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rés. Les deux faces de la porte de la Qaçba des Oudâïa ne font intervenir que lobes circulaires et pointus enveloppés d'entrelacs.

Comme aux mihrabs, on trouve, dans les portes, les écoinçons à décor floral timbrés au centre d'une forme circulaire. Cette forme semble bien être une palmette souvenir lointain de la palmette antique avec ses lobes rayonnant d'une base formée de deux volutes symétriques. Dès cette époque, elle s'associe à des formes végétales proprement musulmanes. On ne peut nier d'ailleurs qu'elle rappelle aussi la coquille connue à l'époque du Khalifat (conque de la niche de Cordoue) et qu'elle se rattache étroitement à la coupolette verticale, qu'elle tend à supplanter au centre des écoinçons (fig. 222).

Des bandeaux de nature variable dessinent autour de ces écoinçons un cadre rectangulaire. Il y a lieu d'ailleurs de distinguer, dans les portes comme celle des Oudâîa ou Bâb er-Rouâh, la face qui regarde l'intérieur (l'intérieur du ribât des Oudâïa ou l'intérieur de la ville à Bâb er-Rouâh) et celle qui s'ouvre sur le dehors. Dans cette dernière, l'espace resserré par les saillants puissants, que nécessite la défense, n'admet que des bandeaux étroits à inscriptions. Sur la face intérieure, l'absence de saillants a permis le développement d'un bandeau large formé de ces réseaux à losanges que nous retrouverons dans le décor des minarets.

Au-dessus de ce rectangle règne une frise d'arcatures. Un auvent couronnait la composition; il était porté par des colonnettes plaquées de part et d'autre du cadre. Tous ces auvents ont disparu et les poutres qui les soutenaient ont entraîné dans leur chute la crête des murs où elles étaient engagées.

Le décor des minarets. Le motif de l'arcature à lobes, à festons ou à lambrequins, qui figure en frise en haut des mihrâbs et des portes, constitue par excellence, avec les entrelacs qu'il engendre, le thème décoratif des minarets.

Il ne nous est pas resté de minaret omeiyade. D'après Edrisî, celui de la Grande Mosquée de Cordoue comportait, sur chaque face, deux rangées d'ares reposant sur des colonnes du plus beau marbre 1».

Cette indication assez sommaire est complétée dans une certaine mesure par la description de Moralès, qui visita Cordoue

1 Edrisi, texle Dozy et de Goeje, p. 211, 1. 19, tr. p. 261.

vers 1572. Le minaret devait être endommagé par un tremblement de terre en 1589 et démoli en 1593. « Cette tour, dit-il, est large et très haute, tenant plutôt du style romain que du style moresque comme on le voit à sa forme générale et à ses quatorze fenêtres, dont la moitié compte deux ouvertures et la moitié en compte trois. Ces fenêtres sont formées (ou flanquées) de colonnes de jaspe blanc et rouge, le tout suivant le style, la symétrie et la proportion des Romains. Dans le haut, audessus de toutes les fenêtres, règne tout autour un couronnement de petits arcs portés sur des colonnettes de même jaspe, ce qui présente un admirable aspect. Les colonnes, tant des fenêtres que du couronnement, sont au nombre de cent. La tour, construite en pierres de taille, est carrée et mesure 60 pieds sur chaque face, mais les dimensions vont en diminuant légèrement vers le sommet. » On retiendra, outre cette forme générale en tronc de pyramide, le rôle que jouent dans le décor les fenêtres groupées par deux et par trois et l'arcature supérieure. Dès ce premier grand minaret andalou,

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Fig. 224. - Merrakech. Minaret de la Kotoubiya. Face Sud.

qui, remplaçant celui du VII° siècle, fut construit par 'Abd

1 Morales, Antiguedades de Espana, Cordoba, pp. 54-55; Girault de Prangey, Essai, p. 29, n. a donné une traduction de ce passage.

er-Rahmân III (912-961), le type que reprendra l'architecte de la Kotoubiya près de deux cents ans plus tard est fixé dans ses traits essentiels.

A peu près contemporain du minaret de Cordoue, le minaret de la Qarawiyn paraît plus archaïque et, semble-t-il, plus près des prototypes syriens. Comme la partie inférieure du minaret de la Fiancée, à la Grande Mosquée de Damas, le vieux minaret de Fès est une tour carrée que n'agrémente qu'une fenêtre géminée per

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cée vers le sommet. Le thème de l'arcature reparaît au minaret très bas de Tinmal. La face postérieure présente trois défoncements en fer à cheval séparés entre eux et encadrés par une plate bande, une fenêtre audessus, et c'est tout. Fenêtres et arcatures vont prendre une singulière ampleur avec les trois grands minarets qu'une tradition un peu simpliste attribue en bloc à El-Mançoûr, réputé comme le grand bâtisseur almohade la Kotoubîya de

Merrakech, la Tour de Hassân à Rabat et la Giralda de Séville.

Toutes trois comptent parmi les créations les plus puissantes de l'art musulman. Elles sont très belles, mais en somme assez différentes pour que l'on ait quelque peine à les considérer comme conçues exactement dans le même temps et exécutées pour le même prince.

Le décor de la Kotoubiya 1.

On peut admettre que la Koten

1 Cf. l'étude annoncée par H. Basset et Terrasse, et que publiera Hesperis.

biya était presque achevée avant les travaux d'El-Mançoûr, et son ordonnance semble bien attester cette antériorité. Le décor varie d'une face à l'autre ; les éléments diffèrent et plus encore leur distribution dans la hauteur; le décor, étant essentiellement composé de baies qui éclairent les rampes intérieures, est commandé par le niveau de ces rampes. De la base au sommet on rencontre deux ou trois grandes arcatures à lobes, à lambrequins ou à festons, qui enveloppent des ouvertures généralement groupées par deux. Des lucarnes trouent également certains écoinçons.

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Une simple assise légèrement saillante sépare cette partie inférieure de la tour de la partie supérieure ; elle comporte une galerie de quatre arcatures, qui se prolongent en s'entrecroisant, et une frise en marqueterie de terre émaillée. Un crénelage de merlons en dents de scie couronne la tour 1.

Si le principe de ce décor porte la marque d'un certain archaïsme, le détail en est déjà savant et, malgré sa sobriété, d'une réelle richesse. Le dessin

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des arcatures fait prévoir l'ampleur des portes de villes et l'ornementation peinte, que l'on vient de nous révéler, témoigne d'une recherche presque minutieuse de la parure (fig. 225, 226).

Le lanternon érigé au-dessus de la plate-forme présente, audessus de ses deux baies, un premier exemple de ces entrecroi

1 On connait cette forme asiatique comme déjà existante à Cordoue et à la Grande Mosquée de Kairouan. (Cf. fig. 61, 147 et p. 229).

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