils ne sont pas directement issus des modèles d'Egypte, procèdent d'une série analogue et se rattachent à l'art chrétien d'Afrique.

Le 1x siècle a-t-il connu d'autres types de chapiteaux proprement musulmans? On peut le supposer. Je signalerai, comme datant probablement de cette époque, ceux qu'on remarque à l'angle extérieur de quelques maisons du vieux quartier de Monastir où se trouve le ribât (fig. 30). D'épannelage en tronc de pyramide, comme les chapiteaux de Saint-Vital de Ravenne,

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L'Ifriqya du Ix siècle nous a laissé quelques types de corbelets et de consoles. Certains jouent effectivement leur rôle de supports, d'autres n'ont qu'une utilité décorative de décrochements et ils ne soutiennent rien. Les galeries bordant la cour de la Grande Mosquée de Kairouan, le cadre du mihrâb et la coupole, l'auvent de la Mosquée des Trois portes en conservent des séries très intéressantes. Dans tous ces organes d'encorbellement, le sculpteur, qui en meublait les faces visibles de reliefs légers ou dégageait dans la masse des volutes superposées, a conservé l'épannelage en parallélépipède de la pierre émergeant du mur (fig. 32 et 33).

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Gargouilles. Pour compléter cette revue des formes de grand relief, il convient de mentionner quelques gargouilles de silhouette simple et large gouttières aux bords verticaux taillés

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en sifflet subsistant à Kairouan dans la cour de la Grande Mosquée (fig. 34.)

Composition des ensembles décoratifs. La façade des Trois portes. Avant d'aborder l'étude des éléments linéaires que traduisent les diverses techniques, j'indiquerai l'ordonnance des quelques ensembles décoratifs où entrent ces éléments.

Dans le nombre extrêmement réduit d'édifices que le 1x siècle nous a laissés, nous avons la chance de posséder une façade entièrement décorée.

C'est celle de la petite Mosquée des Trois portes. Elle a subi de sérieux remaniements au moment de la construction du minaret (fig. 18 et 35). La partie haute a dû être remontée pierre par pierre après l'introduction d'une assise, dont une inscription datée de 844 de l'hégire (1440 J. C.) occupe toute la longueur. Le placement de cette assise a dû entraîner l'amputation du haut des écoinçons flanquant les trois baies des portes tandis que le minaret repoussait tout le décor vers la gauche. Avant cette double mutilation, trois registres superposés régnaient d'un bout à l'autre entre les baies et la corniche, où s'alignent de puissantes consoles. Les registres supérieur et inférieur portaient deux longues inscriptions coufiques; le registre intermédiaire était garni d'un décor floral. Ce décor comprenait des frises, ou plutôt des tronçons de frises, dans la longueur des pierres; en sorte que l'artisan pouvait sculpter le fragment sur le chantier sans se préoccuper du raccord des motifs. Bien plus, la plupart de ces

Fig. 34. Kairouan.

Grande Mosquée.

Gargouille.

tronçons de frises sont divisés à leur tour en deux étages, deux bordures étroites indépendantes l'une de l'autre.

La niche et le cadre du mihrab de la Grande Mosquée (fig. 36). Ce sectionnement de la grande surface à décorer est à retenir.

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On retrouve un parti analogue dans la niche du mihrâb à la Mosquée de Sidi 'Oqba. L'artiste, ayant dû meubler une surface étendue de quelques mètres dans les deux sens, l'a décomposée en panneaux d'environ 60 cm. sur 45, séparés, comme les registres de la façade des Trois portes, par des motifs courants et par des inscriptions. Cet expédient lui permet d'esquiver les diffi

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