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Sur les murs qui les séparent étaient établis de larges chenaux de plomb. A l'intérieur, la charpente était masquée, comme celle de la Mosquée de Kairouan, par des plafonds, qui furent, en 1713, remplacés par des voûtes légères. Ces plafonds nous ont

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Fig. 127. Cordoue. Grande Mosquée. Poutres d'époque omeiyade.

été décrits par Edrîsî (x11° siècle) et par Morales (fin du xvi) 1. Des fragments de solives remployés dans les charpentes ont permis à l'architecte Velazquez Bosco de reconstituer le plafond d'une des nefs. D'après Edrîsî l'intervalle entre les solives était égal à l'épaisseur des solives elles-mêmes; d'après la restitution

1 Edrisi, éd. Dozy-de Goeje, 208-209, tr. 258; Morales, Los antiquedades de las ciudades de Espana, pp. 61-62.

moderne, l'intervalle serait plus du double '. Une frise à inscription coranique régnait au-dessous des plafonds.

Les coupoles.

La coupole sur nervures.- Des coupoles, abri

tées d'ailleurs par des toits de tuiles, surmontent certaines parties

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Fig. 128.

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Cordoue.

Grande Mosquée. Coupole en avant du mihrab. de la Mosquée d'El-Hakam II. Outre la niche du mihrab, que couvre une calotte monolithe sculptée en coquille, l'extrémité de la nef centrale, en avant du mihrab, et celle des deux nefs qui la flanquent (l'espace ainsi délimité faisait partie de la maqçoûra du Khalife) portent trois coupoles d'un genre très particulier. Comme toujours, il convient de distinguer ici la coupole pro

1 Cf. Nizet, La Grande Mosquée de Cordoue, pp. 38, 40 ss. Girault de Prangey (Essai, pp. 41-42 et pl. 3) avait donné une autre restitution.

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prement dite et son raccordement avec le tambour inférieur. Le raccordement se fait, non par des trompes, comme dans celles de Kairouan, mais au moyen de niches posées aux quatre angles et dont les pieds-droits s'avancent en encorbellement au-dessus de la corniche. C'est le procédé décrit par Choisy dans son Art de bâtir chez les Byzantins: « Quelquefois, dit-il, les Byzantins occupent les quatre écoinçons par de véritables niches, dont le tambour en tour creuse se présente moitié en saillie, moitié en retraite. » Et il ajoute : « Le dôme de la Grande Mosquée de Damas repose sur quatre niches de ce genre. »> Une analogie notable existe à cet égard entre la Grande Mosquée des Omeiyades orientaux et celle de leurs héritiers d'Occident. Les niches de Cordoue se distinguent cependant de celles de Damas en ce que leur arc d'ouverture n'est pas en plein cintre, mais polylobé, et qu'elles sont couvertes, non

Fig. 129. A gauche niche d'angle à la grande Mosquée de Damas (d'après Choisy) à droite, niche d'angle à la grande Mosquée de Cordoue (Cf. fig. 128).

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par des quarts de sphère, mais par des calottes octogonales à côtes. (Fig. 129).

Etablie au-dessus de ces niches, la coupole proprement dite comporte à son tour deux parties superposées un lanternon hémisphérique, divisé par des cannelures rayonnantes, et de grands arcs dont la partie supérieure circonscrit la base du lanternon. Les arcs, en s'entrecroisant, délimitent un octogone au centre, des triangles sur le pourtour. Ces nervures en saillie et les portions bombées qui en couvrent les intervalles font penser à l'armature de nos voûtes sur croisée d'ogives. Je n'ai pas ici à rechercher si l'organisme andalou a pu, en quelque manière, inspirer la conception des maîtres d'oeuvres français 2; mais il

1 P. 85, pl. XXI.

2 Le rapprochement, indiqué par Choisy, Hist. de l'Architecture, II. 99, vient d'être repris par E. Lambert, (Gazette des Beaux-Arts, sept.-oct. 1925, p. 161), qui annonce son intention de l'étudier plus amplement par la suite.

importe d'indiquer les origines possibles de l'organisme andalou.

