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eut lieu de nuit, et on se battit jusqu'au lever de l'aurore. Les Turcs, mis eux-mêmes en déroute, furent poursuivis jusqu'aux tombeaux situés près de Testour.

Quarante Turcs et trois cents auxiliaires perdirent la vie dans cette affaire. Le prince eut le cœur serré en apprenant ce fâcheux résultat; il déchira ses vêtements et se couvrit la tête de terre.

Les contingents auxiliaires essayèrent de lutter pendant sept jours encore. Dans cet intervalle, Bel-Kacem-ben-elHadef, émir de Touzer, écrivit à Chabbi : « Veille sur toi, lui disait-il; les seigneurs de Ouargla et d'El-Hachana (1), les Beni-Meselman avec Saïd-Cherif, le seigneur du Souf et celui du Zab, marchent contre toi. Ils doivent t'attaquer tous ensemble samedi prochain. Veille sur toi; je n'ai pas autre chose à te dire.

(1) On entend par El-Hachana ou Redjal-el-Hachan les populations qui habitent les oasis de l'Oued-Rir'.

L'origine des Redjal-el-Hachan remonterait à l'époque de la conquête de l'Afrique par les Arabes. La tradition rapporte que, parmi les compagnons de sidi Okba, était un guerrier d'une vertu exemplaire nommé El-Hachan. Sidi Okba, satisfait de ses services, l'aurait récompensé en lui donnant la suzeraineté du pays compris entre Biskra et Ouargla. El-Hachan s'installa, en effet, dans l'Oued-Rir', et eut une nombreuse postérité qui aurait conservé le nom générique d'El-Hachana.

On peut admettre cette légende; mais en tenant compte des évènements qui se produisirent en Afrique à la mort de sidi Okba, on doit se demander comment El-Hachan ne fut pas massacré ou expulsé du pays par Koceïla et ses Berbères.

Tous les ans, vers le mois d'octobre, les Redjal-el-Hachan se réunissent, quelquefois au nombre de deux mille, à Ras-el-Oued (Oued-Rir'). Là, pendant deux jours, on fait une grande zerda (festin), présidée ordinairement par quelque membre de la famille de sidi Mohammed-el-Aïd, le marabout de Temacin, chef de l'ordre religieux des Tidjania.

On apporte de l'encens et des bougies, on fait des prières, on danse et on chante en s'accompagnant du bendaïr.

D'après la légende, sidi Hachan serait enterré dans l'oasis de sidi Okba.

« Cette nouvelle est entre toi et moi; les temps sont longs et tu sais que, dans ce monde, on a souvent besoin l'un de l'autre. Salut. >>

Aussitôt après la lecture de cette missive, Chabbi ordonna à tous les siens de battre en retraite. Les tunisiens en profitèrent pour les poursuivre jusqu'à Kalaâtes-Senan (1).

Les Chabbia rapportèrent de leur expédition en Ifrikïa un butin immense. Chabbi rentra de sa personne dans la montagne, chez les Beni-Barbar (2); mais on lui conseilla de ne pas rester en place et de chercher un asile plus sûr et plus éloigné. Il se rendit alors à Touzer, où Zeïneb, femme de Ali-ben-el-Hadef, venait de mourir à 62 ans.

Dites-moi, demandai-je au vieillard, ce que signifient les noms de Chabbia et de Sabia, qui ont servi à désigner les Chabbia ?

Ces noms, me répondit-il, appartiennent à la langue arabe.

Voici ce qui se raconte à leur sujet : Cheddad ayant jadis tué la femme de son père, prit la fuite, entra en Ifrikïa et vint fonder la ville de Carthage, près de laquelle coulait alors une rivière dont les eaux étaient aussi douces que le miel. Le grand temple des chrétiens était à Carthage (3).

(1) Kalaât-es-Senan, antique citadelle située sur un rocher, aux confins du pays des Oulad-Yahïa-ben-Taleb, et qui se voit de notre zemala du Meridj. Pendant le siècle dernier, cette kalaâ était le lieu de refuge des seigneurs des Hanencha, qui avaient l'habitude d'y déposer leurs richesses.

(2) Les Beni-Barbar, dans les montagnes de l'Aurès.

(3) El-'Adouani ignorait la légende de Didon la Tyrienne et les autres traditions grecques qui ont trait à la fondation de Carthage.

A l'époque où Koceïla-ben-Louzem (1) en devint le souverain, sa fille, nommée Tounès, voulant avoir un endroit pour se récréer avec les jeunes filles chrétiennes, pria son père de lui construire un palais. Koceïla céda à ses désirs, et le nouvel édifice, situé sur le bord de la mer, prit le nom de Tounès. C'est là que s'est ensuite formée la ville de Tunis (2).

