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de leur entrée en Espagne, se seraient autorisés de ce qu'avaient fait les généraux du Khalife 'Omar, avec l'agrément de celui-ci, touchant le partage des églises chrétiennes et en particulier de l'arrangement qui était intervenu pour l'église Saint-Jean de Damas. Suivant ces précédents, on s'entendit avec les Chrétiens de Cordoue pour annexer la moitié de l'église Saint-Vincent, la plus grande de la ville. Dans la moitié annexée, les Musulmans installèrent une Mosquée; les Chrétiens purent célébrer leur culte dans l'autre, et toutes les autres églises de la ville furent démolies.

Les conquérants se contentèrent quelque temps de cette moitié de basilique; mais leur nombre augmenta rapidement dans la péninsule; il s'accrut surtout dans Cordoue, les gouverneurs arabes y ayant établi leur résidence. La salle de prières devint trop petite pour contenir les fidèles et on l'agrandit progressivement, nef par nef. Ces additions, sans plan préconçu, devaient être assez rudimentaires d'architecture et assez incommodes. Les nefs étaient soutenues par des piliers de bois, et, d'après Maqqârî, la hauteur de chaque addition successive étant inférieure à celle de la précédente, les dernières nefs étaient si basses qu'il était difficile de s'y tenir debout. On peut expliquer cette particularité plus ou moins authentique si l'on admet que, le terrain ayant, à proximité du fleuve, une déclivité assez forte, les commodités de la construction exigeaient que le même niveau fût conservé pour les charpentes nouvelles. Ainsi les toits n'étaient pas de plus en plus bas, mais le sol s'élevait de plus en plus vers le toit.

La Mosquée primitive n'en resta pas moins assez longtemps dans cet état. Les choses devaient changer avec l'arrivée de

éd. Dozy, II, 60, 70, 86, 98, 159, 244-247, 250, 253, 254-257, 307-309, tr. Fagnan, 11, 92, 109, 137, 156, 256, 377-382, 385-386, 302-393, 396-398, 477-479; Edrisi, Description de l'Afrique et de l'Espagne, éd. Dozy et de Goeje, 208-212, tr. 257261 Maggari, Analectes, éd. Dozy, Dugat, Krehl et Wright, 1, 358-365; Gayangos, History of Mohammedan dynasties, I, 217 ss.; Ibn Zenbel, Tohfat el-Moulouk, tr. Fagnan (Extraits inédits), pp. 134-137; Ibn el-Qoutiya, tr. Fagnan, (ibid.), pp. 209-218; Ibn el-Athîr, Kámil fi't-tarikh, éd. Tornberg, V. 379, VI, 76, 101, VII, 41, tr. Fagnan (Annales du Maghreb et de l'Espagne), pp. 101, 134, 153, 230-231; Ambrosio de Morales, Antiguedades de las ciudades de Espana, Cordoba, Madrid, 1792; Therin, La Mosquée des Abd el-Rahman, ap. Rev. d'architecture, de C. Daly, 1866, col. 74, ss.; Herbert Carpenter, The mosquee-cathedrals of Cordova and Sevilla (Royal institute of British architects) 1882-1883; Sentenach, La Mezquita de Cordova, Madrid, 1901; C. Nizet, La Mosquée de Cordoue. Extrait de l'Architecture, 1905.

l'émir 'Abd er-Rahmân. L'installation de sa capitale dans Cordoue et l'afflux de population qui en résulta lui firent décider la construction d'une Mosquée nouvelle. Là encore le précédent de la Grande Mosquée de Damas fut vraisemblablement suivi. De même qu'avait fait le Khalife El-Walid pour l'église SaintJean de Damas, 'Abd er-Rahmân aurait proposé aux chefs de la communauté chrétienne de Cordoue de leur acheter la partie de l'église Saint-Vincent qui leur restait, pour la joindre à la Mosquée. Malgré la générosité de son offre, les Chrétiens auraient refusé, s'en tenant aux termes de la capitulation. Enfin, par un arrangement analogue à celui qui avait été conclu à Damas, après de longs pourparlers, les Chrétiens consentirent à céder leur moitié d'église, à condition qu'on leur permettrait de rebâtir ou de réparer une autre église qui avait été détruite. De plus, une somme très considérable leur fut payée, et 'Abd erRahman fit démolir le vieil édifice pour en construire un nou

veau.

