Images de page
PDF
ePub

du qâdî 'Ali ben Sâlem el-Jibinyànì, vers 235 de l'hégire (849 J. C.). Détruite en grande partie au cours des guerres civiles, elle dut être reconstruite à la fin du x° siècle. Plusieurs inscriptions de cette époque figurent dans la belle façade orientale. L'une a subi un martelage, qui a dû faire disparaître les formules. fâtimites, mais a laissé intacte la date de 370 (981 J. C.). On y retravailla durant l'époque turque. En 1171 (1757 J. C.) notamment, on aurait déplacé le mihrâb. Tout ce qu'on nous en dit et la difficulté qu'il y a à en étudier l'intérieur nous laissent dans une complète incertitude. Les inscriptions de la façade et le caractère très particulier du minaret, que j'étudierai plus loin, attestent que le début de l'époque çanhâjienne y est encore assez largement représenté. Ce qu'on peut connaître des nefs ne dément pas cette conclusion.

1

Ces nefs sont au nombre de huit ou neuf. Les colonnes, dont une rangée au moins à l'Ouest de la nef centrale actuelle se présente en groupe de trois, sont surmontées de sommiers et d'impostes à corniches. Des tirants s'implantent au haut des impostes; parfois les sommiers font défaut. Les arcs sont en fer à cheval plein cintre ou déformé. Des voûtes d'arêtes, que surmontent des terrasses couvrent les nefs comme à Monastir. Le mihrâb, qui, d'après les chroniqueurs, aurait d'ailleurs été déplacé, n'est précédé par aucune coupole.

La Mosquée de la Qal'a des Bent Hammâd. La Mosquée de la Qal'a des Benî Hammâd, aujourd'hui complètement ruinée, se signale encore par un minaret de 25 mètres. Paul Blanchet et le général de Beylié l'ont fouillée, ce qui a permis d'en établir le plan 2. Elle couvre un rectangle de 64 m. de long sur 56 m. de large. La salle de prières compte 13 nefs et 8 travées. Les colonnes qui les divisaient ont presque toutes disparu; des contreforts peu saillants épaulaient l'enceinte. Les murs latéraux étaient percés de cinq portes assez irrégulièrement distribuées. Deux portes s'ouvrent dans le mur de la qibla. Une

1 Je l'ai examinée à travers les fenêtres et j'en ai étudié les terrasses du haut d'une maison voisine. Je dois aussi à M. L. Poinssot la communication de photographies prises à l'intérieur.

2 Cf. Blanchet, Nouvelles archives des Missions, t. XVII, pp. 3, ss.; de Beylié, La Kalaa des Bent Hammad, pp. 77, ss.

enceinte rectangulaire large de cinq nefs et de quatre travées enveloppe le mihrab. Elle devait porter la clôture de bois d'une maqçoùra. Les deux nefs qui bordent cette enceinte et la nef médiane sont plus larges que les autres. Un mur séparait la salle de la cour. Cette cour, assez étroite, était bordée sur les quatre faces par des portiques sur colonnes. Une vaste citerne Voûtée existait sous son sol. A l'angle Nord-Ouest se trouvent deux réduits communiquant entre eux; on peut y reconnaître une mîdhâ, placée comme celle de la Grande Mosquée de Kairouan. Comme à Kairouan, le minaret est adossé intérieurement au mur d'enceinte opposé à la qibla et dans l'axe du monument. J'ai dit que ce minaret avait encore 25 m. de haut, bien que le crénelage de sa plate-forme et l'édicule terminal aient disparu. L'escalier est couvert de berceaux rampants. Seule la face Sud, donnant sur la cour, est décorée. Je m'occuperai plus loin de ce décor, qui porte la marque d'une influence mésopotamienne évidente.

Les travaux à la Grande Mosquée de Kairouan. Les mosquées que les Fàtimides et les Canhàjiens durent élever à CabraMançoûriya ne nous sont pas parvenues. Il est certain pourtant que les Zîrîdes dotèrent leur résidence d'édifices religieux; mais ce n'est pas, sauf imprévu, dans les tumuli de Cabra qu'on en trouvera les traces; c'est plutôt à Kairouan et dans la Grande Mosquée elle-même. On y remarque un certain nombre de colonnes et de chapiteaux qui sont de fabrication çanhâjienne, et dont l'âge et la destination pieuse sont attestés par des inscriptions. I paraît d'ailleurs douteux qu'elles aient été incorporées à la mosquée au x1° siècle. Je crois plutôt qu'elles y ont été apportées de Cabra ruinée et déserte, au cours des travaux qui y furent exécutés au XIII ou au XIV° siècle.

