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liêrement accomplies et suivies par de nombreux fidèles Nedjéens; mais il serait difficile de rencontrer dans ces temples un seul Biadite, et les Biadites, non les étrangers qui assistent aux cinq prières, sont les véritables habitants de Mascate. Enfin, l'Oman, j'en ai peur, n'a guère plus de titre à se prévaloir de sa simplicité puritaine que Vienne ou Paris. »

Ainsi s'exprime M. Palgrave or, je connais personnellement deux Mozabites, Ouahbites Ibadites, fort instruits, qui ont complété leur pélerinage de La Mecque par un pélerinage dans l'Oman. L'un, qui est Cheikh de la Mosquée de Beni Sjen, y est demeuré plusieurs années; l'autre y a séjourné moins de temps, mais est en correspondance fréquente avec des docteurs Omanites. Or, tout deux m'ont affrmé que l'organisation religieuse de l'Oman est absolument celle de notre Mzab Ibadite, avec cette légère différence que l'Imamat s'y est conservé tel qu'il était en Afrique au temps d'Abd er Rahman ben Roustem et de ses successeurs. Tout ce que l'on dit du Mzab, peut être dit de l'Oman. Tous les livres religieux du Mzab, se rencontrent dans l'Oman, tous les docteurs de l'Oman suivent la tradition Ibadite au même titre que ceux du Mzab, du Djebel Nefous et de Djerba. IIs interdisent donc l'usage du tabac et de toute chose enivrante, ils exigent que les femmes soient voilées, ils veillent attentivement à la pureté des mœurs. En un mot, ils affectent ce rigorisme, que nous regardons comme caractérisque de l'Oued Mzab. Le Cheikh de Beni Sjen, se plaisait à me citer des traits de continence des anciens Imans Omanites, qui habitaient une des trois villes de l'intérieur, Ismaïl, Restak, Nezoua, et le Cheikh Amhammed dit dans son abrégé : « L'Oman est un pays maritime

de l'Arabie méridionale, qui doit son nom à Oman ben Baån ben Ibrahim el Khalil, C'est un pays d'élection; Notre Seigneur Mohammed a dit. « Certes, je jure que je connais un pays habité par les Arabes et nommé Oman et que le pélerinage des gens de l'Oman vaut deux autres pélerinages », et Zakaria ben Mohammed affirme que « dans l'Oman se sont rassemblés des dissidents Ibadites. Il n'y a là que des gens de cette doctrine excepté les étrangers. Ils sont de la secte d'Abd Allah ben Ibad lequel parut au temps de Merouan ben Mohammed, le dernier des Omméïades. » Dans un autre passage du même abrégé, le Cheikh Amhammed, énumérant siècle par siècle les principaux docteurs et Imams Ibadites tant de l'Oman que du Djebel Nefous, de Djerba, de Tiaret, de Ouargla, de l'Oued Rir et de l'Oued Mzab, fait une large part aux Omanites, notamment dans la seconde moitié du troisième siècle. Le Cheikh Omanite ben Baraka, de la fin du quatrième, est une des grandes autorités Ibadites. Une bonne part des livres de droit qui sont entrés dans l'abrégé intitulé Nil, lequel est aujourd'hui le code religieux des Mozabites, provient de l'Oman, et ce même Nil, immédiatement copié, est devenu populaire dans les écoles Omanites, si bien que l'exemplaire que j'en possède a été acheté à Maskate par un pélerin. Il se fait un échange continuel de livres entre l'Oman et le Mzab. Ajouterai-je, que, l'année dernière, M. le Gouverneur de l'Algérie reçut une députation de Savants de Zanzibar, dépendance de l'Oman, qui venaient lui demander l'autorisation de visiter leurs frères de l'Oued Mzab?

La contradiction entre ces deux déclarations est telle que l'une ou l'autre est absolument erronée, à moins que l'on admette que les Omanites ibadites sont tellement ré

duits et submergés par les étrangers, qu'ils sont indiscernables; mais comment auraient-ils échappé à un voyageur aussi clairvoyant que M. Palgrave ? Le mieux est d'avouer que la question reste entière.

Ce sujet du Ouahbisme, si digne de nos études, exige que nous insistions sur une autre partie de l'important ouvrage de M. Palgrave. La nouveauté de la proposition que je veux soumettre à la critique, et l'utilité des conséquences qui peuvent en dériver, seront une excuse suffisante à cette digression.

