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trois parties superposées, sans toutefois coïncider exactement avec elles. La calotte creusée de cannelures s'accuse par un dôme côtelé. Il repose sur un massif octogonal aux pans légèrement concaves, qui circonscrit le tambour circulaire. Un massif carré orné de niches enveloppe la zone des trompes.

Il ne nous est pas possible de déterminer les édifices antérieurs qui ont pu ici inspirer l'architecte musulman. L'Afrique romaine a pratiqué les coupoles sur trompes, et l'on peut supposer que l'usage de cet artifice de construction ne disparut pas du pays à l'époque chrétienne, qui connut sans aucun doute l'art d'élever d'assez vastes coupoles. Toutefois plusieurs détails très caractéristiques attestent, dans l'édifice kairouanais, l'influence directe de l'Orient, et plus particulièrement de la Mésopotamie musulmane. Outre la trompe, qui était d'un usage fort ancien dans l'architecture de Perse, un des traits les plus notables de cette coupole est l'emploi qui y est fait du défoncement en niche. On en compte 16 à l'extérieur et 24 à l'intérieur, tant au tambour circulaire qu'aux écoinçons flanquant les grands arcs. Or ces 40 niches sont toutes conçues de la manière suivante le haut se creuse en cul de four ou mieux en quart de sphère assez fortement aplatie; le bas est à fond plat, la paroi postérieure étant dressée en avant du fond de la partie haute, plus rarement tangente ou en arrière de ce fond 2. Cette singulière variété de niche semble avoir été familière aux constructeurs musulmans de Mésopotamie. Le Qaçr el-'Achiq, château 'abbassite des bords du Tigre, en présente de semblables et qui ont, par surcroît, un arc de tête découpé en lobes, comme les niches, les trompes et les arcatures de Kairouan.

La Grande Mosquée de Tunis. La Grande Mosquée de Kairouan n'est pas le seul édifice religieux de Tunisie qui date de cette première époque. On nous dit que, dès l'an 114/732, le gouverneur omeiyade Ibn el-Habhâb avait construit la Grande Mosquée de Tunis ou Grande Mosquée de l'Olivier (Jâmi' Zaytouna). Mais cette première mosquée dut être, elle aussi, l'objet d'une réfection totale. Certains textes l'attribuent au plus

1 On la trouve à l'arc de triomphe de Tébessa (214 J.-C.), Cf. GSELL, Monu ments antiques de l'Algérie, I. 183.

2 Cf. fig. 17 et 38.

3 Bekri, tr. 80; Bayân, I, 38, tr. I. 49.

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Fig. 17.

Kairouan.

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Grande Mosquée. Vue extérieure et plan à deux niveaux de la coupole en avant du mihrab. Croquis montrant l'analogie des niches de Samarra avec celles de Kairouan. poles de la Grande Mosquée de Tunis.

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Vue extérieure des cou

(856-863). Nous avons vu d'autre part qu'un détail important de l'édifice, la coupole précédant le mihrab était datée de l'an

1 En-Nowayri, ap. Ibn Khaldoun, Hist. des Berbères, tr. de Slane, I, 421. Ibn Abi Dinâr (El-Kaïrouåni), tr. Pellissier et Rémusat, p. 86.

864 par une inscription, où le nom de l'émir aghlabide alors régnant n'était pas mentionné 1.

Placée au milieu du quartier commerçant de Tunis, avec ses dépendances parmi lesquelles figure une riche bibliothèque, la Mosquée Zaytouna offre un ensemble imposant. Quoiqu'elle ait, à plusieurs époques, subi de sérieuses retouches, elle semble bien. avoir conservé les traits essentiels que la mosquée de Kairouan nous a permis d'étudier. Nous y retrouvons la cour entourée de portiques, la salle de prières hypostyle, avec ses nefs parallèles au grand axe Nord-Sud, couvertes de terrasses 2. La nef médiane et la nef transversale suivant le mur du fond sont plus larges et plus hautes que les autres. Elles portent à leur rencontre la coupole de 864, œuvre de l'architecte Fath. A l'autre extrémité de la nef médiane s'élève une seconde coupole, comme, à Kairouan, la Qoubba de Bâb el-Behoù.

Les arcs en fer à cheval, surmontant des impostes à sommiers et à corniches, reposent sur des colonnes antiques. Celles-ci sont, soit isolées, soit accouplées. En avant du mihrâb, on trouve même des groupes de 5 colonnes formés d'une grosse colonne centrale cantonnée de quatre colonnes plus maigres.

