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Aqueducs. Les recherches à Medînat ez-Zahrâ ont attiré l'attention des archéologues sur les restes d'un aqueduc qui amenait les eaux de la Sierra à la ville princière'. Le conduit, couvert par une voûte en berceau percée de distance en distance de puits d'aération, franchissait un ravin sur trois arches - une petite entre deux grandes toutes trois en plein cintre outrepassé, bien appareillées en pierre et d'une remarquable élégance. La distribution des eaux se faisait au moyen de conduits maçonnés et de tuyaux de plomb (fig. 138).

De ce travail, soigneusement étudié par Velazquez Bosco, il convient de rapprocher le système similaire dont parle Maqqârf, et que Morales dit avoir vu encore intact. Cet aqueduc fut construit par 'Abd er-Rahmân en-Nâcir pour l'alimentation de son

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Medinat ez-Zahra. Aqueduc, d'après Velazquez Bosco.

palais d'En-Na'oûra, à l'Ouest de Cordoue. L'eau, amenée par des tuyaux établis sur une longue arcade, se déversait dans un bassin. La fontaine où aboutissait cette conduite était sculptée en forme de lion. Ce lion, plaqué d'or, aux yeux incrustés de pierres précieuses, faisait l'admiration des contemporains. Après avoir arrosé les jardins, l'eau était rejetée au Guadalquivir.

Nous savons que l'activité architecturale ne se ralentit pas sous El-Mançoûr. En 988, il construisait un nouveau pont sur le Guadalquivir. Il en construisit un autre sur le Xenil, qui passe à Grenade. Au témoignage d'Ibn 'Adharî, l'amélioration des routes fut une de ses œuvres les plus méritoires. Et cette importance accordée aux travaux d'utilité publique, suffirait à placer ce par

1 Velasquez Bosco, Medina Azzahra, 85, ss.

2 Gayangos, Mohammedan dynasties, I, 241-242, 504.

venu du trône, usurpateur du pouvoir des Khalifes, parmi les grands princes qu'ait connus l'Espagne.

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Les matières et les techniques du décor. La pierre et le marbre. Le plâtre. La terre cuite.

peinture.

La mosaïque.

Les chapiteaux. Les bases.

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La marqueterie de terre émaillée. La Les grandes formes décoratives. Les arcs. Les corbelets. - Les ensembles décoratifs. Le mihrâb de Cordoue. Les éléments du décor. Les motifs classiques. L'élément épigraphique. L'élément floral. La palme asymétrique. L'acanthe. Les palmettes. Le décor humain et le décor animal. L'élément géométrique.

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Un des caractères les plus frappants de l'art du Khalifat est l'abondance de la décoration et la variété des éléments décoratifs. On croit pouvoir expliquer en partie cette multiplicité de formes par l'hétérogénéité des influences qu'a subies ce premier art andalou. Je reviendrai sur ce point. Mais il semble qu'on puisse l'expliquer aussi par la diversité des matériaux et des techniques que le décorateur emploie. La pierre et le marbre, le plâtre et la terre cuite peut-être parfois émaillée, le bois et la mosaïque à petits morceaux, concourent à l'œuvre et y apportent leurs ressources infinies de plastique et de couleur.

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Les matières et les techniques du décor. La pierre et le marbre. La sculpture sur pierre et sur marbre revêt ellemême des aspects très divers. Les chapiteaux présentent les deux factures opposées: la sculpture large, en épannelage, et la sculpture maigre et profondément défoncée au trépan. Ce dernier genre semble avoir été particulièrement employé à Medînat ezZahrâ. Les fouilles ont mis au jour non seulement des chapiteaux, mais des bases de colonnes, des corniches et des panneaux refouillés de cette manière. La Grande Mosquée nous montre cette technique appliquée aux écoinçons, aux claveaux des arcs et aux grandes plaques qui encadrent le mihrâb du sol à la cimaise.

L'une et l'autre de ces factures sont bien dans la tradition byzantine. Avec la sculpture au trépan et ses surfaces sillonnées de cannelures se détachant sur un fond sombre s'affirme

« l'esprit de découpage » si caractéristique de la décoration musulmane. Toutefois quelques fragments trouvés à Ez-Zahrâ, où interviennent la figure humaine et l'animal, présentent un modelé qui atteste la persistance des traditions romaines.

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Le plâtre. Avec la pierre blanche et dans des emplois analogues apparaît le plâtre. Edrîsî signale son existence dans la Grande Mosquée et on l'y constate en effet. Ainsi l'Andalousie du x siècle a utilisé le plâtre sculpté, comme l'avait fait très discrètement d'ailleurs l'Ifrîqya du 1x siècle, et il n'est pas

impossible que cette technique lui soit venue d'Ifrîqya.

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La terre cuite. D'où venait l'usage de la terre cuite employée sous forme de briques ou de bâtonnets taillés suivant un carton d'assemblage ? Les claveaux alternativement blancs et colorés, où la brique joue son rôle, sont connus dans l'art syrien (Qoubbat eç-Çakhra à Jérusalem : vii-vin siècles), comme dans l'art tunisien du 1x (Jami' Zaytoûna de Tunis) ou dans l'art de Constantinople (Tekfour Seraï XI-XII° siècles). Toutefois des œuvres comme l'église del Cristo de la Luz, avec ses reliefs de brique, ses petits arcs polylobés et ses bandeaux en dents de scie, font penser à la Mésopotamie et à la Perse, où l'emploi de la brique donne lieu à des variations si remarquables.

