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côté, une niche à fond plat. Au fond du porche s'ouvre une porte à linteau surmonté d'un arc de décharge outrepassé. A part les moulures, très simples, filets, gorges ou quarts de ronds, presque aucun décor ne devait enrichir cette sobre ordonnance. Seul un disque, au centre d'un écoinçon, pouvait être orné d'une rosace. Une gorge fait relief alentour des niches creuses, que l'on suppose avoir été cannelées en coquilles.

On ne sait trop à quel style s'apparente ce beau motif, dont l'âge ne fait d'ailleurs aucun doute. Le grand berceau encadré de défoncements fait penser aux lîwân persans, issus des monuments sassanites tels que le palais de Ktésiphon. On sait que plusieurs étages de défoncements y flanquent la voûte centrale et que des niches creuses s'y superposent à des niches à fond plat; ce porche de Mahdîya évoque, d'autre part, le souvenir des arcs de triomphe romains comme l'arc de Timgad ou mieux encore comme l'arc de Djemila, où des niches flanquent la baie centrale. L'attique peut sembler une réminiscence de ces monuments africains, mais il convient de ne pas oublier non plus que les niches creuses et les niches à fond plat jouent un rôle important à la coupole de la Grande Mosquée de Kairouan et que l'arc de tête de plusieurs de ces niches affecte, comme ici, la forme en fer à cheval.

La Grande Mosquée de Monastir. La conservation à l'époque fâtimite d'éléments architectoniques du 1x siècle est possible à la Grande Mosquée de Mahdîya; elle est certaine, dans deux mosquées de Monastir la Grande Mosquée et la mosquée funéraire de la Saïyda, qui peuvent être considérées comme des œuvres de transition. La liaison avec les œuvres antérieures se marque surtout dans leur décor. J'étudierai donc ce décor en même temps que le plan, par dérogation à la méthode adoptée dans le cours de cette étude.

D'importants remaniements paraissent avoir affecté la Grande Mosquée de Monastir, qui, comme celle de Sousse, est toute voisine du ribât. Il semble que la salle de prières primitive, dont les nefs sont portées par des colonnes, ait compté seulement trois travées. A ces trois travées on en ajouta sept autres, vers le Nord, et la cour fut repoussée d'autant. La présence de piliers remplaçant les colonnes dans les sept travées antérieures suggère

cette hypothèse. Ces sept travées sont également moins élevées que les trois travées postérieures. L'addition dut englober le minaret, qui, placé peut-être primitivement le long de la façade septentrionale, se trouve maintenant dans l'intérieur de la salle de prières.

Les colonnes des nefs anciennes, empruntées comme leurs chapiteaux à des édifices antiques, sont surmontées de sommiers et d'impostes, où s'engagent des tirants et que couronne une plate-bande en saillie formant corniche.

Qu'elles soient primitives ou ajoutées, les nefs sont toutes couvertes, non par des plafonds, mais par des voûtes d'arête — et ceci est une nouveauté notable. On en remarquera une autre :

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analogues à celles de la Grande Mosquée, dans des proportions beaucoup plus réduites. La salle de prières, qui mesure 9 m. 92 de large sur 6 m. 75 de profondeur, ne comporte que trois nefs et deux travées. Une petite salle, qui contient le tombeau de l'énigmatique Saïyda (la Dame), ayant été aménagée à l'angle Nord, a diminué la travée antérieure de la largeur d'une nef. La salle est couverte, comme celle de la Grande Mosquée, par des voûtes d'arêtes, mais elles reposent sur des piliers de plan cruciforme (fig. 56).

La date de fondation de cet oratoire ne nous est pas connue. Une tradition très recevable veut que des membres de la famille

zîrîde y soient inhumés: la Saïyda serait une princesse. Il

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1 « Le lieu de leur sépulture (des Beni Zirf) était Qaçr es-Saiyda dans le canton de Monastir. » Kairouânî (I. Abi Dinar), tr. Pellissier et Rémusal, p. 157 Voir aussi Ibn Khallikân, tr. de Slane, (Biographical dictionary), IV, 100. W. Marçais et Guiga, Textes de Takroûna, p. 223, n. 23.

semble bien qu'on doive le placer aux environs de l'an 1000. Le décor du mihrab nous aide à préciser cette datation.

J'ai dit que ce mihrâb présentait les plus grandes analogies avec celui de la Grande Mosquée. Ce dernier est seulement d'une proportion meilleure, plus dégagée le sol de la Saïyda ayant dû être, pour des raisons inconnues, entièrement surhaussé —; il a également conservé les colonnes d'angle que la Saïyda a perdues. Je décrirai ici le mihrâb de la Saïyda, que j'ai pu étudier plus à loisir (fig. 57).

La demi-coupole de la niche est creusée de onze cannelures rayonnant du sommet. L'arc en fer à cheval déformé est entouré d'un second fer à cheval appointé en accolade, qui retombe sur deux corbelets. Une frise à inscription coufique règne audessous de la conque. Elle portait sur deux colonnes placées aux angles de la niche mais qui ont disparu et sur de petits modillons en forme de coquilles trilobées. Au-dessous règne, dans la niche, un damier de carrés posés la pointe en bas et meublés de rosaces. La base est formée par une arcature, dont les fers à cheval enveloppent des rosaces circulaires.

Le décor épigraphique (fig. 93, 2° ligne), les modillons à coquille, apparentent cet ensemble aux œuvres fâtimites. Mais beaucoup d'autres traits les arcatures en plein cintre outrepassé, les rosaces, les carrés posés une pointe en bas, relient étroitement ce mihrâb de la Saïyda, comme son contemporain, celui de la Grande Mosquée, au style du 1x siècle. Les colonnes à sommiers et à impostes de la Grande Mosquée sont aussi héritées de l'époque aghlabite.

La Mosquée d'Achîr". -On n'imagine pas que les Çanhâjiens aient apporté avec eux du Maghreb central une architecture nettement caractérisée. Nos notions sur Achîr, la citadelle qu'occupaient leurs émirs avant de venir en Ifrîqya, sont encore embryonnaires. Cependant la mosquée a été reconnue. Les murs sont en pierres grossièrement équarries, comme tous les édifices de ce champ de ruines. Le mihrâb est nettement dessiné, mais nous ignorons où se trouvait le minaret. Rien ne prouve que

1 Cependant le fleuron terminal des lettres longues, caractéristique du x siè cle, y apparaît parfois.

2 Cf. mon article Achir (Recherches d'archéologie musulmane), ap. Revue africaine, 1922, n° 310.

la salle de prières fût précédée par une cour. Quant à la salle de prières elle-même, elle comptait sept nefs divisées par six rangs de quatre colonnes. Certaines de ces colonnes étaient cannelées et octogonales; elles présentent des mortaises qui pouvaient recevoir les bouts d'une balustrade limitant une maqçoûra, enceinte réservée à l'émir.

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Grande Mosquée de Sfax.

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Intérieur de la salle de prières. - On

Fig. 58. remarque les impostes surmontant les colonnes et les voûtes d'arêtes établies au-dessus.

La Grande Mosquée de Sfax 1. Plus encore que la Grande Mosquée de Monastir, celle de Sfax a subi de profondes transformations. On est même tenté de croire qu'elle a été entièrement reconstruite. La première mosquée fut bâtie sous la direction

1 Sur l'histoire de la mosquée, voir surtout Ibn Maqdich, Nozhat el-andár, II, pp. 74-75.

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