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précédent, a pu inspirer la découpure fréquente de ces fleurons en cinq lobes. Toutefois on notera que la forme lancéolée est un des thèmes favoris de l'art sassanite et que ses deux courbes symétriques ses deux S se terminant en haut et en bas par des enroulements contrariés, figurent dans la céramique protomusulmane de Mésopotamie comme dans les plâtres de Samarra.

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Les feuilles qui remplissent les intervalles entre les fleurons d'axes sont de formes assez variées la palme à deux lobes inégaux est d'un emploi courant, notamment à la Qal'a des Benî Hammâd; la palme à trois lobes n'est guère moins employée. Nous l'avons déjà vue figurer au haut des hampes des lettres coufiques. Enfin on rencontre également le fleuron à cinq lobes dont la pointe est tordue, ce qui en détruit la symétrie (Fig. 95, 10-14).

Bien des documents nous manquent pour établir les origines de ce décor végétal et expliquer la genèse de ses formes. Il ne nous appartient pas d'ailleurs de l'entreprendre à propos de cet art fâtimite et çanhâjien. Presque tous les éléments, en effet, figurent déjà dans des édifices étrangers à la Berbérie; la flore de Kairouan et de la Qal'a est déjà celle des mosquées fàtimites du Caire, la Mosquée El-Azhar (978) et la Mosquée d'El-Hâkim (1013). Il semble bien que la Berbérie ait emprunté la plupart de ses formules décoratives à l'Egypte qui elle-même les devait à la Mésopotamie.

Pour compléter cette étude de l'élément végétal,' je dirai quelques mots des beaux décors des plafonds çanhâjiens que garde la Mosquée de Kairouan (fig. 96). Cette flore peinte est assez différente de la flore sculptée. Les rinceaux existent; il en est même d'une très fière tournure. Ils sont cependant moins fréquents que les tresses, si l'on peut désigner ainsi l'entrelacement de lignes ondulées symétriques se croisant suivant l'axe. Là encore, aucun souci de la nature la palme engendre la tige, qui porte une autre palme. Cette palme se compose le plus souvent d'une sorte de lanière très longue qui va en se rétrécissant et dont un ou deux lobes arrondis marquent la naissance. Parfois elle s'appuie sur un large crochet et rappelle l'aile des couronnes sassanites. L'axe est souvent occupé par un fleuron, sorte de bouquet ovoïde formé de pétales pointus imbriqués ou superposés. Il est facile d'en reconnaître les prototypes mésopotamiens. Mais on peut se demander, ici encore, si cette influence

s'est exercée directement ou si la transmission s'en est faite par l'intermédiaire de l'Egypte. Les peintres et les céramistes égyptiens n'ont pas ignoré ces motifs asiatiques 1.

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1 Voir le manuscrit grec à ornements musulmans de 1090 étudié par S. Flury, ap. Der Islam, 1916, pp. 155, ss.

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La faune. Le décor humain. Si cet art nous était mieux connu, il faudrait sans doute réserver, dans le décor, une place à la faune à côté de la flore. On sait le rôle des animaux dans les objets d'art industriel créés, en Egypte à l'époque des Fâtimides, et l'on connaft, au moins par des descriptions les peintures à personnages de leurs palais du Caire. Nous ne doutons pas qu'il en ait figuré dans leurs, fondations de. Berbérie et dans celles des princes çanhâjiens. On a trouvé dans les ruines de Cabra trois fragments de bas-reliefs de plâtre représentant des oiseaux. Une sorte de perroquet tient dans son bec un fruit ovale,

Fig. 97. Çabra. Frag ment de plâtre à décor animal.

peut-être une olive. Un autre fragment de même provenance porte un griffon modelé dans la terre cuite et émaillé de vert.

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1 Voir fig. 94 B une curieuse stylisation de deux oiseaux s'abreuvant dans un calice. Ce décor est emprunté à une bague de colonne çanhâjienne, remployée à la zaouia de Sidi 'Abid el-Gariâni, à Kairouan.

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A la Qal'a des Beni Hammâd aucune pièce d'architecture sculptée ne porte d'êtres animés; mais l'on possède une stèle de marbre décorée d'un lion sur une de ses faces. Les animaux se trouvent fréquemment dans la céramique hammâdite. On voit notamment une chimère peinte sur une petite plaque de revêtement. Les représentations humaines elles-mêmes ne sont pas exclues du répertoire décoratif des faïenciers. Enfin le Musée du Bardo conserve un bas-relief trouvé à Mahdîya et qui montre un roi écoutant une musicienne (Fig. 98).

La nature de cette scène, le costume des personnages, la forme de la couronne du prince avec ses fleurons triangulaires et ses incrustations de plomb qui maintenaient sans doute des pierres de couleur, tout révêle l'influence mésopotamienne. Il se peut

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au reste que cette sculpture soit importée d'Orient, mais je considère comme très admissible qu'elle ait été exécutée en Ifrîqya.

L'élément géométrique.

L'élément géométrique n'occupe. on s'en souvient, qu'une place restreinte dans l'art aghlabite. Nous ne l'avons trouvé nettement exprimé que dans le décor de bois, accessoirement dans quelques frises ou quelques bordures de pierre. Nous avons vu qu'il y conservait des formes très byzantines d'entrelacs dérivant du carré ou du cercle. Il semble que ce soit à l'époque fâtimite que cet élément prend la tour

1 Voir la stèle dans mon Album de pierre et plâtre sculptés. pl. III ter, B, la plaque de revêtement dans mes Poteries et faïences de la Qal'a, pl. XVII, C et toute cette planche.

nure si caractéristique qu'il affecte dans l'arabesque. L'Egypte paraît avoir assumé un rôle important dans cette élaboration. Je n'ai pas ici à examiner cette question délicate. Toutefois je rappellerai ce que Van Berchem a déjà montré que dans les beaux mihrâbs en bois de Sitta Roqaïya et de Sitta Nefissa, œuvres égyptiennes du XII° siècle, l'entrelacs géométrique est vraisemblablement l'aboutissement d'une longue période de recherche, que nous devinons sans la bien connaître, mais que les sculptures en pierre des minarets d'El-Hâkim suffiraient à nous révéler 2.

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des incrustations de mar-
bre et des sculptures

byzantines. L'oeuvre, que Blanchet plaçait avec quelque vraisemblance aux siècle, présente en certaines parties une analogie évidente avec les portes çanhâjiennes de la bibliothèque, annexe de la Grande Mosquée de Kairouan. Dans ces portes du x1° siècle, au décor foisonnant mais clairement distribué, on voit des pan

1 Van Berchem, Notes d'archéologie, p. 126.

2 Cf. Flury, Die Ornamente der Hakim Moschee, pl. XXIX, XXX, XXXI. 3 P. Blanchel, La porte de Sidi Oqba (Publication de l'association historique pour l'étude de l'Afrique du Nord, II, Paris, 1900). Voir aussi mon Album de pierre, plâtre et bois sculptés, pl. III.

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