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obscure s'ouvrant au pied de la tour. Il nous parle de « six portes à la file couvertes de lames de fer... Les portes n'étaient pas plates, mais courbées au dehors et elles avaient toutes leurs herses de fer, munies de leurs glissières, qui tombaient du haut de la tour (?) » Il n'y a plus trace de ces glissières.

Les auteurs musulmans nous ont transmis divers récits sur la fabrication des battants des portes de Mahdiya, dont chacun pesait, dit-on, 100 quintaux 1. Ceux qui se trouvaient à l'entrée. étaient tout en fer, formés de trois épaisseurs de plaques reliées entre elles par de gros clous rivés au feu 2. Pour en rendre le maniement moins pénible, on fit porter les gonds par des crapaudines de verre, si bien qu'un seul homme pouvait les fermer. Des lions de bronze modelés en relief se regardant l'un l'autre ornaient symétriquement les battants. Cette représentation d'animaux affrontés ne surprend pas trop dans un édifice fâtimite.

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Le port et l'arsenal de Mahdiya. Le long de la côte de la presqu'île se trouvait le port de Mahdîya. C'est un bassin rectangulaire creusé de main d'homme dans le roc et qui mesure environ 126 m. sur 57. Il communiquait avec la mer par une passe d'une quinzaine de mètres de largeur. On s'accorde généralement pour y voir un cothon (port artificiel) phénicien. Il n'est pas douteux, du moins, qu'il fut utilisé par les Fâtimides et protégé par le rempart de la ville. Celui-ci était sérieusement renforcé sur ce point et épaulé extérieurement par des contreforts que reliaient peut-être des arcs. On disait le port assez spacieux pour contenir 30 bâtiments. Deux tours s'élevaient à l'entrée; les vestiges en sont encore visibles. Sept colonnes antiques noyées dans la maçonnerie émergent de la base de ces tours, y formant une sorte de lit de fûts de marbre. Une voûte les réunissait, sous laquelle passaient les navires. Des fragments en subsistent, écroulés dans la passe. On la voit représentée sur un plan de 1554 3. Les deux tours, très larges, sont surmontées d'un second étage de proportions plus réduites. Ce

1 Elles avaient 30 empans de hauteur. » Bekri, tr. 66. Ce qui donnerait à l'empan 0.15 cm. La porte a environ 4 m. 50. Si l'empan a 0 m. 20, il faut supposer que la lucarne est supprimée.

2 « Chaque clou pesait 6 livres. » Bekri, 1. c.

3 Reproduit par de Smet. Mahdia, p. 55.

type de tour à deux étages rappelle les minarets maghribins et le phare d'Alexandrie. El-Bekrî nous indique comment on fermait le port au moyen d'une chaîne tendue entre les deux tours: « Quand on veut laisser entrer un navire, nous dit-il, les gardes de tours lâchent un bout de la chaîne, ensuite ils la rétablissent dans son état ordinaire. Par cette précaution, on se garantit contre les tentatives hostiles des Roûm (Chrétiens

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Fig. 65.

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Mahdiya. L'entrée du port. On voit, dans le chenal, un fragment de la voûte effondrée, et, en face, sur l'autre bord, la rangée de colonnes émergeant de la maçonnerie.

1

d'Europe) ». Enfin il n'est pas impossible de reconnaître, dans une excavation de la côte située un peu plus loin vers la pointe de la presqu'île, le Dâr eç-cînâ'a 2, l'arsenal maritime, qui était aussi protégé par l'enceinte de la ville « en sorte qu'une galère chargée de ses combattants pouvait y pénétrer sans que de terre on pût l'en empêcher ».

3

1 Bekri, tr. de Slane, p. 67.

2 Cette identification m'a été suggérée par M. Hassen Abd el-Wahab.

3 Merrâkechi, Hist. des Almohades, tr. Fagnan, p. 196.

Fortifications des villes çanhâjiennes. Les villes çanhâjiennes que nous connaissons furent des villes fortifiées : Achîr, la Qal'a des Beni Hammâd, Bougie, toutes présentent des caractères communs. La situation de toutes trois est de même genre. Placées sur un terrain incliné, un plateau en pente bordé par des ravins, dont elles couronnent exactement le rebord, elles sont adossées à une hauteur très considérable sur laquelle elles envoient un prolongement, afin d'être reliées à un poste d'observation dominant le pays d'alentour. Le rempart, suivant les corniches et les crêtes, n'est pas précédé d'avant-mur; il est flanqué de rares bastions. A Bougie cependant, on voit, sur la face orientale, des saillants barlongs de 2 m. 50 de saillie sur 4 m. de large distants l'un de l'autre d'environ 25 mètres. En plusieurs endroits de la même enceinte, on reconnaît l'existence d'un chemin de ronde.

