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n'ont permis de la connaître qu'assez imparfaitement. Ce n'est que par conjecture que l'on peut en reconstituer l'élévation; le plan même présente plus d'un point obscur.

Cette mosquée était énorme. Construite en dehors de l'agglomération de Rabat, elle put librement se développer et suivant une ordonnance d'une symétrie rigoureuse. Ses murs de pisé enferment un rectangle de 183 m. 10 de long sur 139 m. 40 de large. Douze portes, percées dans les grands côtés, quatre autres sur la face antérieure, y donnaient accès. Le goût de Ya'qoûb el-Mançoûr pour les édifices grandioses, joint aux besoins des contingents almohades réunis à Rabat en vue de la guerre sainte, c'est-à-dire, au sens propre du mot, d'une armée de fidèles, peuvent expliquer de telles dimensions. Au reste, il est bon de rappeler que la construction, interrompue à la mort d'El-Mançoûr, c'est-à-dire deux ans après, ne fut reprise par aucun de ses successeurs 1.

D'après le plan relevé par J. Hainaut 2, qui ne concorde pas absolument avec celui de Dieulafoy, la cour, plus de moitié moins profonde que large, est bordée sur chacune de ses faces latérales par cinq nefs prolongeant la salle de prières. A l'encontre des mosquées almohades précédemment étudiées et conformément plutôt au type almoravide, une double galerie bordait la cour le long du mur de façade. Le minaret s'élève au milieu de cette façade. Comme celui de Cordoue, il est à cheval sur le mur, faisant également saillie à l'extérieur et à l'intérieur.

Le sous-sol de la cour est entièrement occupé par une citerne. Des murs perpendiculaires aux grands côtés devaient faciliter l'établissement de voûtes en berceaux. La plupart des grandes mosquées construites jusqu'alors, la première Kotoubîya notamment, ont de même des réservoirs aménagés sous le pavage de leur çahn.

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C'est aussi à la Kotoubiya que la Mosquée de Hassân ferait penser si l'on n'envisageait que la moitié antérieure de l'édifice. Vingt et une nefs divisées en sept travées couvrant l'espace au Sud de la cour et des galeries qui la bordent constitueraient une salle de prières de proportions assez normales. Mais une seconde partie, de profondeur égale, s'étend au delà, et le plan qu'elle

1 Cf. Merrâkechi, texte Dozy, p. 192-193, tr. Fagnan, p. 230.

2 Cf. de la Nézière, Les Monuments mauresques du Maroc, p. 9, fig. 25.

affecte semble rompre avec la tradition. Elle est constituée par un ensemble de onze nefs occupant un espace rigoureusement carré, que bordent deux cours latérales exactement aussi longues

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que la cour antérieure, mais rétrécies chacune par deux galeries suivant les longs murs de la Mosquée. Vers la qibla, trois travées régnant de l'Est à l'Ouest semblent constituer un triple transept. On ne retrouve naturellement pas ici les dispositions habi

tuelles des sanctuaires almohades. Je ne connais, dans l'art d'Occident, d'exemple antérieur de cours latérales qu'à la Mosquée fâtimite de Mahdiya. La nef médiane aboutissant au mihrâb mesure 8 m. 24 de large, d'axe en axe; les autres nefs ont 6 m. 42. Une coupole était sans doute établie en avant du mihrab. On peut imaginer que quatre autres coupoles jalonnaient le transept deux aux extrémités, deux à égale distance des extrémités et de l'axe, et qu'elles laissaient entre elles des groupes de quatre nefs et non de trois, comme à la Kotoubîya.

Deux petites portes flanquaient le mihrab, ainsi qu'à Tinmâl et à Merrâkech.

La majorité des supports est formée de tambours cylindriques de marbre, que surmontent des chapiteaux très simples, sortes de tailloirs aux angles inférieurs arrondis. Quelques rangées de piliers (autour des cours et le long de ce que j'ai considéré comme un transept à trois nefs) affectent la forme de piles rectangulaires auxquelles s'accolent des demi-colonnes, comme celles que nous avons trouvées à Tinmâl.

