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XII° siècle apporte sa marque. Il stylise à son tour, simplifie, élargit. I renouvelle les diagrammes constructifs en introduisant dans le décor des formes architecturales dérivées de l'entrecroisement des arcs.

L'art almohade, puissant dans ses conceptions d'ensemble et de détail, semble exprimer par l'ampleur de ses mosquées et la majesté de ses minarets comme par la robustesse de ses ornements, la grandeur des Moûminides et leurs vastes desseins. Ces maîtres du Maghreb tiennent en effet dans leur main le Sud de l'Espagne et la Berbérie tout entière. En réalisant l'unité politique de ce pays disparate, ils facilitent, ai-je dit, une sorte de syncrétisme de l'art musulman occidental.

En effet, bien des formes introduites dans l'art du Maghreb et de l'Espagne nous ont semblé révéler l'influence de l'Ifrîqya. Toutefois, dans la plupart des cas, nous n'avons pas cru devoir admettre cette influence sans quelque réserve. Fréquemment une double solution s'offrait à nous. Nous hésitions à reconnaître, dans tel élément nouveau, soit une production spontanée du style hispano-maghrebin évoluant suivant sa pente naturelle, soit l'imitation consciente de modèles réalisés ailleurs. La découverte de nouvelles œuvres bien datées, l'examen plus complet des œuvres connues permettront peut-être de trancher ces questions délicates. En attendant on croit devoir rappeler ici quelques observations présentées dans le cours de cette étude et en préciser le sens.

Il n'y a jamais eu de cloisons étanches entre les deux parties de la Berbérie, ni même entre l'Andalousie et l'Ifriqya. J'ai relevé les traces d'une influence probable de l'art de Kairouan sur l'art de Cordoue. Par les transports d'objet d'art industriel, par les voyages d'ouvriers et d'étudiants, le contact se maintient entre ces provinces politiquement ennemies. Le pèlerinage seul suffirait à justifier bien des ressemblances. Au reste, est-il surprenant que deux écoles de l'art musulman, pourvues dès le principe de quelques formules communes, travaillant sur les mêmes programmes et animées du même idéal, se soient parfois rencontrées dans les étapes de leur évolution, que leurs recherches poursuivies séparément les aient préparées à des emprunts. et à des contaminations? Je veux trouver ici la démonstration la plus nette d'une remarque générale que je formulais aux premières pages de ce livre en art, on n'assimile bien que ce

que l'on a soi-même presque inventé. Quelles que fussent la vigueur et l'originalité que conservait le style hispanomaghrebin un siècle après la chute du Khalifat, et peut-être justement parce que ce style restait très vivace, il était très accessible aux influences des provinces orientales. La conquête de ces provinces, amorcée par les Almoravides, réalisée par les Almohades, le mit en contact avec des nouveautés qu'il incorpora sans effort à son propre fonds.

APPENDICE I

J'ai signalé (p. 115), au nombre des travaux exécutés à la Grande Mosquée de Kairouan par les émirs Zîrîdes et plus par

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Fig. 252.

Kairouan,

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Grande Mosquée. Décor sculpté d'un tympan. ticulièrement, semble-t-il, par El-Mo'izz, les portes qui fermaient la salle de prières. Mon dernier séjour à Kairouan, en juillet 1925, m'a permis de reconnaître que quelques tympans datant de cette époque avaient subsisté. Ils sont ornés de motifs en bas-reliefs et à grande échelle, bien adaptés à leur emploi. Des galons ondulés y circonscrivent des étoiles, dont les six pointes affectent le tracé d'arcs à contre-courbure. L'allure

générale de l'entrelacs, la garniture des galons et des boutons, qui marquent le centre des étoiles, ne peuvent se localiser qu'au x1° siècle. Je crois utile d'en donner un croquis (fig. 252). Il s'ajoutera aux documents sur le décor floral et géométrique contenus dans le même chapitre.

:

Dans une étude complète sur la Grande Mosquée, il y aurait lieu de grouper les œuvres de cette brillante période que conserve le vieux temple aghlabite. Outre les colonnes et chapiteaux de marbre provenant sans doute de Çabra et remployés après la ruine de cette ville, on rencontrerait surtout des ouvrages de bois les portes et les tympans que je viens de mentionner, les plafonds peints, la maqçoûra d'El-Mo'izz, les clôtures de la bibliothèque et le coffre si curieux signalé par B. Roy (Bulletin archéologique, 1921, p. 125). Quelques objets de métal seraient également à mentionner un grand lustre de cuivre, maintenant au Musée du Bardo, et quelques couronnes de lumière en bronze, encore suspendues dans la partie voisine de la qibla. Je ne crois pas me tromper en attribuant ces dernières œuvres au temps d'El-Mo'izz.

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