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Mançour; neuf des Oulad-K'aïd, tels que 'Aridja, Kacemben-Mohammed, Aiça-ben-Mohammed, El-Bekri, Selimanben-'Aoun et 'Ar-'Ar-ben-Khaled, enfin les derniers étaient des Oulad-Hamed.

Ils se mirent donc en marche et arrivèrent aux environs de Nefta. Mançour et Djafer-ben-Hassen, à la tête de cent chevaux, marchèrent contre eux et les battirent non loin de Es-Senan.

Du côté des Tunisiens, il mourut Djâfer, El-Ouatek'-benSoussa et cinq autres cavaliers. Les Troud perdirent Meguetab, Hazam et Beloum; puis, ils retournèrent dans le Souf, et depuis cette affaire ils n'ont plus remis les pieds en Ifrikïa. Ce dernier combat eut lieu sur l'emplacement dit Chara-el-Ahmari.

Le vieillard ayant fini de parler, je lui dis: Puisque vous êtes un homme de bon sens et d'expérience, je voudrais que vous me donniez un conseil. Je me trouve à l'étroit dans ce pays, et je désirerais aller habiter ailleurs. Dites-moi quelle est la ville qui offre le plus d'avantages?

Il y a trois villes: Touzer, Sefakès et Tunis, que je Tunis vaut mieux que les t'engage à ne pas habiter. deux autres; mais ses émirs sont Turcs, et ils ont des relations d'amitié avec les chrétiens, que Dieu extermine; ils témoignent même plus d'affection à ceux-ci qu'aux musulmans. Leurs conseillers sont des chrétiens ou des renégats.

Mais ils vont donc détruire la religion de l'islam, lui dis-je.

Oh! non, répliqua-t-il; la religion de Dieu et de son prophète Mahomet subsistera toujours!

Mais pourquoi alors les hauts personnages du gouvernement ne massacrent-ils pas un émir qui a des relations avec les chrétiens?

Il garda le silence et ne répondit rien à mon observation. J'insistai; alors il me dit: C'est que les chrétiens pénétreront un jour chez lui et causeront sa ruine!

Que pensez-vous de Touzer, lui dis-je?

C'est une ville où il n'y avait que le bien; mais ce bien a disparu depuis que El-Hadef-ben-bel-Kacem s'y est établi. Il est le chef du pays, nommé par le gouvernement qui le soutient, tant de nuit que de jour; mais il ne traite point la population avec justice, aussi est-il détesté.

Est-ce donc par la puissance de l'argent, ou bien à l'aide de troupes, qu'il se maintient au pouvoir?

Non; ni par l'un ni par l'autre, mais en souvenir d'une prédiction qui est respectée religieusement dans le pays. Quelle est l'origine des Oulad-el-Hadef?

Ils viennent de Fetenassa, dans le Zab.

Fetenassa était une ville située entre Oum-el-'Az et Khanga, qui fut détruite par Saoula. — Je vais te raconter leur histoire.

El-Hadef était un pauvre orphelin; il était encore en bas âge quand son père mourut.

Devenu homme, il demanda à sa mère quelle fortune avait laissé son père. Ton père, lui dit-elle, était un pauvre maître d'école qui enseignait à lire aux enfants; ce qu'il a laissé d'argent a suffi à peine à lui acheter un linceuil.

El-Adef fit, pendant plusieurs années, le commerce avec des fonds qui lui étaient confiés par d'autres personnes; il acquit ainsi une grande fortune. Dès qu'il se vit riche,

il retourna auprès de ses compatriotes à Fetenassa, et les engagea à le choisir pour chef. Non répondirent-ils, car nous l'avons connu enfant et dans la misère; nous ne saurions t'obéir. El-Hadef, irrité, jura qu'il deviendrait leur maitre malgré eux. Il acheta vingt esclaves nègres, les amena dans la ville, et avec leur aide, se mit à battre les habitants et à entraver tout leur commerce.

Les gens de Fetenassa se plaignirent de cette oppression aux Oulad-Saoula (1).

Saoula déclara qu'il marcherait contre ce maudit tyran, et qu'il le chasserait de la ville. Il monta, en effet, à cheval avec quarante de ses meilleurs cavaliers, et se porta sur Fetenassa. En approchant de la ville il trouva quelques-uns des esclaves.

Qui êtes-vous leur dit-il?

Nous sommes les serviteurs de l'émir-El-Hadef-benbel-Kacem-ben-Ali-ben-Mohammed-ben-Nacer-ben-Kaâb.