On ne saurait trop désirer une bonne description et des relevés précis de cet édifice considérable. On ne saurait trop souhaiter également qu'un décapage soigneux restituât aux deux coupoles la parure de leur appareil. Déjà ce que l'on peut voir de la coupole antérieure est de grand intérêt. Assez différente comme ordonnance de celle de Kairouan, elle présente, comme cefte dernière, une calotte côtelée (fig. 17), mais le tambour circulaire sur lequel cette calotte repose n'est pas enveloppé d'un massif octogonal, ce qui a permis de percer des fenêtres tout autour. Le massif carré qui vient au-dessous et qui doit correspondre à la zone des trompes est orné de niches à fond plat et de niches demi-cylindriques à coquille. L'appareil en deux tons, avec sa frise de carreaux, ses assises et ses claveaux alternés, blancs et rouges, qui évoque le souvenir de nos édifices romans d'Auvergne, nous rappelle également la Qoubbat eç-Çakhra de Jérusalem.

1 Supra p. 13.

2 Cf. Saladin, Nouvelles arch. des missions, 1892, pp. 384-385. C'est par erreur que le Manuel (p. 215) lui attribue des nefs transversales. I suppose que la Mosquée primitive avait 4 nefs en profondeur et 7 en largeur.

La Grande Mosquée de Sousse. La Grande Mosquée de Sousse, de dimensions beaucoup plus réduites, appartient au même temps. Elle fut construite en 236 de l'hégire (850 J. C.) par l'émir Aboù l-'Abbas Mohammed sous la direction de son affranchi Moudâm 1. On y rencontre la même disposition des nefs dominantes en T, avec les deux coupoles aux extrémités de la nef médiane. La coupole antérieure présente un tambour octogonal intermédiaire comme celle de Kairouan.

La plupart des arcs, très bas et en plein cintre outrepassé, portent directement sur des piliers de maçonnerie de plan en croix. D'autres, surmontant des colonnes antiques, ont des impostes à sommiers et à corniches. Les impostes semblent inséparables des colonnes, qu'ils surélèvent suivant les besoins de l'ordonnance générale.

2

La mosquée des Trois portes à Kairouan. Outre son admirable Grande Mosquée, œuvre des émirs, Kairouan possède un de ces petits oratoires où s'affirmait la religiosité de leurs sujets. Une chronique et l'inscription se développant sur la façade de la Mosquée dite des Trois portes nous apprennent qu'elle fut élevée en 252/866 par Mohammed ben Khayroûn el-Ma'afirî, originaire d'Andalousie. Nous examinerons plus tard le décor si curieux de la façade, avec les arcatures en fer à cheval qui lui ont valu son nom. Aucune cour ne précède cette entrée de la salles de prières. Celle-ci, très simple, se compose de trois nefs divisées en profondeur par trois travées couvertes de charpentes. Les colonnes antiques de la première rangée sont groupées par deux. Les ares sont en fer à cheval déformé au sommet.

Une enquête méthodiquement conduite à travers la Tunisie nous révélerait sans doute d'autres édifices religieux se rattachant à ce groupe. A l'énumération provisoire qui précède nous devons, au moins pour mémoire, ajouter un nom celui de la Grande Mosquée de Qaçr el-Qadim, dont rien, il est vrai, ne subsiste, mais qui nous est connue par une courte description d'ElBekrî. Parlant de cette résidence princière fondée dans les premières années du 1x siècle, il dit : « Elle possède un jâmi' dont

1 Tijânî, Rihla, Ms. d'Alger, 12 v., 1. 4; tr. Rousseau, ap. J. Asiatique, 1852, II, 103; voir aussi El-Wazir, El-Hulal es-sundusiya, p. 114. I, 18, qui reproduit Tijânî.

2 Bayan, I, 108, tr. I, 148.

la tour, de forme cylindrique à sept étages, est construite de

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Fig. 18.

Kairouan. La Mosquée des Trois porles.

Cette façade, balie en 866, a ele demontée et remontée pierre à pierre en 1440, époque où fut sans doute élevé le minaret. La dernière ligne d'inscription indique la dale de ces travaux. Pour faire place à cette inscription, il fallut amputer une partie des écoinçons (cf. infra, fig. 35), et le décor entier fut décale vers la droite pour faire place au minaret.

briques et ornée de colonnes. Jamais on n'a rien fait de plus solide ni de plus beau . » El-Bekri est, nous l'avons vu, fort bien

1 Bekri, p. 28, 1. 19, ss., Ir p. 61.

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