Images de page
PDF
ePub

Ses façades étaient, de même que celle du Manâr, garnies de contreforts et de cannelures répartis sur les saillants et les rentrants régulièrement alternés. Ajoutons que ce décor figure aussi à l'intérieur du même édifice, en bordure de l'une des cours 1. Le grand axe du palais est orienté de l'Est à l'Ouest. Une entrée monumentale s'ouvre sur la façade Est; elle était (peutêtre à la suite de remaniements qui en modifièrent le plan primitif) coudée ainsi que les portes de maintes demeures et de maintes villes musulmanes. Viennent ensuite des salles rectangulaires, qui, interposées entre le dehors et l'intérieur de l'édifice, étaient sans doute affectées à la justice, à l'administration, à la garde du palais. De là, on pénétrait dans une vaste cour entourée de portiques. Elle était entièrement occupée par un bassin qu'alimentaient des canalisations placées au Nord, au fond de niches décoratives. C'était le Lac qui donnait son nom au palais. « Au centre du Dâr el-Bahr, dit l'auteur de l'Istibçâr, était un vaste bassin où se donnaient des joutes nautiques. La quantité d'eau nécessaire pour le remplir était amenée de fort loin. » Un corps de bâtiment très important limite cette cour à l'Ouest. Il comprenait trois salles principales sans doute couvertes en coupoles et qui pouvaient servir aux réceptions officielles. Deux d'entre elles, de grandeur médiocre, communiquent directement avec la grande cour. La troisième, celle du centre, est beaucoup plus vaste. Elle mesure près de 19 mètres sur 15. J'y verrais volontiers la salle du trône. Elle est flanquée de deux pièces allongées ornées de défoncements rectangulaires et de colonnettes (S du plan).

Une porte coudée permet de passer de la salle centrale dans une seconde cour Ouest. Cette cour était de dimensions plus réduites que la première et dépourvue de portiques; des couloirs la bordaient au Nord et au Sud, mais ne communiquaient pas avec elle. L'intention semble évidente de dissimuler les gens qui circulent dans le corridor à ceux qui se promènent dans la cour et réciproquement.

Sur la face Ouest s'ouvrait une série de petites chambres dont il est assez difficile de déterminer l'usage. Des jarres de terre

1 Sur le plan, il faut restituer les canelures sur la face Sud, sur une partie de la face Est et peut-être sur la face Ouest. Dans ces parties de l'enceinte, il ne subsistait que le soubassement, qui a été figuré.

[subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][graphic]
[blocks in formation]

Qal'a des Beni Hammåd.

[ocr errors]

Plan du Dâr el-Bahr.

E, entrée ; S, grande salle B, bains; M, magasins (?); N, niches.

noyées dans un massif de maçonnerie à l'un des angles de ces salles devaient contenir une provision d'eau (M du plan).

Enfin des salles encore plus exiguës, disposées au Nord du bâtiment central, étaient édifiées sur des hypocaustes, munies de tuyaux et de dallages en brique. C'étaient des bains, annexe indispensable des grandes habitations musulmanes (B du plan).

Un mur d'enceinte, composé d'un noyau de pisé entre deux parements de pierre, reliait le Dâr el-Bahr aux deux systèmes de construction qui se superposent le long de la pente, vers le Nord. Le premier, orienté Sud-Est-Nord-Ouest, comprenait trois cours, dont le sous-sol était perforé de longs réservoirs parallèles. Une grande citerne circulaire, située un peu plus bas, réunissait les eaux descendues de la montagne qui s'étaient décantées dans les réservoirs.

