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fut tiré de l'Espagne même. La direction des travaux était confiée au prince héritier, le futur El-Hakam II; l'architecte principal était Maslama ben 'Abd Allah.

Ez-Zahrâ ne tarda pas à devenir la résidence préférée de 'Abd er-Rahmân. En 947, il y transportait l'Hôtel des Monnaies; l'année suivante, il y recevait des ambassadeurs. Il s'y retirait aussi pour jouir de ce qu'on peut appeler la vie de famille. Le nom même d'Ez-Zahrâ était un hommage à sa favorite. Le harem tenait une large place dans l'ensemble des bâtiments. Les chroniqueurs, en dénombrant les hôtes de cette cité princière, nous ont parlé de la foule énorme des femmes, jeunes et vieilles, des serviteurs esclavons et des eunuques qui l'habitaient.

Même en faisant aux chiffres les corrections d'usage, ces récits nous donnent l'idée d'un grand palais; et cette idée n'est pas démentie par l'aspect des ruines étudiées depuis une quinzaine d'années. Les descriptions des géographes, en particulier celle d'Edrîsî', qui vit Ez-Zahrâ cent cinquante ans après sa chute (401 hég./1010 AD) ont de même été reconnues fort exactes. « Ce fut, dit-il, une cité considérable, bâtie en étages, ville sur ville, en sorte que la surface de la ville haute était au niveau des toits de la ville moyenne, et le sol de celle-ci au niveau des toits de la basse ville. Toutes trois étaient ceintes de murs. Dans la partie supérieure s'élevait le palais... En la partie moyenne s'étendaient les vergers et les jardins; la Grande Mosquée et les demeures privées occupaient la partie inférieure. >>

Après une tentative infructueuse, les archéologues espagnols ont obtenu en 1910 de fouiller le terrain d'Ez-Zahrâ, qui s'étend à huit kilomètres à l'Ouest de Cordoue sur le versant de la Sierra et occupe un rectangle d'environ 1.500 mètres sur 750 2. R. Velazquez Bosco a sondé la partie haute, qui devait contenir le palais; il a dégagé deux tronçons de l'enceinte et du chemin qui la longeait, et deux corps de bâtiments, distants l'un de l'autre d'une cinquantaine de mètres. Le chemin longeant le

1 Edrisi, Description de l'Afrique et de l'Espagne, éd. Dozy et de Goeje, 212, tr. 263.

2 Cf. Ricardo Velazquez Bosco, Medina Azzahra y Alamiriya, Madrid, 1912; Idem, Excavaciones en Medina Azahara, Madrid, 1923; R. Jimenez, R. Castejon, F.-H. Jimenez, E.-R. Martinez, J. M. de Navascues. Excavaciones en Medina Azzahra, Madrid, 1924. Je tiens à exprimer toute ma gratitude à la Junta superior de excavaciones y antiguedades el en particulier à Don Joaquin Maria de Navascues pour les documents qu'ils m'ont procurés.

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tronçon Sud de l'enceinte, qui, semble-t-il, sépare la ville haute de la ville moyenne, était un couloir à deux étages. Le bas est voûté en berceau établi sur arcs doubleaux en fer à cheval. Des lucarnes percées dans le mur l'éclairaient; une poterne s'ouvrant sur la ville moyenne y donnait accès. Plus haut se trouvent les bâtiments reconnus durant la même campagne de fouilles. Un ensemble, entre autres (fig. 134), me paraît digne

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d'être signalé malgré ses proportions modestes. Il se compose d'un patio pavé de marbre, bordé, à l'Ouest, par un mur percé d'une porte, au Nord et au Sud, par des salles carrées qui pouvaient être couvertes d'une petite coupole (dans l'une de ces salles sont aménagées des latrines). A l'Est s'étend un portique à deux baies sur lequel s'ouvre par deux portes une salle profonde de 7 m. 50. On notera l'existence du portique d'un seul côté de la cour, et le groupement du portique large et de la salle profonde.

Par là, ce plan n'est pas sans analogie avec celui des maisons égyptiennes du IXe siècle mises au jour à Fostât 1.

Une seconde série de recherches entreprises par le même archéologue en 1922 a porté sur un vaste ensemble contigu à celui que je viens de mentionner. On y retrouve patio, galeries

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Medinat ez-Zahra.