La Mosquée de 'Abd er-Rahmân 1er et son agrandissement par 'Abd er-Rahmân II. Ce fut en 169 ou 170 (785-786 J.-C.) que 'Abd er-Rahmân commença les travaux. En un an ils étaient achevés; ce qui ne nous permet d'imaginer qu'un édifice de proportions assez réduites. Il n'est pas douteux cependant que l'émir fugitif ait voulu donner quelque magnificence à sa fondation; et ici nous voyons reparaître ce qu'on pourrait appeler la tradition omeiyade, j'entends le désir de faire revivre en Andalousie la splendeur du Khalifat de Damas. L'historien oriental El-'Aïni 1 nous dit que 'Abd er-Rahmân Ier érigea sa Grande Mosquée à l'instar de celle qui faisait la gloire de ses pères. Conde, dans sa médiocre Historia de la dominacion de los Arabes 2, assure de même que le prince « traça le plan de l'oeuvre, qu'il voulait semblable à celle de Damas ». L'indication mérite d'être enregistrée. Nous emprunterons également à El-Aïnî ce renseignement qu'une partie des matériaux venait des édifices démolis à Tolède et cet autre à Ibn el-Qoutiya que la somme dépensée fut prélevée sur le quint du butin fait dans l'expédition de Nar

1 Cité par Ahmed Zeki, ap. Mélanges Codera, p. 465.

2 T. I, p. 211. Je crois avoir été trop affirmatif sur ce point dans mon article La Mosquée d'El-Walid à Damas et son influence sur l'architecture musulmane d'Occident, ap. Revue africaine, 1906, pp. 37, ss.

bonne1. Cette destination de la part du butin enlevé aux Chrétiens et réservé au prince de même que ce remploi de pierres taillées sont l'un et l'autre vraisemblables.

Hichâm, fils de 'Abd er-Rahman, fit à l'oeuvre de son père d'importantes additions: des galeries où les femmes pouvaient prier et qui étaient placées à une extrémité de la mosquée et un minaret mesurant 40 coudées jusqu'à la plate-forme du mueddin. Ailleurs le même auteur précise qu'il s'agit de l'ancien minaret, qui semble bien avoir été remplacé par le minaret 2 dont le clocher actuel occupe la place.

Cette mosquée des deux premiers Omeiyades, quoique modeste, parut suffisante jusqu'à 'Abd er-Rahmân II, qui, en 218/833. y apporta des changements notables. Ibn 'Adharî nous dit qu'il agrandit la mosquée en partant des pilastres, ou mieux des « pieds-droits (el-arjoul) qui sont entre les colonnes (es-sawari), dans la direction de la qibla ». Ailleurs l'auteur raconte qu'il ajouta une portion pourvue de pieds-droits, qui mesure 50 coudées de long sur 150 de large et où l'on compte 80 colonnes 1. Ces textes méritent qu'on s'y arrête.

Il importe tout d'abord de faire abstraction, dans la Mosquée actuelle, des huit nefs orientales qui datent d'El-Mançoûr. La Mosquée primitive est à chercher dans la partie à l'Ouest de cette addition, ensemble de 11 nefs, dont la nef médiane aboutit au mihrab. Dans la portion ainsi circonscrite, la Mosquée de 'Abd er-Rahman Ier et de son fils comprenait la cour et une partie de salle de prières contiguë à la cour, que l'on peut estimer à 12 travées bordées par les 12 premières rangées de colonnes. Les proportions de cette Mosquée initiale apparaissent comme assez conformes au plan habituel des premiers édifices religieux musulmans. Une anomalie frappante de la Grande Mosquée de Cordoue dans son état actuel est, en effet, la faible profondeur, dans le sens Nord-Sud, de la cour par rapport à la salle de prières.

1 Ibn el-Qoutiya, Conquête de l'Andalousie, texte et trad. Houdas, (Recucit de textes et trad, publié par l'Ecole des Langues orientales), 1889, t. I, pp. 257, 279. D'ap. Merrâkechi, Hist. des Almohades, tr. Fagnan, 316, tous les travaux exécutés à la Mosquée furent payés sur le quint.

2 Maqqari, I, 219. « Le minaret est construit au-dessus de l'une des portes de la Mosquée qui fait face à l'emplacement de la anza. » Voyage en Espagne

d'un ambassadeur marocain, 1690-1691, tr. Sauvaire, p. 143. Paris 1884.

3 Sur le rôle de ce prince et la tournure qu'il donne au Khalifat, Bayân, II, 93. tr. II, 148.

4 Bayân, II, 86, 245, tr. II, 135, 380.

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Les proportions de la cour à la salle seraient respectivement, pour la Mosquée de 'Amr à Fostât de plus de 2 à 1, pour la

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Plan de la Grande Mosquée, dressé par Nizet, en 1904.

Grande Mosquée de Kairouan, qui s'inspire visiblement de la mosquée de 'Amr, d'environ 2 à 1, pour la Grande Mosquée de Damas de 4 à 3. Cette dernière proportion se rapproche sensible

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ment de celle que nous trouvons dans la Mosquée primitive de

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II

Fig. 118. Cordoue.

sements successifs.

Plan de la Grande Mosquée, montrant les agrandis I. Mosquée de 'Abd er-Rahmân I; II. Addition de 'Abd er-Rahman II; III. Addition d'El-Hakam II; IV. Addition d'El-Mançoûr.

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Cordoue. Comme à Damas, un minaret flanqué d'une porte occupait le milieu du mur opposé à la qibla1.

1 D'après Ibn el-Athir, éd. Tornberg, VII, 46, tr. Fagnan, 230, 'Abd erRahmân ajouta deux portiques (?) à la Mosquée. Il s'agit peut-être des portiques latéraux du çahn, dont la Mosquée de 'Abd er-Rahman I pouvait être dépourvue.

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