Que faites-vous ici?

Nous sommes apostés, guettant quiconque voudrait pénétrer dans la ville pour nuire à notre maître.

Et les gens de la ville sont-ils pour vous?

Non; mais nous les maintenons dans l'obéissance. Saoula fit saisir sept de ces esclaves, et ordonna de leur couper le nez. Ces malheureux, encore ensanglantés, allèrent rejoindre leur maître.

Qui donc a osé vous maltraiter de la sorte, leur demanda-t-il?

(1) La tradition fait descendre les Oulad-Saoula d'une race de géants, contre lesquels les Zenata, ancêtres des Chaouïa d'aujourd'hui, eurent à soutenir des guerres nombreuses. Les Oulad-Saoula, vaincus en définitive, se réfugièrent dans le Sahara. (Voyage d'El-Aïachi, traduction Berbrugger. Exploration scientifique de l'Algérie, page 134).

C'est Saoula, qui a pris la fuite après nous avoir mutilés.

El-Hadef, avec une partie de ses esclaves et quelquesuns des Fetenassiens attachés à sa fortune, montèrent à cheval à la poursuite de Saoula. Ils le rattrapèrent auprès d'une rivière dite Oued-Braz.

O vils esclaves! leur cria El-Hadef, vous avez mutilé mes nègres, pensant sans doute qu'il n'y avait plus sur terre d'autres guerriers que les vôtres !

Là dessus, il lança son cheval au galop et tua Amranel-Kebir.

Les Oulad-Saoula perdirent sept hommes; il mourut aussi trois nègres esclaves et deux individus de Fetenassa.

Le combat dura jusqu'au coucher du soleil. El-Hadef ne cessait de crier : Qu'est devenue votre valeur tant reputée, ô descendants d'El-'Abrani? Il revint ensuite sur ses pas, rapportant les dépouilles des cavaliers qu'il avait tués.

Les habitants de la ville le voyant reparaître joyeux et chargé de dépouilles, éprouvèrent un grand désappointement, car ils s'étaient déjà réunis en armes dans l'espoir de contribuer à sa ruine. En les retrouvant dans de telles dispositions, il leur dit:

J'en jure par vos têtes, aucun de vous n'obtiendra mon pardon, à moins que vous ne me promettiez tous d'accepter ma domination.

Ils répondirent: Nous écouterons vos volontés et nous obéirons. Ils se soumirent à lui, en effet, et il devint leur émir. A dater de ce moment, il prononça des sentences de mort et dépouilla de leurs biens tous ceux qui tentèrent de se soustraire à son autorité. Cette situation

durait depuis quinze années, quand survinrent les événements dont Biskra fut le théâtre (1). Les habitants de cette ville furent attaqués par les Turcs, venus au nombre de cent quatre-vingts soldats et de cinq cents cavaliers auxiliaires.

Les gens de Biskra se défendirent et tuèrent quelquesuns des agresseurs. Alors El-Hadef dit aux Fetenassiens: Venez avec moi combattre les Turcs, si vous ne voulez que je commence par vous combattre vous-mêmes.

Mais, dans cet intervalle, les Turcs écrivirent en ces termes aux Fetenassiens: « Venez vous joindre à nous, autrement nous vous traiterons aussi en ennemis.

Les habitants de Fetenassa se dirent: Soyons du côté des Turcs, car notre tyran n'a pas de partisans. Et ils allèrent effectivement rejoindre les Turcs, de sorte qu'ElHadef resta seul avec ses esclaves pour défendre sa cause. On se battit contre lui depuis le matin jusqu'à l'heure de l'acer; il perdit vingt esclaves, et lui-même, blessé à la cuisse, eut son cheval tué. Au moment où il se trouva démonté, il se jetta sur un cavalier des Oulad-Saoula, et le tua pour s'emparer de sa monture. De nouveau à cheval, il combattit encore avec le même acharnement, allant toujours de l'avant sans jamais reculer, au point que ses ennemis eux-mêmes disaient: Que cet homme est courageux! Voyant qu'il ne pouvait plus résister, El-Hadef fit dire à sa mère de charger tout ce qu'il possédait sur des mulets, et de prendre rapidement la fuite parce qu'il avait les Turcs à ses trousses. Sa mère exécuta ses

(1) La première expédition des Turcs contre Biskra eut lieu sous le gouvernement du pacha Hassan-Agha, en 941 de l'hégire (1534. de J.-C.).

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