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Qaçba à Merrakech fait intervenir des formes que l'on dirait empruntées à l'art çanhâjien 1. Il y a là encore un domaine où la contagion de la Berbérie orientale a pu se faire sentir.

La peinture. J'ai dit que la peinture s'ajoutait à la céramique pour enrichir les édifices. On en a relevé au minaret de la Kotoubîya 2. Un ton y figurait presque exclusivement le brun rouge, se détachant en larges motifs sur le blanc ocreux de l'enduit ou formant un fond autour des motifs réservés en clair. Le brun rouge est aussi d'un usage courant dans les revêtements çanhâjiens de la Qal'a et de Çabra près Kairouan 3. Nous retrouverons le même ton décorant les édifices maghrebins du XIV siècle.

Les grandes formes décoratives. Les arcs. L'étude des monuments nous a permis de signaler un certain nombre d'arcs, qu'il convient de récapituler avec les grandes formes décoratives.

L'arc en plein cintre outrepassé, qui s'affirme dès la première période, à Cordoue comme à Tolède, n'a pas cessé d'être d'un emploi constant, dans les portes, comme la Puerta de Visagra, la porte d'Amargou, celle de Tinmål ou Bâb Aguenâou de Merrakech, sous les coupoles des vieux bains, dans les nefs des mosquées et les mihrâbs comme à Saragosse, à Tlemcen ou à Tozeur, aux fenêtres des grands minarets almohades. A l'Alcazar de Séville, il révèle l'ordonnance ancienne conservée dans certaines salles. Il disparaîtra des portes. L'époque almohade voit son abandon. Mais il restera, sauf exception, l'arc des mihrâbs. L'art du Khalifat a également connu l'arc découpé en lobes circulaires qui subsiste à l'Aljaferia, à la Grande Mosquée de Tlemcen, à la Mosquée de Tinmål; toutefois, par l'entrelacement avec des arcs semblables, par le groupement des lobes, par l'introduction d'angles droits dans la suite des formes circulaires, il engendre des variétés que la mosquée de Cordoue n'a

1 Cf. infra, fig. 248.

2 D'après Edrisi, éd. Dozy et de Goege, p. 211, tr. p. 261, le minaret de Cordoue était déjà orné de peintures. Voir deux spécimens des décors peints de la Kotoubiya, fig. 225 et 226. Tout l'ensemble sera publié par H. Basset et H. Terrasse.

3 Cf. supra, p. 147.

pas connues. Le découpage à lobes circulaires combinés avec des lignes rigides se croisant à angle droit a reçu des artisans. marocains le nom caractéristique de ketf ou dorj (épaule et marche d'escalier). Cet arc apparaît à l'Aljaferia de Saragosse, figure à la Grande Mosquée de Tlemcen et à Tinmål. L'art fâtimite d'Ifrîqya a fréquemment employé des arcs semblables dans un rôle décoratif 2. Parfois un pendentif interrompt la succession des lobes et crée une forme que l'on peut désigner sous le nom

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de lambrequin. Il est d'ailleurs assez difficile de décider dans quel rapport est cette forme avec l'encorbellement à stalactites dont on pourrait le croire dérivé. Le groupement des lobes par festons de trois lobes ou davantage figure à Tinmâl et dans les minarets. L'entrecroisement des lobes en arcs de cercle engendre des festons alternativement circulaires et pointus qu'a déjà connus l'art hammâdite.

La silhouette du départ des arcs lobés a visiblement préoccupé

1 Gallotti, ap. Hesperis, 1923, p. 41.
2 Cf. Supra, p. 154 et infra, fig. 199 A.

les artistes musulmans. La superposition immédiate d'une forme concave à l'élargissement du sommier satisfaisait mal leur esprit et leur œil. A Cordoue, ils ont eu recours à un artifice assez maladroit le lobe inférieur est en partie comblé par une masse taillée verticalement du côté de l'intrados (fig. 198). A cette forme rigide on devait préférer une forme plus souple, faisant passer par une courbe convexe du plan du sommier à la concavité des premiers lobes. Il semble qu'ici encore l'Ifrîqya ait pré

Fig. 197.

Mosquée de Tinmal.

Arc lobé et arc festonné.

cédé le Maghreb. Dès le début du x1° siècle, des solutions assez heureuses étaient intervenues. Les ornements à arcatures des stèles kairouanaises (première moitié du x1 s.), une vasque à bord lobé de la Qal'a, présentent des silhouettes d'amortissement en S, que les sculpteurs de l'Aljaferia imitent avec cette redondance qui leur est coutumière. Il appartenait à l'art almohade d'en tirer une forme plus élégante et plus riche, en créant ce qu'on a heureusement dénommé « le motif serpentiforme1 ». Cet amortissement, qui cela va sans dire demeure tout à fait étranger à l'imitation d'un reptile quelconque, pourrait être considéré comme un souvenir de la « console prothyride » de

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1 H. Basset et Lévi-Provençal, Chella, p. 78.

Vitruve, mais il reçoit des décorateurs hispano-maghrebins un habillement végétal formé de palmes longues, qui l'accommode à l'esprit général du style (fig. 199).

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ment remplissant le lobe inférieur des arcs.

Dans la collection extrêmement riche des arcs que l'art maghrebin du XIIe siècle met en œuvre, les arcs découpés en lobes tiennent, comme on le voit, une large place. Certains peuvent être considérés comme issus des grands cintres lobés de la Mosquée de Cordoue, mais on doit aussi tenir le plus grand

1 Ainsi nommée parce qu'on l'emploie sous la corniche en avant des portes. Vitruve, livre IV, ch. VI. Cf. fig. 199.

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Fig. 199. Origine de l'amortissement serpentiforme. A Kairouan, cartouche dalé de 402-1011; C: bord d'une vasque à la Qal'a des Beni Hammâd; B: départ d'un arc à l'Aljaferia (Saragosse); D: départ d'un arc à la Grande Mosquée de Tlemcen; E: Rabat. Porte de la Qaçba des Oudâia.

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