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aire archéologique de la province de Constantine (1), a restitué à cette mosquée le nom de son véritable fondateur, d'après les renseignements qui lui ont été fournis par le petit-fils d'Abbas, Moustafa-ben-Djelloul, ancien cadi hanafi de Constantine. Ce fut en l'année 1143 (1730 de J.-C.), qu'El-Hadj-Abbas fit bâtir, à ses frais, cette mosquée. Le bey Hossein, qui n'était pas exempt des petites faiblesses de l'envie, jaloux de la renommée que cette œuvre devait attacher au nom de son bach-kateb, gravé sur le frontispice de l'édifice, fit, après sa mort, substituer le sien propre à celui du véritable fondateur, sur le marbre commémoratif destiné à transmettre à la postérité le souvenir de cette fondation. Il est bon, cependant, d'ajouter qu'avant de commettre ce délit de faux en matière d'épigraphie, il avait exigé d'El-Hadj-Abbas qu'il le laisserait contribuer avec lui pour moitié dans les dépenses, et que ce ne fut qu'à la sollicitation des détracteurs envieux, qu'il fit effacer le nom d'Abbas pour y substituer le sien. Ce fait ne saurait néanmoins ternir la gloire de ce prince, et nous devons le considérer comme l'un des meilleurs et des plus sages administrateurs de ce pays, où les bons ne furent jamais que l'exception. Son successeur fut le bey Hassen-Bou-Hanek.

HASSEN-BEY-BEN-HOSSEIN, dit BOU-HANEK.

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Ce bey, que la plupart des listes chronologiques publiées jusqu'à ce jour désignent sous le nom de Hos

(1) Année 1854, page 102.

seïn, et auquel nous restituons son véritable nom qui est Hassen, ainsi que le porte son cachet que nous avons vu apposé sur nombre d'actes passés sous nos yeux, fut encore un de ces rares gouverneurs dont l'administration fait époque dans le pays.

Marchant sur les traces de son prédécesseur, il sut, comme lui, maintenir pendant tout son règne la tranquillité, cette première condition de la fortune et du bienêtre publics, et consacrer aux travaux de la paix le temps. que d'autres employaient à guerroyer et à détruire. C'est ainsi qu'il fit élever la mosquée de Sidi-l'Akhdar, une des plus belles de Constantine, avec son minaret de forme octogonale, qui n'a pas moins de vingt-cinq mètres de hauteur sur la rue Combes, et dont les constructions ne furent achevées que vers la fin de châban, l'an 1156 (octobre 1743), suivant l'inscription qui en décore l'entrée principale (1). Il s'occupa également de changer la physionomie de la ville, qui ne présentait à cette époque, au dire de Peyssonnel, que des maisons mal construites, bâties partie de briques cuites et partie de briques de terre simple, couvertes de tuiles rondes, des rues étroites et mal percées, malpropres dans l'hiver, sans pavé, sans aucune place, sans aucun édifice qui méritât la moindre attention. Il introduisit le goût des belles constructions, fit élever quelques monuments élégants et donna plus de régularité aux rues.

Ceux qui ont vu Constantine et ses rues, même quelques années après la conquête, auront sans doute peine à se figurer ce que devait être cette ville, ou plutôt cet

(1) Voir les inscriptions arabes de la province de Constantine, par M. Cherbonneau, dans l'Annuaire archéologique de 1856, page 105.

amas de gourbis, entassés pêle-mêle entre d'étroites ruelles, avant les améliorations introduites par le bey Bou-Hanek et, plus tard, par Salah Bey.

Les réformes administratives attirèrent aussi son attention. Ce fut lui qui déplaça le camp de la zmala, qui, depuis le bey Redjeb, occupait la vallée supérieure de l'Oued-Roumel, et lui assigna pour emplacement le territoire de Tikmert.

Sa réputation de bravoure fit rechercher son alliance par l'ex-bey de Tunis, Hosseïn, que les troupes algériennes avaient, quelques années auparavant, ainsi qu'on l'a vu plus haut, forcé d'abandonner sa capitale et de céder le trône à son compétiteur Ali Pacha. Hosseïn, qui s'était réfugié dans Kaïrouan où les troupes d'Ali, depuis près de cinq ans, le tenaient assiégé, se sentant de plus en plus pressé, envoya à Constantine son fils, Mohammed Bey, qui gouvernait pour lui la place de Soussa et toutes celles de la côte encore attachées à son parti, pour tâcher d'attacher à sa cause le gouverneur de cette province. Mohammed Bey s'y rendit vers le milieu de l'année 1152 (1739), tandis que son autre frère, Ali Bey, cherchait à faire le plus d'enrôlements possible au sein des grandes tribus de l'Est; mais il échoua dans ses tentatives.