Le mur est de dimensions variables d'une ville à l'autre et d'un point à l'autre de la même ville. A Achîr il est d'environ 2 m., à la Qal'a il varie de 1 m. 20 à 1 m. 60, à Bougie on relève des dimensions allant de 1 m. 70 à 2 m. 5o. La courtine est constamment faite de lits de moellons régularisés par des matériaux plus petits. A Bougie on a fait aussi usage d'arases de briques.

En somme il n'est pas impossible de dégager de l'examen de ces enceintes une formule çanhâjienne, qui, au moins pour l'appareil, se rapproche de la formule de Mahdiya. Elle est assez différente de la formule aghlabite de Sousse et de Sfax et s'éloigne de la tradition byzantine. On ne voit pas que se marque en aucune manière la personnalité de l'esclave chrétien Bouniache, qui, au dire du chroniqueur Ibn Hammâd, avait bâti et fortifié la Qal'a 1.

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Aucun plan de

Bab el-Bahr (Porte Sarrazine) de Bougie. porte ne peut être relevé à Achir. La Qal'a possède les vestiges d'une porte coudée, Bâb el-Aqouâs (la porte des Arcs). A Bougie Bab el-Bahr, qui donnait entrée aux bateaux dans le port, a encore grand air.

A l'extérieur, du côté de la mer, elle se présente comme une grande arcade brisée reposant sur deux pieds droits assez courts,

1 J. As., 1852, II, 491.

parce que en partie enterrés par les atterrissements. L'arc est en briques et appareillé par lits horizontaux jusqu'à une certaine hauteur, par lits rayonnants au-dessus. Cet arc repose en encorbellement sur les pieds droits par l'intermédiaire de deux pierres

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moulurées de taille antique. Deux saillants rectangulaires flanquent cette ouverture. A l'intérieur un berceau brisé également en brique s'accole au mur de la façade bien au-dessus du cintre de la porte. Le chemin de ronde, s'élevant de la courtine, passait au-dessus de l'extrados de la voûte.

Malgré l'emploi de la brique, qui ne paraît pas habituel aux

constructeurs de la Qal'a, il semble qu'on doive attribuer cette porte à l'époque brillante où les Hammâdides étaient maîtres de Bougie et où ils pourvurent la ville de fortifications très importantes. L'appareil de moellons qui s'intercale entre les briques et l'emploi de l'arc brisé non outrepassé, que nous trouvons à Mahdîya comme à la Qal'a et que nous retrouverons en Sicile, autorisent cette datation.

Une tour flanquante du même front, où les murs sont pareillement construits en moellons, les arcs et les voûtes en briques, est vraisemblablement de même époque 1.

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Travaux d'adduction et de distribution des eaux. des Benî Hammâd.

Pont à la Qal'a

Nous

Travaux d'adduction et de distribution des eaux. avons pu constater qu'à part Mançoûriya, les villes construites du x au milieu du x1° siècle sont des places fortes. Il importait avant tout d'amener l'eau dans l'intérieur des murs pour assurer le ravitaillement de la garnison et des habitants pendant les sièges. Ç'avait été une des préoccupations du Mahdî fatimide fondateur de Mahdiya. « Mahdîya, dit El-Bekrî, renferme 360 grandes citernes. » Il se peut que certaines d'entre elles fussent de création phénicienne ou carthaginoise; mais El-Bekri attribue formellement au Mahdi l'adduction d'eau captée à une certaine distance. Outre les citernes que remplissaient sans doute les pluies, des eaux arrivaient par des conduits et étaient distribuées dans la ville. « Ce fut [le Mahdî] 'Obaïd Allah qui les fit venir d'un village des environs nommé Miyânech. Elles coulent dans des tuyaux et vont remplir une citerne auprès de la Grande Mosquée, d'où on les fait remonter jusqu'au palais par le moyen de roues à chapelets. Dans le voisinage de

1 J'ai décrit le donjon du Manår de la Qal'a. Malgré sa destination évidemment défensive, malgré sa rampe interrompue en un point pour arrêter l'assiégeant, malgré la chambre de tir qui commande le ravin, il semble qu'il soit plus intéressant comme palais que comme ouvrage militaire; et je me contenterai de le mentionner ici pour mémoire.

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