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d'anarchie, pour lesquels le désordre est un besoin et toute subordination une contrainte. Il les força par les armes à reconnaître son autorité, et son équité dans la répartition de la justice, autant que sa fermeté dans le commandement, surent les maintenir dans la soumission. Chacun reprit le cours de ses occupations depuis longtemps interrompu, et put jouir en paix du fruit de

son travail.

Les soins de l'administration générale ne firent point non plus oublier à Ferhat les devoirs que lui imposait la reconnaissance envers ceux qui avaient le plus favorisé son élection, et contribué à lui rendre facile l'œuvre de régénération dont il avait assumé sur lui la responsabilité.

Ses premières faveurs furent pour la famille des Ouladben-Lefgoun, et c'était de toute justice; car, plus qu'aucune autre, elle l'avait aidé de son influence et mis à sa disposition tous ses moyens d'action. Nous en avons un témoignage écrit dans une pièce originale, la seule que nous avons pu trouver émanant de ce bey, et qui par son authenticité mérite à plus d'un titre de fixer notre attention. En voici le texte arabe que nous faisons suivre de sa traduction en français.

الحمد لله ليعلم من يفي على كتابنا هذا من الفياد والعمال والخاص والعام ببلد فسنطينة سدد الله الجميع اما بعد باننا ادينا عشور مـا ياتي من جبل اوراس من البراش

والجزمة للجامع الا عظم كما جرت العادة

السايفة

في حياة اوايلنا البايلار كل ذلد رعــيــا لوجه الله العظـيـم مـن غـيــر انـتكـات منا ولا انتفاض ومن يتعرض فـي هـذا بالله يتولى لانتقام منه وقد قدمـنـا علـى هـذا العشور المكرم ابننا علي العاصمي وربيفه عبد الرحمان بن كريمة هولا يتولون هذا العشر تبويضـا تاما من غير فول لنابي ذلك ولا رجوع وعلى الوافي بحسب أن يعلم بذلك ويعمل به........ وكتب هذا الامر عن اذن عبد الله سبحـنـه المـعـوض امره اليه ابى السعادات فرحات باي وبفه

لله بـتــاريــخ اوايل دي الفعدة

« Louange a Dieu !

<< Faisons savoir à quiconque notre présent écrit lira, > kaïds, fonctionnaires, notables et gens de la ville de

>> Constantine,

Dieu les dirige tous!

que nous avons

>> restitué à la grande mosquée le droit du dixième à » prélever sur les tapis et bois de construction venant du » mont Aurès, ainsi que la coutume s'en était établie au»trefois au temps des beylar (forme turque du mot bey), » nos prédécesseurs.

« Nous faisons cela en vue de plaire au Dieu suprême » sans qu'il y ait de notre part violation ni dissolution » du pacte. El quiconque voudrait y contrevenir, Dieu » tirera de lui vengeance.

» Nous confions le prélèvement de ce dixième à notre >> fils, l'honorable Ali-el-Aacemi, et à son collègue Abd-er» Rahman-ben-Kerifa. Ce sont eux qui demeurent char> gés de la perception dudit dixième.

» Cette déclaration est complète, et nous n'avons rien » à y ajouter, ni aucune restriction à Y faire.

» Que ceux à qui sera présenté cet ordre, en prennent

› connaissance et aient soin de s'y conformer.

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Écrit

par ordre du serviteur de Dieu à qui il confie » sa destinée, Abou-es-Sâadat (le père des prospérités), » Ferhat bey. Dieu lui soit propice!

» A la date de la première dizaine de doul-kâda, de > l'année 1057 de l'hégire (première dizaine de décembre 1647). »

En haut de la marge, est apposé un cachet ayant sensiblement la forme d'un carré allongé, et qui doit être celui du bey Ferhat; mais dont l'empreinte est trop effacée pour qu'on en puisse déchiffrer la légende.

Cette pièce a une valeur historique incontestable. Elle nous fixe, à un ou deux mois près, sur l'avènement du bey Ferhat; car ces sortes de brevets se délivraient toujours dans les premiers mois de l'arrivée des beys au

pouvoir; et puis elle vient confirmer, d'une manière pour ainsi dire officielle, cette vérité déjà surabondamment établie par nous, que Ferhat ne fut point le premier bey qu'ait eu Constantine, puisqu'il prend soin de nous dire lui-même qu'en renouvelant ce privilége au profit de la grande mosquée, il ne fait que suivre la coutume précédemment établie par les beylar, ses devanciers.

Au sujet de cette coutume, qui attribue à la mosquée dont les Ben-Lefgoun avaient l'administration, le droit du décime sur les tapis et bois de construction ou rondins importés des Aurès à Constantine, disons que la famille des Ben-Lefgoun était originaire de Fegouna, village de l'Aurès, ainsi que nous le trouvons dans un manuscrit traitant des origines des tribus et grandes familles du pays, écrit par Sidi Ab-del-Kader-er-Rachedi, grand savant et mufti de Constantine en l'année 1176 de l'hégire (176263 de l'ère chrétienne). Cependant, cette assertion est contredite par les Ben-Lefgoun eux-mêmes, qui se disent originaires de Temim, suivant ce que nous lisons dans l'intitulé de deux ouvrages composés par Abd-el-Kerim-benMohammed-ben-Abd-el-Kerim-ben-Yahia-ben-Mohammedel-Fegoun, Temimi d'origine, Constantinois de résidence.

Mais revenons à Ferhat. Au printemps de l'année 1653, ce bey rassembla les produits provenant des impôts du zekkat et de l'achour, et se rendit à Alger pour offrir en personne le tribut au pacha. A son cortége, s'étaient joints les chefs de la province et les membres des familles les plus notables de la ville. Quand il arriva à Alger, les fonctionnaires du gouvernement allèrent à sa rencontre pour lui offrir leurs félicitations et leurs hommages, et recevoir aussi ses présents. Ils lui prodi

guèrent des honneurs, plus même que n'en comportait.

son rang.

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Après avoir séjourné huit jours dans cette capitale, Ferhat alla prendre congé du pacha et lui demanda, comme une grâce, de vouloir bien accepter sa démission et nommer à sa place un autre bey, s'excusant sur ce que l'état de sa santé ne lui permettait plus de tenir en main les rênes de son gouvernement. Le pacha ne voulut pas d'abord adhérer à cette demande. Mais sur ses instances et à la prière des personnes composant la suite de Ferhat, que cette résolution avait non moins surprises qu'affligées, il consentit à lui donner un successeur dans la personne de son fils, Mohammed. « Ecri>> vez-lui, dit-il à son visir, que je le nomme bey de » Constantine, mais qu'il exercera le pouvoir sous l'au» torité de son père; » et il lui fit en même temps expédier le caftan d'investiture.

Ferhat et sa suite repartirent pour Constantine. Ils rencontrèrent le nouveau gouverneur à Hamza, et c'est là que Mohammed fut proclamé bey et reçut les insignes du commandement.

Cet exemple d'une démission volontaire donnée par un bey est assez rare, dans les annales de la régence, pour qu'on en prenne bonne note.

Ferhat vécut encore quelques années, estimé et honoré de tous ses concitoyens auxquels il avait rendu, avec l'ordre, la tranquillité et l'aisance. Il mourut le 25 du mois de rebiè-el-aouel de l'année 1075 de l'hégire (16 octobre 1664).

Il avait épousé la fameuse Aziza Bey, dont nous aurons bientôt à raconter la fin tragique.

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