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forces de la population intéressée, et bon nombre d'oasis auraient probablement disparu sous le sable, faute de nettoyage de ces puits; nos ateliers de sondage ont rendu la prospérité à ce pays.

La nappe artésienne semble n'avoir pas plus de 3 à 4 lieues de large; la profondeur des puits varie de 27 à 75 mètres; à Meggarin, se trouvent les plus profonds, et les moins profonds à Sidi-Khelil.

En dehors des oasis, on voit encore dans tout l'OuedRir', des sources, ou plutôt des réservoirs d'eau connus sous le nom de bahr; on n'a jamais pu se rendre compte, dit-on, de la profondeur des bahour (pluriel), et on en a conclu que c'étaient d'anciens puits artésiens arabes éboulés et ensablés. On y trouve de nombreux poissons, dont quelques-uns atteignent une belle dimension (1). Le bassin de l'Oued-Rir' est limité, au nord et à l'ouest, par El-Dôhr, vaste plateau variant de 2 à 12 lieues. L'OuedKel le longe au nord; les différents ravins aboutissent au bas-fond de Dzioua, à l'ouest. Il n'y a que l'Oued-Retem qui le perce dans toute sa largeur, et qui vient mourir dans le bas-fond de Merara, à 3 lieues ouest de Tamerna. Dans la partie nord de l'Oued-Rir', immédiatement au pied du Dôhr, s'étendent des marécages salés que le mirage transforme constamment aux yeux du voyageur. Le chott se continue à l'est jusqu'à 70 kilomètres de la côte tunisienne, en traversant le Bled-Djerid et le Nefzaoua.

Les habitants de l'Oued-Rir' sont des travailleurs infatigables; dépossédés depuis bien longtemps de la ma

(1) Ce poisson est une espèce particulière de perche qui a été décrite par M Cosson.

jeure partie de leurs palmiers par les nomades Selmia, Rahman et Oulad-Moulat, ils ont su mettre à profit leurs connaissances acquises pour le soin de ces arbres en se faisant khedam, c'est-à-dire métayers, chez des propriétaires d'autres contrées. Dans toutes les oasis des Ziban, on trouve des Rouar'a qui restent de père en fils chez leurs nouveaux maitres. Les palmiers de l'Oued-Rir' sont plus beaux et plus productifs que ceux des Ziban; arrosés par l'eau des puits artésiens, dont le nombre peut être augmenté suivant la volonté des habitants, ils se trouvent dans les conditions les plus favorables à leur développement, ayant leurs racines constamment arrosées et leurs têtes exposées à l'ardeur du soleil (1).

Dans les oasis de l'Oued-Rir', on rencontre, à côté des palmiers, mais en nombre bien restreint, le figuier, l'abricotier et la vigne. La culture des céréales s'exécute sur une échelle très petite. Des champs de garance assez vastes se trouvent dans le bas-fond, près de R'amra. On cultive, dans les jardins, du chenevis, de la luzerne, du piment, une espèce de haricot noir, des melons et des pastèques. Une autre branche d'industrie est exploitée par un petit nombre de gens, qui, bravant les dangers de ce métier, acquièrent, en revanche, l'estime générale et la presque inviolabilité de leurs personnes : c'est le forage des puits artésiens.

Deux montants verticaux établissent l'emplacement où l'on se propose de creuser le puits; ils sont reliés à la partie supérieure par deux traverses, entre lesquelles est fixée

(1) L'expérience a prouvé qu'au dessous d'une température de 40° le palmier ne produisait pas de bon fruit,

une mollette en bois, et forment l'installation nécessaire pour le travail. A l'aide d'un cable tressé en fibres de palmier, roulé autour de la mollette, on extrait les matières que l'ouvrier détache en creusant. L'ouvrier, car il n'y en a qu'un travaillant à la fois, est muni pour tout outil d'une espèce de houe à manche très court. La section des puits varie de 0m80 c. à 1 mètre de côté. Le coffrage se compose d'une suite de cadres jointifs de bois. de palmier. Ces cadres, placés au fur et à mesure que l'ouvrier avance, sont descendus jusqu'au banc gypseux, qu'on rencontre à 30 ou 40 mètres. Au-delà, on continue sans boiser. Quant l'ouvrier est arrivé à une profondeur suffisante, le voisinage de l'eau lui est révélé par la nature du terrain: un dernier coup de pioche va la faire jaillir; c'est la partie la plus délicate du travail. On conçoit, en effet, que l'cau, jaillissant par un orifice trop grand, mettrait l'ouvrier en danger d'être asphixié. D'un autre côté, il importe que le volume d'eau fourni par le puits soit le plus considérable possible (1).