Plan d'un grand bâtiment (fouilles de 1922). d'après R. Velazquez Bosco.

et salles disposées en profondeur, mais ici le patio mesure 49 m. 30 sur 52 m. 90. Encadré sur ses faces Sud et Est par deux murs, il est bordé par une galerie précédant des pièces de dimensions

1 Cf. Ali Bahgat bey et Gabriel, Fouilles d'Al-Foustât, Paris, 1921, ch. V. Peut-être convient-il de rappeler ici qu'un des artisans du palais d'Ez-Zahra était un nommé 'Ali ben Ja'far, originaire d'Alexandrie. Maqqari, Analectes, tr. Gayangos, I, p. 235, d'ap. Ibn Haïyân.

médiocres du côté Ouest et par une galerie précédant des salles plus grandes vers le Nord. C'est ici la partie la plus remarquable de l'ensemble et vraisemblablement une des plus magnifiques du palais (fig. 135).

Trois salles prennent jour sur la galerie, sorte d'antisalle, qui longe le patio. L'une de ces salles, très large, est flanquée de pièces étroites mais de même profondeur qui communiquent avec elle par trois baies. Cette disposition rappelle dans une certaine mesure celle du corps de bâtiment principal du Dâr el-Bahr hammâdite, précédemment étudié (p. 124, fig. 60, S.). Mais un trait essentiel différencie cette salle d'apparat omeiyade des salles de même nature que les siècles suivants verront élever à la Qal'a ou à Grenade elle ne peut avoir été surmontée d'une grande coupole. L'architecte des Khalifes a dû diviser l'espace à couvrir en trois nefs d'environ 7 mètres de large (la nef centrale paraît un peu plus large que les autres) pour y établir des plafonds. L'écartement des murs est légèrement supérieur à celui des nefs de la Grande Mosquée de Cordoue.

S'aidant des nombreux fragments sculptés qu'il y avait exhumés, Velazquez Bosco a donné, de l'ornementation, une restitution somptueuse, très analogue à celle de la Mosquée et en somme fort vraisemblable. Il a indiqué la ressemblance existant entre les baies à trois arcs outrepassés, qui faisaient communiquer les nefs, et les triples baies du Salon des Ambassadeurs à l'Alcazar de Séville.

L'effort des archéologues espagnols ne s'est pas arrêté là. De nouvelles recherches ont été amorcées en 1923 par l'établissement d'un plan à grande échelle du terrain que couvrait la ville khalifienne. Ce travail permettra d'orienter méthodiquement les futures campagnes de fouilles.

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El-'Amiriya. Des travaux ont également été entrepris à El-'Amiriya, fondation du tout puissant ministre Ibn Abî 'Amir El-Mançoûr, dont on a identifié les ruines à deux kilomètres d'Ez-Zahrâ. Placée comme Ez-Zahra sur les pentes de la montagne, elle présentait de même des constructions disposées en étages. Les fouilles ont entamé la terrasse supérieure; elles ont

1 Velasquez Bosco, Medinat Azzahra, pp. 23, ss.

permis de dégager trois corps de bâtiments flanqués d'un grand bassin. L'appareil des murs prouve que les constructions appartiennent à plusieurs époques. On y retrouve de petites salles carrées pouvant porter des coupoles. Six de ces salles se voient de part et d'autre d'un logis central et sont reliées entre elles par trois salles étroites et longues (13,50 × 3,50). Le bassin mesure près de 50 m. sur 30. Il est bordé d'arceaux surbaissés reposant sur des contreforts et sur de massives consoles à redans. Ces organes, qui consolident les murs, ont permis d'élargir la circulation autour du bassin.

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El-Medînat Ez-Zâhira. Aucune recherche, sauf erreur, été tentée sur le site présumé d'Ez-Zâhira. Comme El-'Amiriya, Ez-Zahira fut l'œuvre personnelle d'El-Mançoûr. C'est en 368/976 que le puissant ministre fit cette fondation, à la fois pour assurer existence menacée et pour affirmer son indépendance vis-à-vis de son maître le Khalife 1. C'était en principe un palais, mais qui devint bientôt une ville, contenant non seulement le logis d'El-Mançoûr et des siens, avec les salles de réception et les dépendances, mais les locaux pour son administration, les hôtels de ses officiers et de tous ceux qui recherchaient le voisinage du pouvoir, des casernes, des bains et des marchés. Elle s'élevait sur une des pointes formées par les méandres du Guadalquivir, et ses faubourgs allaient rejoindre ceux de la ville khalifienne. On a cru en reconnaître la place à quatre kilomètres au Sud-Ouest de Cordoue.

c. L'Architecture militaire.

La guerre tient trop de place dans les deux siècles et demi que dura la puissance des Omeiyades et des 'Amirides pour que la défense des villes n'ait compté parmi leurs principales préoccupations. L'édification de murs et de tours, le renforcement des ouvrages existants apparaissent fréquemment dans les chroniques. Toute place menacée, conquise ou reconquise sur les chrétiens

1 Bayân II, 294 297, tr. II, 457-462.

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