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Quint vit les travaux que le clergé catholique lui avait arraché l'autorisation d'entreprendre, il en exprima, à ce qu'on raconte, ses regrets en termes amers. « Si j'avais su ce que vous vouliez faire, dit-il aux chanoines, vous ne l'auriez pas fait ; car ce que vous exécutez là se trouve partout et ce que vous aviez auparavant n'existe nulle part dans le monde 1. »

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Le soubassement. Les murs.

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La construction de la Grande Mosquée de Cordoue n'allait pas sans difficultés. L'une d'elles résultait de la déclivité du sol. Une terrasse faite de pierres de taille et de blocage et où l'on accède par des escaliers, rachète la différence de niveau. Le mur d'enceinte s'élève au-dessus; il est épaulé par des contreforts

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Fig. 121. Construction des murs omeïyades, d'après Velazquez Bosco. A: appareil datant de 'Abd er-Rahman II; B: appareil d'El-Hakam II: C: appareil d'El-Mançoûr.

rectangulaires, moins larges mais plus réguliers que ceux de la Mosquée de Kairouan. Une gargouille perce le haut de chaque contrefort. Dans l'intervalle s'ouvrent les portes latérales (6 sur la face Est, 7 sur la face Ouest) dont plusieurs ont été murées 2. Des petites fenêtres garnies de claustra flanquent ces portes. L'enceinte est couronnée de merlons en dents de scie.

Les murs ont subi des reprises à diverses époques et la plus grande partie est couverte d'enduit. La construction primitive est en pierres de taille de dimension médiocre. L'architecte Velazquez Bosco, s'aidant des remarques qu'il avait faites tant à la Mosquée

1 Cité par Nizet, La Mosquée de Cordoue, p. 37.

2 Beaucoup l'étaient déjà au xvi siècle. Cf. Voyage en Espagne d'un ambassadeur marocain, tr. Sauvaire, p. 44

qu'à Ez-Zahrâ et à El-Amîriya, a cru pouvoir distinguer les murs du temps de 'Abd er-Rahmân II, dont chaque assise est formée de pierres posées alternativement en carreau et en parpaing; de ceux d'El-Hakam II, où l'on trouve des assises entièrement formées de parpaings et des assises où alternent parpaings et carreaux, et de ceux d'El-Mançoûr formés de matériaux plus petits avec des groupes de trois ou quatre parpaings entre lesquels les carreaux sont interposés. Nous verrons que les briques jouent aussi leur rôle dans cette construction.

Colonnes, sommiers et arcs.

A

Les supports intérieurs. l'intérieur, les nefs anciennes de la Mosquée ont des colonnes presque exclusivement antiques, variées de matière, de forme et sans doute de provenance, trouvées sur place, importées du reste de la péninsule, de la Gaule, de l'Afrique du Nord ou d'ailleurs. Les fûts de fabrication musulmane sont généralement plus petits que les fûts antiques; ils sont presque cylindriques, non galbés et ne présentent qu'une faible augmentation de diamètre à la base. L'emploi de ces colonnes de dimensions variables et parfois assez réduites dans une salle hypostyle d'une grande superficie et élevée à proportion', créait une difficulté, qui n'était d'ailleurs pas spéciale à la Mosquée de Cordoue; les constructeurs des mosquées aghlabites d'Ifrîqya avaient eu ou devaient avoir à la résoudre. On sait comment ces artistes, s'inspirant vraisemblablement de la mosquée de 'Amr, ont surmonté les chapiteaux de sommiers, qui élargissent la surface portante, puis d'impostes où s'engagent les tirants de bois, et enfin de corniches recevant la retombée des arcs outrepassés. Les constructeurs de Cordoue peuvent s'être inspirés, comme ceux de Kairouan, de la solution employée à Fostât, mais ils y ont apporté des modifications singulièrement audacieuses. Dans les vieilles nefs, les chapiteaux sont surmontés d'un sommier qui porte, outre la retombée d'arcs outrepassés, une console soutenant une pile de maçonnerie, véritable imposte, qui, montant au-dessus de l'extrados de ces arcs inférieurs, reçoit, par l'intermédiaire de corniches, un second étage d'arcs en plein cintre. La différence essentielle entre la solution de Cordoue et celle de Fostât ou de Kairouan est le

1 Sur les dimensions en hauteur, cf. Girault de Prangey, Essai sur l'architecture des Arabes et des Mores, pp. 40, 41.

remplacement du chaînage de bois par des arcs appareillés dits arcs d'entretroisement. Cette différence est considérable. L'invention de cet artifice put être inspirée aux constructeurs par certains aqueducs romains comportant de hautes piles réunies par deux étages d'arcs. On en connaît de ce type en Afrique et en Espagne, notamment celui de Merida, que l'on nomme los Milagros 1.