L'usage de la brique, dont on fait apparaître la tranche ou des baguettes taillées dans la terre cuite, juxtaposées à la pierre blanche ou incrustées dans la pierre évidée à cet effet, n'est pas sans imposer au dessin une allure particulière. Soit qu'il meuble les tympans extérieurs de la Mosquée ou qu'il compose des pavages au palais d'Ez-Zahrâ, le décor procède surtout par galons rigides de largeur uniforme, par bâtonnets se soudant à angles droits. La traduction des lettres coufiques dans la frise du petit oratoire de Tolède (fig. 149 IV) est caractéristique à cet égard. Nous sommes loin de la souplesse des « mosaïques de faïence » du x et du XIV siècle, et cependant un rapport étroit unit cette marqueterie de pierre et de terre cuite de l'époque des Khalifes et la marqueterie de terre émaillée de l'époque moresque.

1 Edrisi, 209, tr. 259.

2 Velazquez Bosco, Medina Azzahra, p. 57.

La marqueterie de terre émaillée. Au reste, ce rapport, cette liaison s'affirment déjà. L'époque du Khalifat a connu la terre émaillée, découpée et assemblée en placages. Velazquez Bosco 1 a signalé, dans la Mosquée de Cordoue (on voudrait savoir à quel endroit précis; peut-être est-ce dans les tympans des portes latérales), une marqueterie de pièces vertes et blanches très analogue à un revêtement de pierre et de brique exhumé par lui à Medinat ez-Zahrâ (Fig. 139).

On ne peut guère douter que cette technique vienne de Mésopotamie (la céramique de Medînat ez-Zahrâ, où figure le reflet métallique, est d'une inspiration mésopotamienne indéniable);

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Fig. 139. A gauche: Medinat ez-Zahra. - Décor de pierre blanche et de briques rouges; à droite: Grande Mosquée de Cordoue. Marqueterie de terre émaillée blanche et verte, d'après Velazquez Bosco.

toutefois le style de ce décor « à bâtonnets » s'apparente nettement aux combinaisons de la pierre et de la brique. Il y a là une contamination de formes qui suggère l'idée d'une transposition de technique.

La peinture. La polychromie, qui se montre ici franche et très sobre, s'assouplit et s'enrichit dans le décor peint sur bois. et sur plâtre. Le décor peint figurait aux plafonds de la Grande Mosquée de Cordoue. Nous avons vu que ces plafonds étaient connus par quelques débris de poutres échappées à la destruction. des parties hautes de la Mosquée et par un texte d'Edrîsî. Les

1 Loc. cit., p. 58; Nizet, La Mosquée de Cordoue, p. 15, signale la faïence (?) dans les claveaux des arcs. Måle (Revue des Deux-Mondes, 5 novembre 1923), p. 323) parle des marqueteries de Medinat ez-Zahra.

fragments conservés nous montrent que les bois étaient ornés de formes florales méplates se détachant sur un fond également méplat. Le texte nous renseigne sur la palette du décorateur et les matières qui entraient dans la composition des tons. On y avait employé le rouge de cinabre, le blanc de céruse, le bleu lapis, l'oxyde rouge de plomb, le vert de gris, le noir d'anti

moine 1.

Le décapage d'un mur a fait apparaître un décor sculpté en plâtre qui était peint. Le marbre lui-même est parfois doré.

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La mosaïque. Enfin la polychromie est également représentée par les mosaïques à petits cubes qui enrichissent le mur de la qibla de la Grande Mosquée et les coupoles sur nervures qui le précèdent. Nous avons vu que c'était incontestablement là une technique d'importation byzantine, mais qu'elle s'implanta en Espagne et y subsista au moins quelque temps. Le nom arabe qui la désignait (fosaïfisâ) était une déformation du mot grec posts. Girault de Prangey, qui a examiné de près et dessiné les mosaïques de Cordoue, déclare n'avoir trouvé, ni dans l'exécution, ni dans les procédés et les matières employées, ni dans l'ensemble même des principaux dessins, « aucune différence entre ces mosaïques et celles de Ravenne, de Venise ou du Mont Cassin. » Cependant il semble qu'au moins les éléments décoratifs soient loin d'être identiques. Il y aurait lieu d'étudier de nouveau les décors du grand temple andalou pour les situer exactement dans la série des œuvres de même nature. La palette comprend, outre l'or formé de feuilles d'or posées sur une pâte de verre et elle-même recouverte d'une lame vitreuse, les pâtes coloriées en bleu, vert, rouge, blanc, jaune et noir. L'or occupe les fonds. Les motifs floraux sont modelés par zones concentriques. La dominante est bleue pour la coupole, rouge pour le

cadre du mihrab.

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Les arcs.

Les grandes formes décoratives. Comme l'architecture ifriqyenne du Xe siècle, l'architecture andalouse du x emploie une assez grande variété d'arcs. Ce sont les mêmes, ou peu s'en faut, que ceux que nous avons déjà rencontrés en Ifrîqya arc en plein cintre non outrepassé, arc en

1 Edrisi, éd. Dozy el de Goeje, p. 209, tr. p. 259.

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