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rent les Beni-Tebout, qui l'habitérent à leur tour pendant quarante autres années; mais au bout de ce temps ils en furent chassés par les Beni-Addas (1), qui restèrent maîtres du Souf pendant une période de quarante autres années. Les Beni-Merin-ben-Noual, issus de Ben'Afia, vinrent ensuite; mais les descendants de 'Adouan, dont nous avons parlé plus haut, étant deverus puissants, chassèrent les anciens habitants du Souf et s'emparèrent du pays. Nos livres prophétiques affirment que les 'Adouan seront anéantis à leur tour par une peuplade arabe dite les Troud, dont le chef se nommera Trad. Les Troud seront très puissants; il n'y a que Dieu qui sera plus fort qu'eux. Je ne ments point en vous racontant tout cela, et Dieu est témoin de ma sincérité.

Le moment assigné par les prophéties est arrivé: or, il n'y a pas de doute, vous n'êtes autres que des Troud.

Le narrateur ajoute : Les deux voyageurs ayant entendu ces paroles dirent: Ce pays nous convient en effet ; nous allons immédiatement retourner auprès de nos compagnons pour leur rendre compte de ce que nous avons vu et entendu. Ils remontèrent à cheval et s'éloignèrent.

Quand ils eurent rejoint leurs compagnons, ils leur

(1) Les Beni-Addas ou les Addaïssa descendent de Addas, fils de Zahik, et sont comptés parmi les Haouara. La tribu berbère des Haouara occupait jadis presque toutes les plaines qui s'étendent de Tebessa à Constantine. Les Hanencha, Harakta et Nememcha ne sont autres que leurs descendants. (Voir Ibn-Khaldoun.)

Il existe de nos jours plusieurs familles de Addassa sur le territoire tunisien. Ils viennent souvent par groupes dans nos tribus de la province, où ils exercent le métier de maquignons. Ils sont très rusés et surtout très fourbes. Ce sont, en quelque sorte, les Bohémiens du pays.

firent le récit de leur voyage. Nous avons visité un pays, leur dirent-ils, qui est bien préférable à celui-ci. Il est vaste; il convient au pâturage des chameaux et des moutons, et il n'est sous la dépendance d'aucun souverain. Or, les Troud avaient de nombreux troupeaux dont le lait constituait la base de leur nourriture. Du reste, les voyageurs répétèrent ce que le vieillard leur avail dit sur la prédiction annonçant l'arrivée des Troud chez les 'Adouan.

Pourquoi, ajoutèrent-ils, renonceriez-vous à aller habiter un pays riche pour rester dans celui-ci, où il n'y a rien.

Après ces paroles, chacun discuta et émit son avis. Cinq d'entre les principaux des Troud se mirent en marche avec leurs gens, et se dirigèrent vers les ksour 'Adouan. Il ne resta en Ifrikïa que Bou-Zeïd et Ali avec leur suite.

- Cette émigration eut lieu vers l'an 800 de l'hégire. (1397-98 de J.-C.)

Quand la caravane émigrante arriva auprès de la ville de Nefta, deux de ses membres se détachèrent pour aller la visiter. Ils y restèrent sept jours et sept nuits, puis rejoignirent leurs compagnons. Cette ville, leur dirent-ils, est habitée par des gens injustes parmi lesquels ne doit point vivre un bon musulman. Mais pendant leur séjour à Nefta, ces deux individus avaient contracté une maladie dont ils moururent subitement, et on les enterra près de la ville. Leurs tombeaux sont encore connus sous les noms de Dahdah et de Rihan.

Les émigrants avançant journellement vers l'ouest, arrivèrent enfin aux ksour 'Adouan, et s'arrêtèrent à

l'endroit nommé Ez-Zaf. De là, ils expédièrent quatre cents cavaliers en reconnaissance, afin de retrouver l'endroit où se tenait Chahma, la femme au tambour de cuivre. Quand celle-ci les aperçut, elle prit la fuite en frappant son tambour à coups redoublés. Ces nombreux étrangers, se disait-elle, ne viennent pas chez nous comme de simples hôtes; ils doivent dissimuler quelque. intention hostile.

Cependant le souverain de Tunis ayant appris que les Troud avaient quitté brusquement le pays d'Ifrikïa, rassembla les membres de son conseil pour leur parler de cet important évènement.

