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en hauteur pour dessiner un arc à feston recti-curviligne. Nous suivrons dans l'art maghrebin la propagation de ce motif, qui représente un premier emploi des formes d'architecture dans l'arabesque.

Outre les prolongements donnés aux lettres, et les entrelacs qu'ils engendrent, le moyen le plus habituel pour garnir la zone supérieure des bandeaux à inscriptions est l'emploi de motifs végétaux remplissant les vides, soit détachés, soit ordonnés en rinceaux continus. Le bandeau de la maqçoûra d'El-Mo'izz offre de ce procédé un merveilleux exemple. Le décor végétal foisonnant est traité de manière à former un arrière-plan, un fond gris de valeur égale, sur lequel les caractères plus larges se détachent avec une parfaite netteté. Par les fleurons qui terminent les lettres, par les rinceaux qui les prolongent ou qui courent au-dessous, le décor épigraphique se relie étroitement à l'arabesque florale.

Avant d'aborder l'étude de ce second groupe d'éléments, il nous reste à voir comment le décor épigraphique des x et x1° siècles se modifie au XII. Cette évolution, que l'on peut étudier à Bougie (époque des Benî Hammâd) et à Tunis (époque des Beni Khorâssân), a toute l'allure d'une décadence. Les fleurons terminaux des hampes disparaissent, et l'on ne trouve plus guère que le biseau primitif 1. Les enchevêtrements de lettres voisines se compliquent et rendent le texte de moins en moins déchiffrable. La forme des lettres s'abâtardit. Elles prennent la tournure des caractères cursifs. Enfin l'écriture cursive se substitue à l'écriture coufique, notamment dans les stèles funéraires.

Cette substitution s'effectue également en Egypte. Van Berchem l'a signalée 2. Il la considère comme une manifestation du changement profond qui accompagna le triomphe de Saladin l'Aïyoûbide sur l'hérésie fâtimite. Il la place à la fin du xu siècle et dans la première moitié du x. Les épitaphes de Tunis (l'une datant de 493/1099) et de Bougie, et d'autre part l'inscription dédicatoire de la Grande Mosquée de Tlemcen, qui est

1 Je dois la communication de l'inscription de Malte reproduite ci-contre à l'obligeance de M. T. Zammit.

2 Van Berchem, Inscriptions arabes de Syrie, pp. 34-42. Notes d'Archéologie musulmane, tir. à part du J. Asiatique, 1892, pp. 118-119; Journal des Savants, 1906, p. 424. A Amida, on la trouve à la veille de la conquête de Saladin. (Id. Amida, p. 74).

de 1135, autoriseraient à penser que, sur ce point, la Berbérie a précédé l'Egypte d'au moins un demi-siècle.

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Fig. 94.

Décor floral.

- A, B, D, F, G, H, J, K, M, Kairouan. Stèles et bagues de colonnes; I, Mahdiya, zaouïa des Aïssaoua; C, E, L, N, Qal'a des Beni Hammad. (E, fragment du panneau surmontant la porte du minaret).

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L'élément floral.

La préoccupation d'enrichir les panneaux, de garnir les parties normalement vides, de restreindre les champs en les divisant, n'apparaît pas moins dans l'ornementation florale que dans les inscriptions.

Le rapport entre les vides et les pleins pourrait d'ailleurs servir de base à une classification générale des décors musulmans. Dans le style que nous étudions, elle s'impose. Le décor floral est généralement très fourni; il est des panneaux de pierre sculptée où le fond occupe un espace appréciable, il en est d'autres où il disparaît complètement. Le décorateur doit s'ingénier à trouver des formes qui s'emboîtent les unes dans les autres et qui laissent entre elles un minimum de vides. Ce genre, qui triomphe à Samarra et de là est passé dans l'Egypte toû loûnite, semble ici surtout réservé à la sculpture sur bois. Comme dans toutes ces arabesques florales, il convient d'ailleurs de distinguer d'une part l'élément propre de l'entrelacs, le filet de largeur constante qui représente la tige, et d'autre part, la palme, élément végétal proprement dit.