Si les princes Zirides ne retouchèrent pas les supports des nefs et des galeries, ils travaillèrent cependant à l'embellissement. du vieux temple. El-Mo'izz (1016-1062) le dota des admirables boiseries de la maqçoûra et de la petite salle qui s'ouvre dans le mur de la qibla. Ce n'est pas tout à l'époque çanhâjienne, on travailla aux portes et aux tympans qui ferment la salle de prières et l'on renouvela la majeure partie, sinon la totalité des plafonds de la Grande Mosquée. J'examinerai par la suite ces beaux spécimens de peinture décorative musulmane.

[ocr errors]

La Grande Mosquée de Bougie. Rien, sauf erreur, ne subsiste de la Grande Mosquée dont les Beni Hammâd dotèrent Bougie, leur seconde capitale. Un manuscrit anonyme et sans date, dont le général de Beylié a eu communication, nous en fournit une description assez copieuse. Elle aurait été fondée par l'émir El-Mançoùr, qui posa en 494 (1100 J. C.) la première pierre du mihrab et y fit transporter deux précieuses colonnes rouges enlevées aux ruines d'une église. D'après l'auteur, la salle de prières comptait 14 nefs que bordaient des colonnes. Le nombre pair est difficilement admissible. La nef médiane portait, à son extrémité Nord, une coupole dite Qoubbat Bâb el-Bahoù, tout comme les mosquées aghlabites de Kairouan et de Tunis. Cette coupole était ornée de 32 colonnes de marbre, qu'on avait envoyées de Gênes avec onze artisans experts demandés par El-Mançoûr pour l'achèvement de son œuvre. Trente-deux : c'est tout juste le nombre des colonnes qu'El-Bekrî attribue à la coupole de Bâb el-Bahoù de Kairouan.

Le monument entier aurait couvert une aire de 150 coudées de large sur 222 coudées de long. Ce sont, sans y rien changer, les dimensions données à la mosquée de Sîdi 'Oqba par El-Bekrî ; et ce parallélisme ne laisse pas de nous paraître suspect. Sous le pavé de la cour s'étendait une énorme citerne, comme à Kairouan; et, comme à Kairouan encore, un puits était creusé non loin du minaret. Ce minaret, qui aurait eu exactement la largeur du minaret de Kairouan 25 coudées mais l'aurait dépassé juste de 10 coudées en hauteur, était muni de deux portes; l'une au Sud, l'autre à l'Est. Ces portes en étaient exactement, comme celles du minaret de Kairouan, pourvues de montants et de linteaux sculptés. Le mihrâb aussi était sculpté dans le marbre blanc et un bandeau à inscription régnait à mi-hauteur ; ce qui nous rappellerait plutôt le mihrâb de Monastir.

Douze portes permettaient d'accéder à la mosquée. Une petite entrée s'ouvrant près de la chaire, comme à Kairouan, donnait passage à l'imâm. A la mosquée était accolés une bibliothèque et un oratoire pour la prière des femmes.

Si le chroniqueur est véridique, s'il n'a pas voulu nous donner une idée trop avantageuse de la mosquée des Hammâdides, en démarquant ingénuement une description de la plus grande

1 De Beylié, La Kalaa, pp. 102-104. Cf. El-'Abderi, J. As, 1854, II, p. 158.

mosquée d'Ifriqya, ce qui paraît bien être, nous ne pouvons que considérer le sanctuaire de Bougie comme une réplique attardée de la fondation aghlabite.

[blocks in formation]

(Qaçr el-Manâr).

[blocks in formation]
[ocr errors]
[ocr errors]

Le palais du Fanal Les formes constructives : les

avant-corps. Les niches. Les coupoles. Les trompes et les autres encorbellements. Palais de Bougie et autres palais du même temps.

Les palais fâtimites de Mahdiya.