Les colonnes composées de tambours sont très rares. Je n'en connais guère d'exemple dans l'Occident musulman. Faut-il y voir la trace d'une main-d'œuvre chrétienne? Le fait n'aurait rien de surprenant dans une fondation du vainqueur d'Alarcos, à une époque où les prisonniers chrétiens étaient nombreux en Maghreb.

Au Nord des cours latérales s'alignent trois rangées de supports, dont la disposition est difficilement explicable. Dans l'intervalle entre deux piliers cylindriques consécutifs, s'intercalent deux piliers rectangulaires en brique. On imagine mal des groupes de trois petits arcs interrompant l'ordonnance générale à cet endroit. On peut supposer que ces supports ont servi à l'établissement des cintrages et n'ont pas été démolis, ce qui ne pourrait surprendre, puisque les travaux exécutés à cette énorme mosquée ont été interrompus au bout de deux ans. Dieulafoy, se basant sur quelques fragments de voussures de briques exhumés dans les fouilles, a cru pouvoir affirmer que les colonnes étaient surmontées d'arcs en fer à cheval brisés.

4 Dans un sanctuaire aussi vasle, il peut sembler utile de multiplier les çahn avec vasques d'ablution. Ces çahn latéraux sont aussi munis de réservoirs en sous-sol. Sur la mosquée de Mahdiya, cf. supra, p. 107.

Il semble probable que les autres découpures observées notamment à Tinmal s'y retrouvaient aussi.

Que les tambours de marbre préparés dans un ou plusieurs chantiers éloignés de la Mosquée (le mot jami', Grande Mosquée,

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Fig. 183.

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Mosquée de Hassan. La nef centrale et le minaret.

relevé sur certains tambours ', n'aurait pas raison d'être si le travail avait été fait sur place) aient été taillés suivant un gabarit unique, cela est tout à fait vraisemblable. Les irrégularités et il y en a devaient disparaître après un soigneux ravalement. Le diamètre semble avoir été fixé à o m. 803. Dieulafoy a cru y

1 Cf. Dieulafoy, La Mosquée d'Hassan, p. 299 (tir. à part, 139). Sur la néces sité du ravalement, ibid., pp. 302-303 (tir à part, 142-143).

découvrir le module qui aurait servi à établir toutes les mesures de la Mosquée. La hauteur de la colonne égale huit diamètres ; l'entr'axe des colonnes est aussi de huit diamètres ; le côté du minaret a 20 diamètres, etc... On ne peut nier l'intérêt de telles constatations. Elles ne sauraient d'ailleurs nous étonner dans un art qui devait accorder une telle place à la géométrie. J'ai déjà indiqué que, dans l'esprit des Musulmans, les proportions du minaret-type étaient déterminées par une formule. L'idée de se servir du diamètre de la colonne comme module n'était en somme qu'un retour aux traditions romaines. Toutefois, il ne convient peut-être pas d'appliquer ce canon à toutes les parties encore existantes de l'édifi

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On ne peut affirmer que toutes les nefs de la Mosquée de Hassân aient été achevées en deux ans. Les colonnes qui reposaient sur des murs de fondation de 1 m. 20 de large dirigés dans les deux sens, présentent encore une facture d'épannelage qui laisse supposer un arrêt des travaux. L'édifice fut cependant couvert dans ses parties essentielles. Les fouilles ont mis au jour, vers le fond de la salle de prières, des fragments de charpentes, des tuiles et des lames de plomb ayant servi pour les chêneaux.

En ce qui concerne le minaret, les textes et l'examen même de l'édifice prouvent qu'il ne reçut jamais son couronnement.

1 Cf. supra, p. 312; voir aussi infra, pp. 334-335.

2 Dieulafoy, loc. cit., p. 177 (tir. à part, 17).

Dieulafoy, loc. cit., p. 187 (tir. à part, 27).

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