Malgré ce qu'une pareille proposition devait avoir de flatteur pour sa personne et d'attrait pour son ambition, Bou-Hanek ne voulut point trahir la cause d'Ali Pacha, pour laquelle son prédécesseur, Bou-Kemia, avait si bien combattu. Il fit plus; il signa avec ce dernier un traité d'alliance offensive et défensive, et il n'est pas douteux que l'appui qu'il lui prêta en cette circonstance, soit en

hommes, soit autrement, ne fut pour beaucoup dans la chute de Kaïrouan. Cette place fut prise d'assaut par les troupes d'Ali Pacha, aidées des renforts étrangers, le 16 safar 1153 (12 mai 1740), ce qui mit fin à la guerre civile qui, depuis sept ans, désolait Tunis. Le malheureux Hosseïn Bey fut tué, dans sa fuite, par son petit neveu Younès, qui lui trancha lui-même la tête. Deux de ses fils se réfugièrent à Alger, et le troisième, Ali Bey, choisit pour lieu de sa retraite la ville de Constantine (1), où le bey lui offrit une hospitalité généreuse, bien que précédemment il se fût montré hostile aux prétentions de son père et de sa famille.

Le gouvernement de Bou-Hanek ne fut troublé que par la révolte des Oulad-Saoula. Ces partisans de l'ancien régime, que nous avons vus, pendant près de cent ans, lutter tantôt sourdement, tantôt à main ouverte, contre l'établissement des Turcs, semblaient, malgré le temps et les échecs nombreux qui avaient couronné leurs diverses tentatives, n'avoir point encore renoncé à leurs prétentions sur Constantine et son territoire. Il leur fit une rude guerre et les poursuivit sans relâche, jusqu'à ce que, décimés par le feu et abattus par les revers successifs qu'il leur infligea, ils vinssent lui demander l'aman. Ce fut comme la dernière et suprême protestation de la nationalité arabe contre l'envahissement des Turcs. Le vieux parti s'éteignit peu à peu, et désormais nul ne songea plus à relever ce drapeau, que le despotisme des vainqueurs avait tant de fois baigné dans le sang de ses adhérents.

(1) Annales tunisiennes, page 119 et suivantes.

Sous le règne de ce bey, raconte El-Anteri, il se passa un fait qui mérite d'être rapporté et qui a fait époque dans l'histoire de ce temps, puisque c'est de lui qu'est venu le dicton : L'année de la guerre feinte. Ce fait, le voici :

Des dissentiments s'étaient élevés entre le pacha d'Alger, alors régnant, et le bach-agha préposé à l'administration des affaires arabes. Comme ce dernier jouissait d'une influence considérable, le pacha, n'osant le faire périr ouvertement, résolut, pour se débarrasser de lui, d'employer la ruse, et voici la supercherie qu'il imagina.

Il le fit appeler et lui dit d'un ton confidentiel et avec un air de sincérité feinte : « Le pacha de Tunis s'est dé>> claré notre ennemi et refuse de remplir les engage>>ments contractés envers nous. Vous allez vous rendre >> auprès du bey de Constantine pour mettre, de concert » avec lui, une armée sur pied, et vous envahirez le >> territoire tunisien. Si, en présence de cette démons»tration, le pacha effrayé consent à se libérer de ses >> obligations, votre but sera atteint et vous n'irez pas > plus loin. Si, au contraire, il résiste, vous poursuivrez » votre marche sur la capitale, et vous attendrez là les » renforts en troupes et en munitions de guerre que je » vous enverrai, »

Le bach-agha, prenant au sérieux la mission qui venait de lui être confiée, se hâta de quitter Alger, croyant courir à sa gloire, tandis qu'il courait à sa perte.

En effet, le pacha d'Alger faisait en même temps parvenir au bey Bou-Hanek une dépêche secrète ainsi conçue : « Le bach-agha, par ses intrigues et ses menées, » s'est rendu coupable de trahison envers nous. Ne pou

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