La ville de Touggourt (2) est, en quelque sorte, la capitale de l'Oued-Rir'; elle est située sur le bord occidental de son oasis, dont les palmiers, au nombre d'environ 400,000, ne la bordent qu'au sud-est, sur le cinquième à peu près de sa circonférence. Nous avons déjà dit qu'elle était située à 135 lieues du littoral. Le thermomètre à l'ombre, dans la kasbah, marque 46° pendant l'été. Les

(1) Voir, sur les puits artésiens du Sahara, l'ouvrage écrit à ce sujet par M. Berbrugger, et les rapports de sondages des généraux commandant la province de Constantine.

(2) La ville actuelle de Touggourt ne serait pas celle des anciens temps. Touggourt-cl-Kedima se trouve à environ deux kilomètres de là, au milieu des palmiers de Nezla.

vents du nord-ouest, qui amènent sans cesse les sables du Sahara, ont formé un monticule qui la borde sur presque tout le reste de son développement. Touggourt, qui a la forme circulaire, est entourée d'un fossé; elle a trois portes, dont une donne accès dans la kasbah, située sur le bord sud-ouest de l'enceinte. Le marché se trouve à peu près au centre de la ville: c'est un carré d'environ 40 mètres de côté; quatre grandes rues viennent y aboutir. Comme toutes les villes orientales, Touggourt renferme une infinité d'impasses étroites et couvertes sur lesquelles s'ouvrent les portes des maisons. Toutes ces rues sont obstruées par des bancs maçonnés qui rétrécissent la circulation de telle sorte, que trois chevaux au plus y peuvent passer de front.

L'enceinte de la kasbah forme un rectangle de 45 mètres sur 50. En y entrant par la porte de la ville, qui est défendue par un tambour, on se trouve sur une petite place, ayant à sa droite et devant soi des bâtiments qui servent d'écuries. Sur la face que l'on a à gauche, s'ouvre la porte conduisant à l'intérieur si l'on suit le chemin couvert qui aboutit perpendiculairement à la façade; mais à peine entré, on voit un deuxième chemin couvert prenant à droite et aboutissant à une petite cour de forme à peu près triangulaire. Au sommet du triangle, on rencontre la porte appelée Bab-el-R'eder, qui s'ouvre sur le fossé. Le passage conduisant de la cour d'entrée à l'intérieur de la kasbah, aboutit d'abord sur une autre cour carrée qui, sur trois façades, est entourée des appartements des anciens cheïkhs. Ces appartements, au nombre d'une vingtaine environ, sont au second étage; c'est un dédale de petites chambres, correspondant entre

elles par des corridors sombres, ou séparées par des pièces non couvertes; des escaliers étroits communiquent avec les chambres du rez-de-chaussée, ainsi qu'avec les petites cours intérieures et les jardins. Dans la kasbah, nous avons construit une caserne dans laquelle logent les tirailleurs algériens qui composent la garnison de Touggourt.

La grande mosquée est, sans contredit, la construction la plus remarquable en ce genre, non seulement de l'Oued-Rir', mais de tout le Sahara constantinien. Elle est l'œuvre d'architectes tunisiens; il y a là un vague souvenir des beaux temps de l'architecture sarrasine. On y voit des tableaux de portes et des colonettes en marbre blanc que l'on a tirées à grands frais de Tunis. Le mur de la façade est revêtu de carreaux en faïence vernie. Près de la grande mosquée, se dresse un minaret en briques cuites, d'une grande solidité, et qui porte encore les marques des boulets de Salah bey.

L'enceinte de Touggourt est formée par un mur de 2 mètres 50 centimètres d'élévation, flanqué de petites tours espacées entre elles d'environ 60 mètres. Ces tours n'ont guère que 3 mètres 50 centimètres de hauteur et 3 mètres de côté; elles ont un petit étage intérieur, de façon qu'elles pourraient renfermer un double rang de défenseurs.

Une espèce de lac règne autour de l'enceinte et bouche le fossé. Le fossé peut être rempli d'eau au moyen de quatres sources, qui existent dans des jardins des environs; la plus grande hauteur d'eau qu'on puisse obtenir est de 1 mètre 50 à 2 mètres. On passe ce fossé sur un pont situé devant chacune des portes de la ville; ces ponts

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