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nous avertissent que des remaniements considérables sont venus en altérer le caractère. Un tel monument doit prendre place parmi les œuvres d'art mudejar, et je me bornerai à signaler, en étudiant les œuvres de cette période, les éléments anciens, le résidu des formes primitives, que les rebâtisseurs de l'Alcazar ont su adroitement accommoder au goût de la Renaissance espagnole.

Les demeures des Almoravides ont, semble-t-il, disparu. On ne peut que mentionner, à l'aide des textes, le palais que le premier Almoravide, Yoûsof ben Tâchfin, construisit à Merrâkech, et qui existait encore à la fin du xI° siècle. Un des manuscrits de l'Istibçâr nous permet de lire que le palais s'appelait « Dâr el-Omma », « Maison de la Nation ». 'Ali, le fils de Yoûsof, bâtit dans la même ville un nouveau palais dit « Dâr el-hajar ». «la Maison de pierres » à l'aide de matériaux tirés de la colline du Gueliz 2. Il fut détruit par l'Almohade 'Abd el-Moûmin pour faire place à la deuxième Kotoubîya. Nous savons d'autre part qu'un palais almoravide, «le Château Vieux », s'élevait à Tagrart, la Tlemcen des Almoravides, qu'il préexistait à la Grande Mosquée de 1135 et avait vraisemblablement imposé une déformation au plan du sanctuaire bâti à ses côtés.

De même, c'est par les textes seuls que nous connaissons les palais construits à Merrâkech sous les Almohades et en particulier sous le bâtisseur le plus actif de la dynastie, Ya'qoûb el-Mançoûr. Ils s'élevaient au Sud de la ville, dans l'enceinte de la Qaçba. Il semble qu'il n'en subsiste rien. Quant aux textes qui mentionnent ces palais, aucun détail précis ne peut en être tiré.

D'une manière générale, on notera combien, au regard des fondations religieuses des deux grandes dynasties maghrebines, leurs fondations civiles, surtout celles où pouvaient se révéler des goûts somptuaires, tiennent peu de place. On est tenté d'y voir l'indice de l'austérité qu'elles affectent et de la piété dont elles font profession. Dans la liste des œuvres de Ya'qoûb el-Mançoûr dressée par Ibn Abi Zar', l'historiographe des rois de Fès, les palais eux-mêmes sont passés sous silence et l'on ne

1 1stibçar, tr. Fagnan, p. 179.

2 Edrisi, p. 67, tr. 77 El-Holal el-mauchiya, p. 108; H. Basset et Terrasse, ap. Hesperis, 1924, p. 200.

relève, comme édifices civils, que des hôpitaux pour les malades et les fous et des médersas (collèges) 1, œuvres méritoires s'il en fut jamais. Entre tous, l'hôpital qu'il fit construire à Merrakech nous apparaît, d'après la description qu'en donne El-Merrakechî 2, comme une fondation digne de ce bâtisseur magnifique :

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« Il commença par choisir un vaste emplacement dans la partie la plus plane de la ville, et donna l'ordre aux architectes de le construire aussi bien que possible, de sorte que ceux-ci y déployèrent un luxe de sculpture et d'ornementation plus grand qu'on ne le leur avait demandé. Il fit planter toute sorte d'arbres d'agrément et d'arbres fruitiers; l'eau y fut amenée en abondance et circulait dans toutes les chambres; en outre, quatre grands bassins étaient situés au centre de l'établissement et l'un était en marbre blanc. Il garnit l'édifice de tapis précieux de laine, de coton, de soie, de cuir, etc., si bien que cela dépasse tout ce qu'on en saurait dire. » Puis l'auteur nous parle de la rente par laquelle le Khalife assurait le fonctionnement de l'hôpital, des médicaments dont il l'avait pourvu, des vêtements de jour et de nuit, d'été et d'hiver, que l'on distribuait aux malades, de la somme d'argent qu'on leur remettait à leur sortie, spécifiant que l'établissement n'était pas destiné aux pauvres seuls, mais à quiconque avait besoin de soins, même aux riches, s'ils étaient étrangers à la ville.

