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Roustem avant d'être élevé à la lieutenance et au commandement visible. Voici l'origine de cette lieutenance. Les Musulmans qui avaient survécu aux combats d'Abou el Khottâb, s'étaient réunis aux environs de Trablės. Ils reprirent quelque force; leur nombre s'accrut. Alors ils feignirent d'avoir à se rassembler au sujet des affaires d'une femme musulmane maltraitée par son mari: en réalité ils désiraient attaquer les milices de Trablès et le gouverneur d'Abou Djafar, comme avaient fait les compagnons d'Abou el Khottâb une première fois, avant de constituer l'Imâmat. Or le gouverneur apprit leur réunion. Il envoya immédiatement vers eux cinq cents cavaliers

troupe de deux mille Sofrites Sanhadjiens... Omar Ibn Hafs acheta la neutralité d'Abou Korra au prix de 40,000 dirhem. Ibn Rostem voyant ses troupes attaquées et mises en déroute par un détachement de la garnison d'Omar Ibn Hafs, s'empressa de ramener à Tahèrt les débris de son armée. Omar délivré marcha contre les Berbers Ibâdites commandés par Abou Hatem; ils quittèrent leurs positions pour aller à sa rencontre Il profita de ce faux mouvement et se jeta dans Cairouan. Ayant approvisionné cette ville, il alla livrer bataille à Abou Hatem, mais dans cette rencontre, il essuya une défaite qui l'obligea à rentrer dans Cairouan. L'armée berbère ibâdite, forte de 350,000 hommes dont 35,000 cavaliers, cerna aussitôt la ville et la tint étroitement bloquée. En l'an 154, Omar Ibn Hafs perdit la vie dans un des combats qui marquèrent ce long siége. Abou Hatem fit alors un traité de paix avec la garnison de Cairouan à des conditions très-avantageuses pour elle, et il marcha sur le champ contre Yezid, fils de Cabiça, fils d'El Mohelleb, qui venait de l'Orient pour prendre le commandement de l'Ifrikia. L'ayant rencontré près de Tripoli, il osa lui livrer bataille bien qu'il eût été abandonné par son allié Omar ben Othman el Fihri, et que la disorde se fût mise parmi ses Berbers. Aussi, son armée fut mise en pleine déroute, et lui-même trouva la mort. Depuis l'époque où ils assiégèrent Omar Ibn Hafs dans Tobna, jusqu'au moment où cette guerre prit fin, les Berbers avaient livré trois cent soixante-quinze combats aux troupes de l'Empire. »> Ibn Khaldoun, t. 1, p. 222

commandés par un officier. Quand cette troupe atteignit les Ibâdites, l'officier leur dit : «Reconnaissez-vous l'Emir des Croyants? Ils répondirent : « Nous reconnaissons l'Emir des Croyants. » Ils songeaient intérieurement à Abou el Khottab (qu'Allah l'agrée) et l'officier comprenait Abou Djâfar. Les cavaliers revinrent près du commandant de la milice dans la ville de Trablès el lui annoncèrent que ces gens-là reconnaissaient l'autorité de l'Emir des Croyants; mais cela ne lui suffit pas. Cependant les plus considérables des Musulmans se réunissaient pendant la nuit, et convenaient de constituer la lieutenance en faveur d'Abou Hatem. Son gouvernement devait être un gouvernement fort. Cette lieutenance fut en effet constituée, et le lendemain ils virent venir vers eux le commandant des milices en personne avec un grand nombre de cavaliers. Quand il les eut joints, il leur dit : « Reconnaissez-vous l'autorité de l'Emir des Croyants ? » Ils répondirent: «Nous reconnaissons l'Emir des Croyants. >> Il leur dit reconnaissez l'Emir des Croyants Abou Djâfar?» Ils répondirent: « Qu'Allah te maudisse et maudisse avec toi Abou Kafir (4). Ils voulaient dire Abou Djafar, surnommé aussi l'homme aux pièces. Le commandant des milices commença l'attaque, et l'affaire fut très-vive mais Abou Hatem les repoussa à la tête de ses Musulmans (2) et des Berbers qui avaient pour la plupart

(1) Ce jeu de mots n'est compréhensible que si l'on prononce comme il convient le surnom du khalife Omméïade Abou Djafir, appelé communément Abou Djafar. Abou Kafir signifie le « père du mécréant. »

(2) Les Ibadites n'admettent comme musulmans que les seuls Ibadites. Ils désignent les autres sectateurs de Mahomet par le nom d'Unitaires. Dans tout ce récit, le mot musulmans est l'équivalent de Compagnons de l'Euvre, Gens de l'Euvre.

accompagné d'Abou el Khottâb. Il entre à leur suite dans la ville de Trablès et fit un grand massacre de ses ennemis,

C'est ainsi qu'Allah fit fuir les ennemis par les mains d'Abou Hatem. Or, dans la foule des Berbers qui le suivaient, il en était dont les regards n'etaient point tournés vers la religion pure; ils ne faisaient qu'obéir aux ordres des Musulmans et à leurs commandements. Ils allaient sur le champ de bataille et dépouillaient les morts de leurs vêtements. Abou Hatem en fut grandement irrité pour l'honneur de la religion, et leur dit : « Les musulmans ne doivent pas, quand Allah leur accorde la victoire sur des gens qui professent l'Unité, poursuivre les fuyards, achever les blessés, dépouiller les morts; mais ils doivent dire à leurs ennemis, quand ils fuient : « Revenez vers vos morts, enterrez-les, et prenez leurs vêtements. » Maintenant, si vous ne rendez pas les objets que vous avez pris, je me démets de votre gouvernement, j'abandonne votre lieutenance, je vous la rejette. Quand ils eurent entendu ces paroles, ils obéirent et rendirent les dépouilles des morts. Abou Hatem (qu'Allah l'agrée) entra donc dans la ville de Trablès avec la troupe qu'il poursuivait. Il y resta ce qu'il plut à Allah. Ensuite il en sortit, et se dirigea vers l'Ifrikia.

