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trompes, qui surmonte une sorte de cellule posée sur la terrasse. Ce souvenir des grandes mosquées est fort curieux; il semble assimiler l'oratoire des marabouts aux sanctuaires les plus importants du pays.

Un des angles adjacents à la qibla porte la tour sur plan circulaire, qui s'élève de plus de 15 mètres au-dessus des terrasses et qui est elle-même surmontée d'un édicule carré coiffé d'une coupole. Cette tour servait sans doute de minaret; il est notable que la Grande Mosquée, voisine du ribât, en est dépourvue. Elle

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jouait peut-être aussi le rôle de tour à signaux. Ce rôle était certainement celui du manâr de la citadelle. Les Aghlabides, et plus que tout autre Ibrâhîm ben Ahmed, avaient élevé beaucoup de tours semblables; elles permettaient, nous dit-on avec une exagération évidente, de correspondre en une nuit d'Alexandrie à Ceuta. Nous ignorons les procédés employés pour ces signaux; nous savons du moins qu'il s'agit de signaux de feu, et nous ne doutons pas qu'ils ne fussent analogues à ceux que l'Anonyme décrit dans son traité de la Tactique; car ils servaient évidemment à transmettre des nouvelles de même ordre: ils annonçaient l'approche des troupes ennemies, les descentes imminentes de chrétiens sur quelque point de la côte. Les tours à signaux

1 Sur celui du Mahres Bottoûîya, près de Sfax, cf. El-Bekri, p. 46.

étaient donc les annexes naturelles des ribâts et des corps de garde où les marabouts veillaient sur la terre d'Islâm.

Le ribât de Monastir. Le ribât de Sousse est d'une ordonnance remarquablement claire. Celui de Monastir est conçu dans l'ensemble de la même façon; mais il porte la marque de retouches plus nombreuses, le détail en est plus compliqué, les proportions en sont plus amples, et l'aspect singulièrement plus imposant. On y retrouve la cour entourée de son rez-de-chaussée et de son premier étage de cellules, la salle de prières remplaçant

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les cellules au premier, le long de la face Sud. C'est là, nous dit El-Bekrî, que se tenait en permanence « un chaykh rempli de vertus et de mérites », qui dirigeait la communauté. La tour occupe l'angle Sud-Est. Une deuxième cour s'interpose entre le mur de la qibla et l'enceinte; on y voit des tombeaux de personnages importants. Durant les xi et x1° siècles, Monastir, que sanctifiait la présence de ses marabouts et que l'on disait être << une des portes du Paradis », servit de nécropole aux gens de Mahdiya, en particulier aux princes Zirides.

L'enceinte de Sfax. -Sans pouvoir revendiquer un rôle aussi glorieux que Sousse et Monastir, Sfax tient cependant une place honorable parmi les citadelles de la côte, et son enceinte, très

complète et de grande allure, peut nous renseigner utilement. sur la fortification du Ix° siècle. Il semble bien en effet que c'est à cette époque que le premier rempart, construit en pisé par l'émir Ahmed l'Aghlabide, reçut, dans les parties caduques, ses premières réfections en pierres'. Elles furent entreprises par les habitants, qui concouraient à la défense des frontières de l'Islâm en y consacrant des fondations pieuses.

Cette enceinte est formée d'une courtine en moellons et pierres de taille, pourvue intérieurement d'un chemin de ronde, dont il est difficile de reconnaître les dispositions et la largeur. A l'extérieur, cette courtine présente, depuis le sommet, un plan en pente, dont le pied forme un empatement de 4 ou 5 assises en escalier. Des tours la flanquent; elles sont généralement barlongues c'est-à-dire de plan rectangulaire. Il en est aussi de polygonales. Elles offrent, dans leur partie inférieure, un élargissement en glacis un fruit assez sensible. La partie haute en est ornée par une assise en saillie formant corniche à modillons carrés.

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Les travaux hydrauliques de Kairouan et de la région.