Il n'est pas resté, sauf erreur, de médersa datant des Moùminides. Les édifices de cette nature que nous pouvons étudier datent des dynasties qui les ont remplacés.

Les bains publics. Bain des Teinturiers à Tlemcen. Α défaut de fondations officielles, il convient de signaler certains édifices privés qu'il est possible d'attribuer au x1o ou xe siècle. Ce sont des bains publics. Le plus complet est le Bain des Teinturiers à Tlemcen; malgré les transformations importantes qu'il a subies, il est permis d'y reconnaître encore les dispositions caractéristiques que le hammâm musulman emprunta aux thermes romains.

La pièce principale (apodytérium, unctorium) est une salle carrée de 5 m. de côté, formée de quatre galeries entourant

1 Qirtás, 113, tr. 190.

2 Merrakechi, 209, tr. 249.

une coupole centrale. Une partie des galeries est surélevée ; des matelas y étaient étendues pour le repos après le bain. Un jet d'eau s'élevant au-dessus d'une vasque grossièrement taillée et d'un bassin occupe le centre de la coupole. Celle-ci est

une

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Plan du bain des Teinturiers.

1

Fig. 186. Tlemcen. A vestibule; B: apodyterium (salle de repos, couverte en coupole); C: étuve. Primitive:nent on pénétrait dans l'étuve après avoir traverse une salle tiède (D); E. F. G.: cabinets et débarras.

calotte à côtes et à cannelures rayonnantes établie sur un tambour octogonal porté sur 13 colonnes. Ces colonnes, groupées par trois, soutiennent les arcs du tambour et les trompes en demi-voûtes d'arête qui font passer du plan carré au plan octogonal. Le style des chapiteaux de pierre épannelée, la forme des

sommiers divisés suivant la retombée des arcs, le tracé en fer à cheval qu'affectent ces arcs, la coupole à côtes, rattachent le style de cette salle à l'art du x1° siècle. La trompe en demivoûte d'arête, déjà rencontrée au palais du Fanal de la Qal'a figure dans les monuments marocains du xır° siècle.

De la salle centrale, on passe directement dans l'étuve (caldarium), qui s'ouvre sur un des côtés; c'est une salle longue, à chaque extrémité de laquelle deux arcs portés sur deux colonnes engagées et une colonne médiane déterminent des alcôves. Un bassin à eau froide occupe un côté d'une des alcôves. Des trous percés dans le grand mur du fond permettent. l'arrivée de la vapeur. La chambre de chauffe est contiguë au centre de ce mur, dont un renfoncement contient une cuve à eau chaude.

Une voûte en berceau couvrant cette étuve est percée de trous où s'encastrent des tuyaux de poterie. Ces ouvertures dispensent un jour avare à la salle. Toutes les autres salles, y compris l'apodyterium, étaient éclairées de la même façon.

Précédemment, il semble bien qu'on ne pénétrait dans l'étuve qu'après avoir traversé une salle de température modérée (tepidarium), encore existante, mais affectée à d'autres usages. Ainsi se trouvait respectée la gradation traditionnelle de l'hydrothérapie romaine.

Des bains analogues ont été signalés à Palma (Mayorque) 1, à Grenade, à Cordoue, à Valence. Le trait le plus persistant est la salle à coupole portée sur des colonnes et entourée de galeries.

A Palma, 12 colonnes soutenant quatre trompes d'angle déterminent un tambour circulaire. Les arcs sont des fers à cheval plein cintre. Le reste du bain, sauf une salle couverte en berceau, a disparu.

Le bain de Valence, décrit et reproduit par de Laborde, est plus complet. La coupole de l'apodyterium, coupole à 8 pans sur trompes, est portée par deux rangées de colonnes seulement

1 Girault de Prangey, Essai, p. 57; Atlas Pl. 2 et 22; B. Ferra, Banos arabes en Palma, ap. Boletin de la Sociedad arqueologica Iuliana, III, 1889, p. 129 ss.

2 Girault de Prangey, Atlas, Pl. 11, 30 et 22; Gomez Moreno, Guia de Granada.

3 de Laborde, Voyage pittoresque et historique en Espagne, Paris, 1806-1820.

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