Nous devons à M. Palgrave le tableau le plus brillant et le plus exact qu'un voyageur, maître de la langue arabe et fait à la vie orientale, ait jamais tracé du centre de l'Arabie et des populations qui le couvrent. Quand son ouvrage parut, il excita une admiration véritable. Tout en était nouveau, les descriptions pittoresques comme les narrations historiques. Les dangers que l'auteur avait courus ajoutaient à son récit une sorte de charme. M. Palgrave avait pénétré le premier dans la cour et dans l'intimité des petits despotes Ouahbites; il mettait à nu les secrets de cette secte musulmane ennemie des Mahométans, qui put un jour braver le sultan, occuper la Mecque, résister aux armées de l'Egypte, et semble ne s'être retirée sur son plateau inabordable du Nedjed que pour s'y recueillir et préparer de nouveaux desseins. Les parties principales de son ouvrage sont assurément les deux chapitres dans lesquels il expose l'histoire des Ouahbites du Nedjed, depuis l'origine de la secte telle qu'il la conçoit, jusqu'à nos jours. C'est sur ces chapitres que je désire attirer l'attention. Je les résume en quelques pages:

<< Mohammed ibn Abd el Ouahb, dit M, Palgrave, fon

dateur de la secte des Ouahbites, naquit à Horeymelah, vers le milieu du siècle dernier. Comme beaucoup de nobles nedjéens, il se consacra d'abord au commerce; il se rendit à Bagdad et à Bassora, visita même, selon quelques auteurs, la Perse, l'Inde et Constantinople. Son trafic le conduisit enfin à Damas, où il se lia intimement avec de savants et dévots cheikhs de cette ville. Il était alors dans la plénitude de son intelligence et de sa vigueur physique; à la persévérance, au courage patient des Nedjéens, il joignait une puissance de conception bien rare chez ses compatriotes. Les leçons des cheikhs de Damas lui apprirent à réunir en système les idées qui flottaient dans son esprit; séparant les éléments essentiels de l'islamisme des dogmes et des rites que le temps y avait ajoutés, il revint à la pensée qui avait été le point de départ du Prophète, et résolut de la faire revivre. Il avait raison, puisque l'islamisme est stationnaire de sa nature. Stérile comme son Dieu, il repousse toute modification, tout développement. C'est une lettre morte, et, s'il s'en échappait quelque étincelle, les musulmans ne manqueraient pas de crier à l'hérésie.

« Après avoir passé six années à Damas, Mohammed retourna dans sa patrie. L'Arabie centrale était alors (1750) divisée en un grand nombre de petits Etats qui obéissaient à des chefs particuliers. Le culte de Djann, que l'on adorait à l'ombre des grands arbres ou dans les cavernes profondes du Djebel Touek, les honneurs rendus aux morts, les sacrifices accomplis sur les tombeaux, se mêlaient aux superstitions sabéennes; nul ne lisait le Koran, nul ne s'informait à quel point de l'horizon est située La Mecque; les cinq prières étaient mises en oubli; les dîmes, les ablutions, les

pèlerinages tombés en désuétude. Tel était l'état politique et religieux du pays, quand arriva le réformateur qui avait résolu de faire revivre au Nedjed les beaux jours de l'islamisme.

<< Pour pêcher un poisson, il faut le prendre par la tête », dit un proverbe arabe. Mohammed quitta Horeymelah, sa ville natale, et vint s'établir dans la grande ville d'Eyanah, sous la protection d'Ibn Maammer. Près des remparts de la ville s'élevait la sépulture de Saad, héros fabuleux qui était l'objet de la vénération populaire; on regardait sa tombe comme le palladium de la capitale nedjéenne, et l'on ne se lassait pas d'y apporter des présents, d'y offrir des sacrifices. C'était plus qu'il n'en fallait pour exciter l'indignation de l'apôtre. Mohammed imposa néanmoins silence à son zèle. Il se renferma dans sa maison, mena une vie paisible, n'essaya ni de prêcher sa doctrine, ni de se distinguer en rien de ceux qui l'entouraient. Sa prudence, son savoir, son éloquence, et aussi sa richesse, lui valurent bientôt l'estime et la popularité. Chacun le connaissait, chacun l'admirait; Ibn Maammer lui-même, se plaisait à le combler d'honneurs. Le Ouahbite sentit que le moment d'agir était venu. Un soir qu'il était assis sur la terrasse de sa demeure, il entendit un homme qui avait perdu son chameau invoquer à haute voix Saad, pour retrouver la bête. égarée. « Pourquoi ne pas vous adresser au dieu de Saad?» s'écria Mohammed de manière à être entendu, non seulement de celui auquel il s'adressait, mais de tous les passants qui encombraient le marché, car sa demeure en était fort proche. Un langage si peu ordinaire provoqua la curiosité, d'où naquit la controverse. La glace était rompue, et bientôt après les Eyanites furent divi

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