Cette solution adoptée pour les nefs de 'Abd er-Rahmân II est reproduite dans les nefs d'El-Hakam II et dans celles d'El

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Fig. 125. A gauche arcs d'entretoisement de l'aqueduc romain de Merida; à droite: arcs d'entretoisement à la Grande Mosquée de Cordoue.

2

Mançoûr sans grandes modifications. On notera cependant que le plan des sommiers, au lieu d'être carré, est ici rectangulaire, ou plutôt cruciforme deux des faces sont taillées en glacis et portent les arcs inférieurs; les deux autres faces sont verticales, mais des tasseaux y sont accolés et reçoivent, par l'intermédiaire

1 Cf. Cagnat et Chapot, Manuel d'Archéologie, I, 98; Gsell, Mon. antiques de l'Algérie, I, 248 n. 2; E. Bertaux, ap. Espagne et Portugal (Guide bleu), P. LX.

2 Cf. La figure donnée par Nizet, Mosquée de Cordoue, p. 17; voir aussi Saladin, Archives des Missions, 3a série, XIII, 140, 143; notre note Sur 3 formes décoratives, ap. Actes du Congrès des orientalistes, Alger, 1905, 2 partie, 7° Sect., P. 9.

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de consoles, les impostes ou les supports en encorbellements (colonnettes ou pilastres à pans coupés), que surmontent à leur tour les arcs supérieurs. L'architecture chrétienne d'Espagne ou d'Afrique a connu des formes de sommiers très comparables. Ils ont l'avantage d'agrandir logiquement la surface portante et de la faire passer du plan carré de l'abaque au plan des organes à supporter.

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quée d'El-Hakam II présentent des systèmes plus compliqués et font intervenir l'arc polylobé. En avant des portes qui flanquent le mihrab, les arcs inférieurs sont polylobés et les arcs supérieurs sont en fer à cheval. Au centre de la Mosquée et en avant du mihrab, des arcs polylobés posés sur l'extrados des arcs inférieurs s'entrecroisent avec les arcs supérieurs. Cet entrecroisement a pour effet de souder, en quelque sorte, les deux étages d'arcs entre eux et de distribuer plus logiquement les charges. Sous la coupole centrale, des arcs polylobés surmontent les arcs en fer à

cheval supérieurs ; d'autres couronnent trois arcades et les entrecroisements qui les surmontent. Le thème prête à de multiples variations.

:

Les arcs en plein cintre outrepassé ou non outrepassé des nefs sont généralement formés de claveaux de briques alternant avec des claveaux de pierre. Les autres présentent un appareillage figuré des claveaux sculptés y alternent avec des claveaux sans décor. Les claveaux colorés sont fréquents dans l'architecture byzantine et dans la première architecture musulmane. On connaît, entre autres, ceux de la Qoubbat eç-Çakhra de Jérusalem. L'architecture aghlabite d'Ifrîqya (Grande Mosquée de Tunis, cf. fig. 17) ne les ignore pas non plus.

L'origine de l'anatomie de ces cintrages apparaît plus difficile à déterminer. Les réseaux qu'ils engendrent, dans les parties importantes de la salle de prières, peuvent être considérés comme une complication en quelque sorte spontanée des arcs d'entretoisement de la même Mosquée. Les diverses solutions qu'on y rencontre peuvent sembler les étapes de leur genèse. On aurait du reste de la peine à déterminer le modèle étranger qui put les inspirer. Il est permis d'évoquer à leur sujet le souvenir des arcs de décharge et du squelette de certaines voûtes romaines, comme celle du Panthéon d'Agrippa à Rome. Mais on ne peut guère songer à une influence quelconque de tels édifices sur la Mosquée des Omeiyades. On peut également noter que la Mosquée de Damas présente des arcs outrepassés inférieurs surmontés d'évidements, qui reportent les charges au sommet des arcs et au droit des colonnes, comme dans les réseaux de Cordoue. Mais cette solution syrienne, issue des basiliques du pays, est loin encore de la solution andalouse. Peut-être faudrait-il penser à la Perse et aux ingénieux emplois qu'on y fit de la brique dans l'anatomie des édifices. Peut-être faut-il supposer que l'architecte andalou trouva en Espagne même l'idée qu'il développa avec bonheur dans la Mosquée des Khalifes. Je ne peux ici hasarder que des conjectures.

Les plafonds. Chaque nef est couverte d'un toit de tuiles à deux pentes. La Syrie a employé le même mode de couverture 2.

1 Le problème pourrait être relié à celui de l'origine de l'arc polylobé, cf. sup., p. 64. Gomez Moreno, ap. Actes du congrès d'hist, de l'art., 1921, I,

318, ss.

2 Van Berchem et E. Fatio, Voyage en Syrie, I, 337.

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