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riche de formes. Les sculpteurs font alors un effort puissant et souvent heureux pour réaliser des modèles nouveaux. Les deux types y figurent le chapiteau muni d'un quart de rond, avec ou sans caulicoles, le chapiteau sans quart de rond, où la caulicole se retrouve invariablement, mais où elle tend à se réduire à des dimensions plus restreintes, à un rôle plus modeste, qui sera désormais le sien. Un chapiteau proprement musulman est en effet sur le point de naître, et il convient d'insister ici sur le parti décoratif qui semble avoir présidé à son élaboration.

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pour les reliefs vigoureux, pour les
fortes saillies, ou, comme on l'a dit,
« la prédominance de l'esprit de décou-
page sur l'esprit de modelé ». Les
détails qui se projetaient en silhouettes
hardies dans les chapiteaux antiques
seront éliminés ou bloqués dans la
masse. Le résultat sera l'aménagement
d'un épannelage très simple, qui aura
le double avantage de rester strictement
constructif et d'offrir à l'ornemaniste
des surfaces larges propices au dévelop-
pement de l'arabesque, à la juxtaposi-
tion de formes presque méplates. Le
chapiteau hispano-maghrebin, tel que l'époque almohade le

Fig. 206.

Tinmål. Chapiteau sans quart de rond et avec grandes caulicoles (type dérivé du corinthien).

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leguera à l'époque moresque, sera bien conçu comme un organe de transition entre la colonne et la retombée de l'arc. Tous les éléments s'aplatissent et se tassent, s'organisent en deux volumes superposés un cylindre continuant la colonne, un parallélépipède préparant le départ de l'arc, soit, pour le sculpteur : une surface courbe et quatre surfaces planes rectangulaires, qu'il lui est possible de décorer comme une frise continue et comme des

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panneaux nettement circonscrits, à l'aide d'ornements de très bas relief.

La frise circulaire, la partie inférieure du chapiteau, empruntera sa garniture aux acanthes qui se superposaient pour former deux couronnes tout autour de la corbeille. La suppression d'une des deux couronnes est une première simplification du relief, dont on trouverait déjà des exemples dans l'art romain (forum de Trajan), à laquelle l'époque du Khalifat a parfois recours (cloître de Tarragone), mais qui devient presque de règle à l'époque almohade. A la Mosquée almoravide de Tlemcen, les feuilles formant cette couronne sont nettement soudées entre elles par le

bas; la fente verticale qui les sépare ne descend pas jusqu'à l'astragale. A Tinmål, elles sont également soudées; de plus, une fente montant de l'astragale dans l'axe de chaque feuille remplace la nervure médiane mais s'arrête au-dessous de la crosse qui la termine. La couronne d'acanthe devenue ornement continu, frise circulaire, se présente comme un grand méandre

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dressé et incurvé à sa partie supérieure.

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Quant au parallélépipède posé au-dessus de ce cylindre, nous connaissons déjà les éléments classiques qui vont le meubler grosses volutes d'angle, le quart de rond qui les sépare, les caulicoles à double feuille. Ajoutez à cela une sorte de tasseau rectangulaire ou trapézoïde qui souvent forme décrochement audessous du tailloir.

Le tasseau supérieur est d'un emploi constant. Cependant les chapiteaux de Tînmâl le remplacent souvent par une feuille dressée dans l'axe. Son inclinaison et sa saillie s'atténuent, toute la partie supérieure tendant

comme je l'ai dit à s'organiser dans un plan vertical. Une modification importante y contribue la suppression de la tranche des volutes, la disparition du plan incurvé qu'elles projetaient aux angles. Le quart de rond, quand il existe, s'aplatit en bandeau pour rentrer dans le plan général. Quand le bandeau et les volutes d'angle font défaut, c'est-à-dire dans les modèles plutôt inspirés du corinthien, des palmes souples, à un ou deux lobes,

juxtaposées, sans aucun rapport avec la forme et la distribution primitive des acanthes, meublent la surface.

Un élément cependant bien reconnaissable garnit le bas de ces panneaux, relie le cylindre inférieur au parallélépipède : c'est la caulicole, la palme aux deux lobes divergents, dont nous avons vu la singulière fortune et qui, appliquée à tous les chapiteaux de Tinmål sauf deux, apparaît invariablement dans les modèles créés par la suite. Ceux du moins que nous connaissons, de l'époque d'El-Mançoûr, les chapiteaux à bandeau de Rabat

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Fig. 200. Tinmål. Coupole à stalactites du mihrab.

comme les chapiteaux sans bandeau de Tozeur, comportent les caulicoles que nous retrouverons de même comme élément essentiel du chapiteau moresque.

La stalactite. Dans cette revue des grandes formes décoratives, il faut introduire ici une forme nouvelle l'encorbellement à stalactites, un des organes les plus spécifiquement musulmans dont l'architecture du XIe siècle ait fait usage. Nous en avons trouvé un premier exemple à la Grande Mosquée de Tlemcen, d'autant plus intéressant qu'il y est associé à la voûte sur ner

vures et qu'il y semble naturellement adapté. Il n'y constitue encore que les trompes d'angle et la lanterne de couronnement ; à Tinmâl, il forme la coupole tout entière et couvre de larges espaces, carrés et octogonaux. Ces coupoles de Tinmâl peuvent être considérées comme un aboutissement dans l'histoire de la stalactite.

A vrai dire cette histoire est encore très obscure et plus d'un chapitre nous en échappent. Il semble qu'il faille chercher l'ori

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Coupole à stalactites de l'extrémité Est de la travée-nef.

gine de la stalactite en Perse, où on la rencontre de fort bonne heure et où elle s'adapte naturellement à la construction de briques. Il est certain que, dans l'Afrique du Nord, nous l'avons trouvée exprimée plus ou moins clairement dans des édifices tout imprégnés d'influence mésopotamienne les palais hammadites de la Qal'a (fin du XIe siècle). L'Egypte la pratiqua sans doute vers le même temps. Elle figure au Caire à la petite mosquée fâtimite d'El-Aqmar (1125), où elle couronne des niches à fond plat. Dix ans après (1135) elle apparaît à Tlemcen, dix-huit ans plus tard (1153) à Tinmal et, vers le même temps, à la Kotoubîya de Merrâkech, cependant que la Sicile normande

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