Quand le Mahdi fâtimide prit possession de l'Ifrîqya, il s'installa dans le palais de Raqqâda, que le dernier des Aghlabides avait quitté quelques mois auparavant. Six ans après (303/915), il commençait à construire Mahdiya. Mahdîya fut surtout un retranchement, et nous rechercherons ce que l'on peut savoir de ses ouvrages militaires ; mais elle fut aussi pourvue des organes nécessaires à la vie d'une grande ville, centre administratif, résidence de souverain. Bien que la plupart des soûqs ne se trouvassent pas dans Mahdîya même, mais dans le faubourg de Zawila, qui s'étendait hors de la presqu'île, la ville avait aussi ses marchés « construits en pierre de taille1». Auprès de la mosquée, sur le terrain remblayé, s'élevait la Cour des Comptes « Dâr el-mohâsabât», dont on peut encore déterminer l'emplacement avec quelque vraisemblance. Enfin le Mahdi et son fils Aboû 'l-Qasim y avaient construit deux palais, dont on nous vante la magnificence 2.

Le palais du Mahdi « orné de fenêtres d'or » (faut-il comprendre que les fenêtres en étaient pourvues de grilles dorées?) s'ouvrait vers l'Ouest. Vis-à-vis de cette façade, de l'autre côté d'une place, se dressait, d'après El-Bekri, le palais d'Aboù 'l-Qasim, dont la porte était tournée vers l'Est. On notera, au moins comme une curieuse coïncidence, que deux palais devaient de même voisiner dans la future ville du Caire. Quand le des

1 Istibçár, tr. p. 14.

2 Tijani, ap. J. As. 1853, I, p. 362; Bekri, p. 30, tr. pp. 67-68; Ibn el-Athir, Kamil fit-tarikh, éd. Tornberg, t. VIII, p. 70, tr. Fagnan (Annales du Maghreb et de l'Espagne), pp. 314-315.

cendant du Mahdi, le Khalife El-Mo'izz y arriva, il s'installa dans la belle demeure que son général Jawhar lui avait préparée, non loin de la Mosquée El-Azhar. On devait lui donner le nom de Palais de l'Est. Le successeur d'El-Mo'izz, El-'Azîz, devait construire, en face, le Palais de l'Ouest, qu'une place dite Baïn el-Qaçraïn sépara du premier.

Il n'est pas impossible de reconnaître le site de ces deux constructions fâtimites de Mahdîya. On doit les placer vers le centre de la presqu'île. Une surélévation sensible du sol y porte le fort ture dit Bordj er-Râs, qui sert actuellement de gendarmerie et de prison. C'est vraisemblablement là que s'élevait le palais du Mahdi. Qu'en reste-t-il maintenant ? Bien peu de chose sans doute. Cependant une entrée voûtée de belle allure donne accès dans une cour entourée de constructions; et cette ordonnance n'est pas sans rappeler celle des ribâts du Ix siècle. Sous la voûte, des demi-coupoles en coquilles, taillées dans des blocs de pierre, semblent appartenir au décor du x° siècle.

La façade est tournée vers l'Ouest, conformément à la description d'El-Bekrî. En avant de cet édifice, au delà d'un sol déprimé, s'étend un terre-plein sans construction moderne mais où des lignes de murs affleurent. On se croit autorisé à y reconnaître le palais d'Aboû 'l-Qâsim, dont la porte faisait face à celle du palais de son père. Il serait très désirable qu'on entreprît quelques fouilles sur l'emplacement de cet édifice musulman du x° siècle.

Mahdiya, résidence des deux premiers Fàtimides, devait être l'asile des derniers Zîrîdes, de 1057 jusqu'à 1148, époque où elle devint cité normande. Les textes ne mentionnent la construction d'aucun palais par le Ziride El-Mo'izz ou ses malheureux successeurs. Dans l'intervalle entre les deux séjours des maîtres de l'Ifrîqya dans la presqu'île, Fâtimides et Zîrîdes avaient occupé Çabra-Mançoûriya.

Les palais de Cabra-Mançoûrîya. - Des palais somptueux y furent édifiés par El-Mançoûr d'abord, le fondateur de la ville, puis par ses successeurs, mais surtout, semble-t-il, par le dernier de la lignée qui résida en Berbérie. L'historien Ibn Hammåd lui attribue, outre des établissements de bienfaisance, les palais suivants: El-îwàn, le Salon du Camphre, la Pierre du Diadème, le Salon du Myrte, la Pierre d'Argent, le Palais du Khalife et

« PrécédentContinuer »