II

Les travaux hydrauliques de Kairouan et de la région. peut paraître abusif de faire figurer, dans une étude d'histoire de l'art, les travaux d'utilité publique. Cependant certains de ces travaux ont un caractère artistique indéniable; et, d'autre part, on risquerait de donner une idée insuffisante de l'activité architecturale des dynasties musulmanes si l'on ne réservait une place à ces fondations dans la nomenclature des œuvres qu'on leur doit. Au reste toutes les dynasties ne semblent pas s'être préoccupées d'assurer ainsi le bien-être des populations. Bien que la plupart de ces fondations aient proprement le caractère d'œuvres pies, beaucoup de princes se soucièrent peu de les

1 Ce renseignement, donné par l'auteur moderne Ibn Maqdich, II, p. 73, est dans une certaine mesure corroboré par ceux des auteurs du moyen âge. Pour Bekri (xr s.), le mur est en pierres et en briques crues (Bekri, 20, tr. p. 46); pour Edrisi (x* s.), il est complètement en pierres (Edrist, éd. Dozy et de Goeje, 107, tr. 125).

multiplier ou de les entretenir. Les Aghlabides sont parmi ceux qui en créèrent le plus. La tradition romaine et l'exemple de leurs maîtres, les Khalifes de Baghdâd, paraissent leur avoir inspiré le désir de marquer leur passage en rendant à l'Ifrîqya quelques éléments de son ancienne prospérité. A vrai dire, tout le pays ne profita pas de cette activité bienfaisante. Leur effort porta surtout sur les villes du royaume, en particulier sur Kairouan et les résidences de sa banlieue. Kairouan fut pourvue d'un réseau d'égouts, que les textes mentionnent et que l'on affirme encore existant. Il serait intéressant de s'en assurer et d'en noter les caractéristiques. Des ponts franchirent les oueds aux abords de la capitale. L'un d'eux, près de la porte d'Aboù'r-Rabi', fut construit par Ziyâdet Allah et, après avoir été emporté par 1 862 par Aboù Ibrâhîm, le bâtisune inondation, restauré en seur le plus actif de la dynastie. Le même Aboù Ibrâhîm se signala par la construction de réservoirs à Kairouan et à Qaçr el-Qadim. En-Nowayrî nous raconte à ce propos une jolie anecdote: « La citerne de Qaçr el-Qadîm, nous dit-il, fut le dernier ouvrage de l'émir Aboû Ibrâhîm. Au moment de l'achever, il tomba malade, et, tous les jours, il demandait si l'eau avait commencé à y entrer. On vint enfin lui annoncer qu'il y avait de l'eau. Comblé de joie à cette nouvelle, il s'en fit apporter une coupe toute pleine et il la but avidement : « Louange à «< Dieu ! s'écria-t-il, puisque j'ai vécu assez pour terminer cet « ouvrage. » Et le chroniqueur ajoute: « Le peuple de Kairouan et toutes les personnes qui entrent dans cette ville ne cessent d'implorer la miséricorde divine pour le fondateur de ce monument utile ». Nous savons, d'autre part, que les Kairouanais avaient recours au réservoir de Qaçr el-Qadîm, qui contenait de l'eau après les chaleurs de l'été quand les réservoirs de Kairouan étaient vides. Enfin nous avons vu qu'à Raqqâda un grand réservoir, célèbre au moyen âge, signalait encore l'emplacement probable du Château du Lac.

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Ces bassins, sur lesquels on pouvait faire flotter des embarcations, étaient une des parures obligées des belles demeures élevées par les Aghlabides, qui imitaient en cela les 'Abbâssides,

1 Bayân, I, 106, tr. I, 146.

2 Nowayri, ap. I. Kh., tr. I, 420-1.

3 Bekri, 28, tr. 64.

leurs maîtres. Quelques-unes de ces réserves d'eau étaient peutêtre destinées à l'irrigation des jardins; mais il semble que leur principal usage était l'alimentation des villes; et, si nous en croyons El-Bekrî, les Aghlabides, en les creusant, ne faisaient que suivre l'exemple des gouverneurs qui les avaient précédés. «En dehors de Kairouan, nous dit-il, se trouvent quinze réservoirs bâtis par l'ordre du [Khalife Omeiyade] Hichâm et d'autres princes, afin d'assurer aux habitants une provision d'eau 1. >> Cette eau était tirée de puits voisins, ou emmagasinée au

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moment des orages, ou captée au moyen d'aquedues. Le mieux connu de ces aqueducs est celui de Cherichera, qui amenait l'eau vers Kairouan des hauteurs situées à 25 kilomètres vers l'Ouest. Il comporte deux conduits superposés dans un mur de blocage 2. C'est sans doute celui qui, d'après la description d'El-Bekrî, aboutissait par deux étages d'arcades au Sud du grand bassin de Kairouan. Ce bassin était, d'autre part, alimenté après les pluies par un oued qui se déversait vers le Nord dans un bassin de

1 Bekri, 26, tr. 59.

2 Enquête sur les installations hydrauliques, I, 277; Atlas archéol de la Tunisic, feuille Kairouan n° 49.

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