On notera que les deux parties de ces « coupoles sur nervures >> la coupolette côtelée et les arcs entrecroisés ont leurs analogues dans la mosquée même. Les calottes à côtes rayonnantes se trouvent dans les niches d'angle; quant à l'entrecroisement des arcs, nous avons vu comment, dans les nefs, la complication des arcs d'entretoisement avait pu y aboutir. Le même architecte était, à la rigueur, capable d'imaginer ces deux applications si curieuses du même principe. Les arcs bandés sur des colonnes contiguës pouvaient enjamber l'angle d'un tambour carré. On doit toutefois se souvenir qu'une coupole sur nervures assez comparable à celles de Cordoue a été signalée dans l'église arménienne d'Akhpat (1183). Bien que postérieure de près de deux siècles à la mosquée andalouse cette église atteste du moins l'emploi de la formule dans une province asiatique, dont l'art fut, anciennement, très influencé par la Syrie. La Syrie ellemême pratiqua-t-elle la coupole sur nervures? Damas, où les architectes de Cordoue prenaient vraisemblablement l'idée des niches angulaires, leur fournit-elle aussi le modèle de la coupole qui les surmontait? Rien ne permet de l'affirmer.

Fig. 130.

Coupole sur nervures

d'Akhpat (Arménie), d'après Choisy.

Les trois coupoles de la maqçoûra ne sont pas les seules que garde la Grande Mosquée. Sur la nef centrale, à l'extrémité Nord de l'addition d'El-Hakam II, on en trouve une quatrième, datant du même temps, mais peut-être remaniée à l'époque chrétienne. C'est également une coupole sur nervures, mais dont les arcs

1 Choisy, Hist. de l'Architecture. II, 22, 99, fait le rapprochement, mais dit qu'il est tout à fait invraisemblable que la solution [de Cordoue] provienne de l'Arménie, où elle n'a été admise qu'à titre exceptionnel. » Voir aussi Benoit, L'Architecture. L'Orient, p. 90.

sont bandés directement sur la corniche; il n'y a pas de niches angulaires. Nous en signalerons par la suite une autre de même genre à la Grande Mosquée de Cordoue, celle de la Chapelle San Fernando, beaucoup plus récente. Cette forme si particulière de coupole, installée dès le x siècle dans le style. andalou, s'y perpétue. Le Maghreb la connaîtra. La Grande Mosquée de Tlemcen nous permettra d'en étudier l'anatomie. Au x siècle, elle semble d'un usage très général. La seule autre mosquée qu'on puisse attribuer à cette époque avec certitude nous en offre un curieux exemple. C'est la mosquée de Bib Mardom, à Tolède, aujourd'hui Eglise del Cristo de la Luz.

Tolède.

Las Tornerias.

L'Eglise del Cristo de la Luz à L'Eglise del Cristo de la Luz a reçu, à travers les siècles, de profonds remaniements. La partie postérieure, où se trouve l'autel, fut sans doute ajoutée après la reconquête chrétienne. La partie antérieure porte incontestablement la marque de l'art du Khalifat. Elle se compose de trois nefs divisées en trois travées, ce qui détermine six tambours carrés portant autant de coupoles sur nervures. Une inscription régnant en frise le long de la façade Sud-Ouest nous apprend qu'on y travailla en 370/980. Le texte semble indiquer qu'il s'agit déjà d'une réfection partielle de la mosquée.

en

Je reviendrai sur cette curieuse façade quand j'étudierai le décor; qu'il me suffise d'indiquer ici l'emploi des arcs en fer à cheval entrecroisés comme relief ornemental et le rôle important qu'y jouent les matériaux diversement colorés. Les arcs plein cintre, en fer à cheval ou trilobés sont appareillés en brique, les murs entre les arcs sont formés d'assises de moellons et d'arases de briques. La brique constitue le décor supérieur, et jusqu'aux lettres de l'inscription (Fig. 131, 149 IV).

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La face Nord-Est 2, fort remaniée, présente, à la base, trois baies en fer à cheval s'ouvrant dans des défoncements en plein cintre; au-dessus, de petites fenêtres ou niches à fond plat en fer à cheval encadrées de défoncements trilobés.

A l'intérieur, les chapiteaux des quatre colonnes portent des

1 Elle a été dégagée en 1899 et publiée avec dessin par Amador de los Rios, ap. Monumentos arquitectonicos de Espana. La restitution du plan et de l'élévation est de l'architecte de Luque.

2 Reproduite ap. Rivoira, Architettura musulmana, fig. 275 et par E. Lamhert, Tolède, p. 17.

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