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des portes latérales de Cordoue. L'are qui circonscrit ces claveaux est excentrique à l'arc d'ouverture. Cet are circonscrit n'est pas en plein cintre mais festonné, tel celui du mihrâb de l'Aljaferia. Entre le cadre rectangulaire des écoinçons et la galerie d'arcatures règnent un second cadre et une frise où alternent des acanthes de face, incurvées au sommet et des acanthes de profil (fig. 243). Un cabochon tronconique marque le centre des écoinçons supérieurs; enfin une petite fenêtre interrompt en son milieu la galerie d'arcatures. Ces deux dernières innovations méritent qu'on s'y arrête un peu.

Les écoinçons du mihrâb et des portes de Cordoue n'étaient

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meublés que d'un décor floral à gros fleuron symétrique. Dans ceux du mihrâb de Saragosse, le décor floral est interrompu par de grands disques; une coupolette à cannelures rayonnantes défonce ces oculi. Des types semblables de coupolettes verticales se remarquent, à la Grande Mosquée de Kairouan, dans un emploi assez analogue elles décorent les écoinçons des arcs qui soutiennent la coupole précédant le mihrâb. Peut-être avons-nous à Saragosse la première manifestation d'une importation ifrîqyenne. Ce qui est certain, c'est que le motif, installé dans le style maghrebin, y demeure avec persistance. Les cabochons du mihrab de Tlemcen, différents de forme, en marquent seulement

la place; mais la Mosquée de Tinmal présente des défoncements assez comparables à ceux de l'Aljaferia. Aux portes de Rabat et de Merrakech nous trouverons dans le même rôle un motif qui, semble-t-il, en dérive (fig. 222).

Mihrab de Tinmal. L'introduction d'une petite fenêtre rompant l'ordonnance des arcatures de Tlemcen nous achemine vers la composition du mihrâb de Tinmâl, qui semble, sinon plus séduisante, du moins plus savante et mieux équilibrée.

Le programme suivant s'imposait au décorateur établir la transition entre la partie inférieure, c'est-à-dire l'encadrement. d'une niche, et la partie supérieure, c'est-à-dire le départ d'une coupole à stalactites avec les arcatures qu'elle comporte, les axes du haut ne coïncidant pas avec les axes du bas. Une partie intermédiaire composée de trois fausses fenêtres en plein cintre flanquées de quatre arcatures plus étroites permit de réaliser cette transition. L'axe des bandeaux verticaux du cadre fut rappelé par les deux arcatures latérales; tandis que les deux fausses fenêtres latérales introduisaient deux nouveaux axes, que nous retrouvons dans la partie supérieure, marqués par les panneaux étoilés d'une frise géométrique et par les arcatures inférieures de la coupole. Ajoutons que la zone intermédiaire, qui, par sa composition, fait plutôt corps avec le haut qu'avec le bas, est fortement reliée avec le cadre du mihrâb par le bandeau qui la circonscrit (fig. 216 et 217).

Mihrab de Tozeur. Nous serions contraint de borner au seul mihrab de Tinmâl notre étude des qiblas de l'époque almohade, si nous n'avions celle que conserve l'oasis tunisienne de Tozeur. Une inscription la date de 1194 de notre ère. C'était le temps où deux aventuriers, les frères Benî Ghâniya, derniers représentants du groupe almoravide, venus des Baléares, tentaient de ressusciter en Berbérie orientale la puissance des anciens conquérants sahariens'. Soutenus par les Arabes d'Ifrîqya, 'Alî ben Ghâniya avait établi son centre d'action en bordure du désert, dans ces oasis du Djerîd, dont Tozeur est une des métropoles. L'Almohade El-Mançoûr, s'étant emparé de Tozeur en 1187, avait

1 Sur cette histoire, cf. A. Bel, Les Benou Ghanya, derniers représentants de l'empire almoravide (Publication de l'Ecole des Lettres d'Alger), Paris, 1903.

regagné le Maghreb. 'Ali ben Ghâniya était mort peu après, mais son frère Yahyâ, poursuivant la lutte, avait repris pied dans le

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Djerid. En 1194, il devait être maître de Tozeur ; c'est vraisemblablement lui qui donna l'ordre d'embellir la Mosquée et s'adressa dans ce but à des artistes andalous ou maghrebins ce que son origine et les traditions dont il se réclamait rendent

tout à fait admissible. Ce qui est certain, c'est que nous avons là,

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Fig. 217. Mihrâb de Tinmål. Schéma de la composition, montrant la liaison élablie entre la partie supérieure A B et la partie inférieure C D, par la partie moyenne B C.

en ce village ifrîqyen, une œuvre purement hispano-maghrebine. On remarquera d'ailleurs que cette œuvre de 1194 ne com

prend que le mihrâb seul ou mieux le décor du mihrâb. L'inscription nous en avertit : « Cette qibla, nous dit-elle (qibla et mihrab sont souvent synonymes), a été sculptée en l'année 590. »

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Fig. 218. Tozeur. Mihrâb de la Mosquée de Bled el-Adhar.

L'artiste a dû accommoder un motif de type déjà consacré à un édifice préexistant. De là une gêne qui se trahit dans la composition. Il a dû rétrécir cette composition pour l'insérer dans la largeur d'une nef exiguë. Il faut reconnaître qu'il s'en est tiré avec quelque gaucherie.

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