Quelles nouvelles avez-vous des Troud, leur dit-il ?
On assure qu'ils sont partis.

C'est la vérité. Vous pouvez maintenant dormir en paix. Je suis bien aise qu'ils se soient éloignés, car ce sont des envahisseurs et des fauteurs de troubles; avec leur caractère indiscipliné, il est impossible qu'ils puissent vivre dans un pays où existe une autorité.

Safouan, l'auteur du récit, ajoute: A l'époque où nous vivions en Ifrikïa avec notre émir Trad, nous avions en effet commis de grands désordres, violé le harem des femmes de nos voisins et mis la perturbation dans les familles, sans songer à la malédiction divine à laquelle nous nous exposions. Les habitants de l'Ifrikïa avaient déjà porté plainte à leur souverain. Nous voulons, lui avaient-ils dit, que vous chassiez de chez nous cette race de mécréants venue de Syrie pour s'établir dans le Moghreb.

Conseillez-moi, leur répondit le souverain. Décidez vous mêmes quel est le moyen que je dois mettre en

œuvre pour les expulser. Dois-je traiter avec eux ou bien employer la force ?

Chacun émit son avis. L'un des conseillers s'étant levé s'écria Que la bonté divine soit sur notre souverain ! Puisqu'il m'est permis de parler voici mon opinion : « Les Troud sont des pasteurs de chameaux et de moutons; traitons avec eux en leur offrant cent chameaux noirs; leur cupidité sera séduite et ils s'éloigneront.» Un autre orateur combattit cette proposition: Si nous leur offrons cent chameaux ou même seulement cinquante, ils considèreront notre don comme un impôt, et ils sont capables d'en exiger autant tous les ans. Les avis étant partagés, on se sépara, renvoyant au lendemain la suite des délibérations. C'est à ce moment que parvint la nouvelle du départ inespéré des Troud; nouvelle qui fut accueillie avec joie par tous les habitants paisibles de l'Ifrikïa.

L'auteur raconte Les Troud ayant donc rejoint Chahma, la femme au tambour de cuivre, lui dirent : Nous te demandons l'hospitalité.

Mais je n'ai ni pain ni eau pour tant de cavaliers, ditelle; et elle s'éloigna, comme nous l'avons dit plus haut, en frappant sur son tambour.

Safouan ajoute Nous ignorions la manière de procéder de cette femme; nous restâmes donc paisiblement assis auprès de son mari Chouker. Tout à coup, un nuage de poussière obscurcit l'horison, et quarante cavaliers la lance au poing vinrent nous assaillir. Un de nos hommes fut tué à l'improviste. Prenant l'offensive à notre tour, il nous fut facile de les disperser et de les tuer jusqu'au dernier.

Le lendemain, d'autres cavaliers ennemis arrivèrent au nombre de quatre-vingts. Nous les combattimes encore; mais, dans cette lutte, 'Adi, Amara et Salmi furent blessés; nos tués furent au nombre de cinq: Rafâ-etTaï, Mansour-ben-Salem, Hilal-ben-Moaouïa, Handala et Khaled-ben-Djaber. Nos ennemis avaient perdu quinze hommes.

Après avoir passé la nuit à nous garder, il fallut encore combattre toute la journée du lendemain. Nous eûmes cinq hommes tués, mais nos adversaires en laissèrent cent sept dans la poussière.

Au point du jour, nous étions de nouveau en présence. Nos adversaires se tenaient à Ksar-el-Bouma; ils fondirent sur nous au nombre de cinq cents. La rencontre eut lieu à la mezara de Sidi-Redouan; on se battit toute la journée et toute la nuit, mais au lever du soleil, nos ennemis étaient mis en déroute et poursuivis jusqu'à l'Oued-Rir'. On tua tous ceux que l'aman ne sauva pas.

Le narrateur continue ainsi : Les Troud retournèrent à l'endroit où étaient dressées leurs tentes. A peine y étaient-ils descendus, qu'une nouvelle bande de cinq cents cavaliers, suivis de quatre-vingts hommes à pied et de toutes leurs femmes, assaillit comme la tempête leur campement.

Mâmar-ben-Salem, qui assista à cette attaque, la raconte en ces termes :

« Les 'Adouan se ruèrent sur nos tentes; il fallut déployer tout notre courage et toute notre énergie pour résister à leur furie.

« Au moment où nous commencions à plier sous leurs

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