La tige. La tige est souvent refendue par une ou deux rainures. La palme est de même meublée par un défoncement longitudinal, une fente en boutonnière. Nous avons déjà rencontré ce genre de modelé dans le décor sculpté du 1x siècle.

Quant aux figures engendrées par la tige, elles diffèrent assez sensiblement de celles des ornements végétaux aghlabites. Nous ne trouvons plus ici de feuilles isolées implantées parallèlement sur le cadre. D'une manière générale l'épure constructive est beaucoup plus savante. Dans les bordures figurent sans doute le rinceau à ligne ondulée ou brisée, mais aussi le double ou triple rinceau tressé. Plus fréquents que ces décors d'ordonnance longitudinale et continue, sont les décors symétriques à axes transversaux, le plus simple étant formé d'S couchés ou d's redressés se juxtaposant par leurs enroulements. Il en est de très compliqués, mais, dans la plupart, on note que les axes, de part et d'autre desquels l'entrelacs se répète symétriquement, sont très rapprochés et que le motif est en somme fort réduit. Semblable remarque peut se faire dans les décors fâtimites égyptiens dont la largeur est déterminée par la largeur égale des pierres et où les axes coïncident avec les joints de l'appareil 1.

1 Cf. notamment Flury, Die Ornamente der Hakim-und Azhar-Moschée, Pl. XX.

L'ornement aghlabite nous avait présenté une flore singulièrement déformée et ne copiant que de loin la nature. Elle pourrait presque sembler naturaliste à côté de celle-ci. Rien ne rappelle ici la logique des formes végétales: fréquemment la tige porte une palme qui s'amincit pour engendrer une nouvelle tige; une tige principale porte des feuilles à ses deux extrémités; les rameaux adaptés à la tige en suivent le mouvement ou le contrarient indifféremment ; la palme se fend pour laisser passer un rameau qui pousse au travers; deux rameaux s'accolent ou s'anastomosent en sorte que souvent le motif entier a pour support un filet principal dont il est impossible de déterminer le point de départ.

Cette méconnaissance systématique de la nature est un caractère nouveau de l'entrelacs végétal, qui différencie le décor fâtimite et çanhâjien du décor aghlabite issu de la sculpture chrétienne. Il en est naturellement de même des formes larges qui s'adaptent au filet de l'entrelacs, je veux dire des feuilles portées par la tige.

Le fleuron et la palme. Pour la commodité de l'étude, il conviendrait de distinguer les fleurons ou palmettes occupant le plus souvent les axes et qui sont généralement symétriques, des feuilles ou palmes, qui trouvent place entre les fleurons et pour lesquelles la symétrie ne s'impose pas. On notera, pour les éléments symétriques, la fréquence de la forme bulbeuse ou lancéolée, terminée, au sommet, par une pointe, à la base, par deux enroulements. A la fois aboutissement et point de départ, cette forme couronne fréquemment deux tiges qui s'accouplent et elle engendre deux nouvelles tiges. Elle détermine le mouvement initial de l'arabesque. Parfois encore elle circonscrit des surfaces en relief, que meublent de petits ornements faiblement défoncés (fig. 94, E).

Le doute est permis quant à l'origine de la forme bulbeuse. Il semble inutile d'aller la chercher dans les frises peintes de l'art égyptien ou dans les antefixes à palmette de l'art grec; mais on ne peut se dispenser de signaler l'analogie que présentent ces palmes musulmanes du XIe siècle et les feuilles de

-Exceptionnellement on trouverait des arabesques asymétriques et sans rythme où ne se marque qu'un certain équilibre des masses et dont les involutions se développent librement dans les limites du cadre à remplir.

vigne du Ix siècle avec leur sommet pointu et leurs deux enrou

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Fig. 95. Etude des palmes et fleurons. 1, 4, 6, 7, 10, 12, Kairouan, décor sculpté sur marbre; 11, décor peint sur bois; 2, 3, 8, Qal'a des Beni Hammåd, décor sculpté sur plâtre; 5, décor sculpté sur pierre; 9, décor peint sur plâtre.

lements inférieurs. Le souvenir plus ou moins conscient de la vigne, qui tient une si grande place dans l'ornement de l'âge

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