En ce temps là, le prince qui régnait à Mohedia (l'ancienne Caput Vada) avait deux filles aussi : Leïla, l'aînée, avait été mariée au roi de Lebda (l'antique Magna), qui l'avait ensuite divorcée. La cadette, Laïr'a, était restée vierge. Or, cette jeune fille ayant appris que Koceïla, rival de son père, avait construit un palais à Tounès, voulut, elle aussi, avoir une habitation de plaisance qui porta, par la suite, le nom de Chabba, c'est-à-dire le palais de la jeune fille.

Lorsque les Arabes entrèrent en Ifrikïa, ils détruisirent la ville de Mohedia ainsi que Chabba (3).

D'ou vient le nom de Touzer ?

Constantine (Ksar-et-Tin, le château de l'argile), était jadis une ville opulente, dont toutes les maisons étaient blanchies à la chaux. Parmi les habitants de cette cité, se trouvait une femme nommée Touzer qui travaillait l'ar

(1) Dans Ibn-Khaldoun ce nom est écrit Lemezm.

(2) D'après les écrivains musulmans, avant de porter le nom de Tunis cette ville se serait appelée Tarchich. On la désigna aussi par les noms de El-Hadra (la présente), parce que lcs rois de la dynastie des Beni-Hafez y demeuraient, et de El-Khadra (la verte), à cause de ses jardins.

Cette ville existait déjà du temps des guerres puniques; mais, d'après El-Kaïrouani, elle aurait été fondée seulement la 80e année de l'hégire, ce qui est une erreur.

(3) Nous avons déjà dit que les Chabbia avaient pris le nom de leur chef, lequel était originaire de l'endroit où s'élevait jadis le château de Chabba.

gile (tin), et fabriquait divers ustensiles de ménage. La fumée des fours dans lesquels cuisaient ses poteries noircissait les murailles des maisons voisines. Pour mettre un terme à cet inconvénient, on expulsa Touzer de Constantine; elle s'éloigna alors et alla fonder au loin la ville qui, depuis, a pris son nom. Touzer se maria à Hamam; ils devinrent les maîtres de tout le pays de Kastilia, jusqu'au moment où les Turcs venus de Tripoli s'en emparèrent.

D'où vient le nom de Nefzaoua ?

Un chrétien voyageant jadis dans ce pays, avait un âne qui prit la fuite. En le voyant partir, il s'écria: Tefezienni, tu t'éloignes de moi. Depuis cette époque, on a appelé la contrée Nefzaoua (1).

Que signifie R'damès ?

R'damès était un 'Adjemi, soldat dans les armées de Iskander Dou-el-Karnaïn (Alexandre le grand), qui pénétrèrent en Afrique. Ce soldat mourut, et on l'enterra sur l'emplacement de la ville qui depuis porte son nom.

Tripoli était une ville jadis habitée par les chrétiens, et dans laquelle vinrent s'établir des Juifs à l'époque de Si-Moustapha-ben-Otman.

(1) Le cheïkh et-Tidjani donne, de la manière suivante, l'étymologie du nom de Nefzaoua:

Nefzaoua tire son nom d'une tribu qui s'y établit dès les premiers siècles. Voici sa généalogie: Nefzaoua-ben-el-Akber-ben-Berber-benKeïs-ben-Elias-ben-Modhar-ben-Nezar. Goliath, que tua David, était de la tribu des Nefzaoua. C'est des Nefzaoua que tous les Zenata tirent leur origine. Ils étaient Arabes dans le principe; mais plus tard ils se berbérisèrent par leur voisinage des Berbères et par suite de leur mélange avec

eux.

Que signifie Ksar-Tina (le château du figuier) (1)? Autour du rocher où s'élève la ville de Constantine, il y avait autrefois beaucoup d'habitations, et au sommet de ce rocher se trouvait un figuier nommé l'oracle, vers lequel les populations chrétiennes des environs allaient en adoration et en pélerinage pour connaître l'avenir. Un vol considérable fut commis, un jour, dans l'un des ksour de la banlieue. Les habitants se rendirent au pied du figuier, et y passèreut la nuit afin d'être renseignés sur les auteurs du vol. L'arbre se mit à parler disant : « Le trésor volé est chez un tel, chez tel autre, et ainsi de suite. » -Les coupables, se voyant à la veille d'être dénoncés, s'entendirent entre eux et allèrent avec des pioches pour abattre le figuier révélateur. Alors celui-ci leur adressa la parole en ces termes: Laissezmoi vivre; je vous fais la promesse de ne plus parler à l'avenir. Ils ne touchèrent pas à l'arbre, en effet. Cela se passait à l'époque où Nabuchodonosor ruinait Jérusalem (2).

Dites-moi d'où vient le nom de Liana?

C'était le nom de celui qui construisit cette bourgade.

(1) Nous avons déjà vu une première étymologie du nom de Constantine. Celle-ci est aussi absurde que la précédente. N'ayant aucune souvenance de l'histoire romaine, et ignorant, par conséquent, le nom même de l'empereur qui rétablit l'antique Cirta, les indigènes n'ont trouvé rien de mieux que d'expliquer ce mot des trois manières suivantes :

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(2) Les anachronismes sont fréquents dans les récits arabes. En voilà une preuve évidente.

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