Au-dessus du bâtiment aux citernes s'étendait, suivant une orientation Sud-Sud-Ouest-Nord-Nord-Est, un troisième groupe d'édifices. Une tradition le désigne comme la demeure particulière du sultan. Peut-être convient-il plutôt d'y voir un palais d'âge antérieur ou postérieur au Dâr el-Bahr, mais ayant répondu aux mêmes besoins. Ici, comme au Dâr el-Bahr, mais sur une échelle beaucoup plus réduite, deux cours étaient entourées de constructions de grandeurs variables. Les salles sont des rectangles très allongés. Les pièces d'apparat sont munies de vestibules ou d'antisalles et ont des portes en enfilade. Les pièces d'usage privé ont des entrées coudées ou détournées en sorte qu'à une ouverture s'oppose un mur plein.

Les fouilles n'ont pas permis de reconnaître l'entrée de six salles parallèles où abondaient les débris de poteries grossières et de lampes. Il est possible qu'on se trouve là en présence de magasins 1.

Une tour située à l'extrémité supérieure de l'enceinte, au pied des escarpements du Tagarboûst, dominait la perspective à la fois grandiose et pittoresque de ces palais, avec leurs coupoles et leurs toits de tuiles, des jardins qui les parsemaient et de la ville tout entière.

On n'a pas assez dit, semble-t-il, que l'Algérie possède, avec le Dar el-Bahr de la Qal'a et ses annexes, un des seuls plans complets de palais musulmans, un des mieux datés et l'un des

1 Voir t. II, la description des magasins dans les qaçba marocaines du XVII siècle.

moins remaniés que l'on ait étudié jusqu'à ce jour. Chronologiquement, il se place entre les palais de Samarra et l'Alhambra de Grenade. Assez différent de l'un et de l'autre, il s'en rapproche cependant par plusieurs traits. Comme eux il comportait un assemblage de constructions et de jardins; les parterres d'eau jouaient de même un rôle dans ces différentes résidences princières. Dans les uns et les autres, on reconnaît des pièces d'apparat plus vastes et plus largement ouvertes, et des habitations privées plus exiguës et

[graphic]

plus écartées. Le Dâr el-Bahr comme l'Alhambra est pourvu de bains à l'usage des maîtres du lieu.

Les formes constructives. Les avant-corps. - Les niches. -- Un des caractères les plus nets de cette architecture hammâdite est le rôle qu'y jouent les décrochements dans les deux sens avant-corps et retraits.

Nous avons vu que deux des façades du Manâr étaient ornées au centre d'un avantcorps; l'enceinte du Dâr elBahr était en partie jalonnée par des avant-corps alternant avec des parties rentrantes.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Saladin a rapproché ces avant-corps hammâdites de ceux dir palais de Warka, en Mésopotamie 2, et il semble bien, en effet, que ce parti soit d'origine mésopotamienne. Il en est de même des longues niches qui défoncent les avant-corps et les rentrants des façades. Etablies au-dessus d'un soubassement, ces niches semi-circulaires, d'environ un mètre de diamètre, étaient séparées par des pieds droits qui portaient peut-être, à

1 J'indiquerai aussi infra, p. 247, un rapprochement possible avec une partie exhumée du palais omeiyade de Medinat ez-Zahrå.

2 Saladin, Deuxième note sur les monuments arabes de la Kalaa des Beni Hammad, ap. Bulletin archéologique, 1905, p. 189.

leur sommet, une voussure concentrique à l'arc de la demicoupole.

Les niches cylindriques figuraient-elles dans les intérieurs ?

Un des bâtiments donnant sur une cour est précédé d'un porche dont les côtés étaient ornés de deux défoncements circulaires (fig. 62). Saladin l'a rapproché du porche de Fig. 62. Qal'a des Beni Hammád. Porche orné de niches. Mahdiya, avec lequel cette entrée hammâdite pouvait, en effet, pré

senter quelque analogie. Mais ce que l'on trouve surtout, à l'inté-rieur des salles, ce sont les niches à fond plat, thème fécond, et dont il est intéressant de suivre le développement. Parfois un seul

[graphic][subsumed][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

défoncement couvert en berceau se creuse au milieu du mur opposé à l'entrée (fig. 63, A), là ou nous le retrouvons dans les intérieurs modernes. Parfois deux autres défoncements sem

« PrécédentContinuer »