On rapporte qu'une armée sortit de l'Ifrikia et marcha contre Abou Hatem. I alla au devant d'elle et la combattit. Allah lui donna la victoire. Il se montra clément envers les vaincus, empêcha de poursuivre les fuyards, d'achever les blessés et de dépouiller les morts. Il courut pour cela au-devant de ses gens et leur interdit de telles violences. Quand il fut arrivé devant la ville de Kirouân, il l'assiégea, et la contraignit par un long blocus.

Aussi les habitants vinrent lui faire leur soumission et lui jurėrent fidélité, excepté l'entourage d'Ibn el Achât qui se fortifia dans la maison de commandement. C'était des gens qui étaient venus d'Orient avec lui. Abou Hatem les assiégea pendant une année. Après être entré dans la ville, il exila ce qui restait de la milice d'Ibn el Achat; il leur donna, par groupes de cinq, une guerba et une perche pour la porter; en outre, un couteau (?) pour se tailler des chaussures, et un pain pour subsister en route. Les prisonniers se mirent ensuite en marche vers l'Orient. Un de nos compagnons a rapporté que le Sedrati puni pour vol qui était venu avec les soldats envoyés d'Orient par Abou Djâfar, se repentit du mal qu'il avait fait à ses frères et aux gens de sa doctrine, ayant amené chez eux les ennemis. Il alla donc se joindre au reste des prisonniers comme s'il voulait aller en Orient, et eux, crurent en effet qu'il se proposait de les ramener dans leurs demeures; mais il les égara, et leur fit prendre un chemin sans eau. Ils périrent tous jusqu'au dernier, et ils étaient fort nombreux. Allah sait comment la chose se passa.

Affaire de Mermedès (1). On rapporte qu'Abou Hatem eut nouvelle d'un avant-garde partie d'Orient. Il sortit de Trablés et rencontra l'ennemi eu un lieu nommé Mermedès, à quatre jours de la ville. On en vint bientôt aux mains, et l'affaire fut très meurtrière; mais Allah mit en fuite les ennemis, et leur fit tourner dos devant Abou Hatem. Il en tua seize mille. Or on raconte qu'un homme de la ville, avisant un des Compagnons de l'OEuvre, lui dit : « Quel est le sens de Taourgha ? » Il lui rappelait ainsi pour lui faire injure, la mort d'Abou el Khottâb et

(1) Ou mieux: Maghmadas.

de ses compagnons (qu'Allah lui fasse miséricorde). Notre compagnon était d'un esprit éveillé et fin; il répondit : << Cela signifie Mermedès. Il y a là quatre meules. On compte quatre mille hommes dans chacune. » Abou Hatem, après ces succès, revint à Trablès et continua de gouverner avec justice.

MORT D'ABOU HATEM ET DE SES COMPAGNONS

(qu'Allah leur fasse miséricorde).

On rapporte que, pendant qu'Abou Hatem était à Kirouân, quelques Orientaux restés dans la ville, et des dissidents, envoyèrent secrètement une lettre à Abou Djâfar. Ils se plaignaient d'Abou Hatem. Le Khalife envoya contre lui une armée nombreuse commandée par Yezid ben Hatem el Azdi. Quand cette armée partit du Caire et qu'Abou Hatem en eut nouvelle, il rassembla ses compagnons et les Kabyles les plus proches des Nefousa, des Houara (1), des Souicha et autres tribus ber

(1) Les Houara sont une branche de Berbers descendants de Bernès. On les appelait : « Enfants de Tiski » ainsi que leurs frères les Sanhadja, les Lamta, les Guezoula, les Heskoura. Au moment de la conquête arabe, ils habitaient la province de Trables et les environs de Barca. Les uns étaient fixés au sol, les autres nomades. Une fraction de Houara alla s'établir dans le désert à côté des Lamta voilés, et le nom «Houara» y est demeuré sous la forme «Heggar» (Djebel Hoggar). Ils adoptèrent rapidement l'ibâdisme et combattirent sans cesse contre les Arabes. Leur alliance avec les Nefousa les rendait redoutables. Ils remportèrent leur plus grand succès en 811, quand, de concert avec les Nefousa, et sous la conduite de Abd el Ouehhab ibn Rostens, seigneur de Tehèrt, ils bloquèrent dans Tripoli Abou Abbas, fils d'Ibrahim, Ibn el Aghleb. Le sultan aghlebite leur acheta la paix. Plus tard, quand les Fatemites ruinèrent la puissance des Rostemides de Tahèrt, ils embrassèrent l'hérésie des Nokkar (qui est une exagération de l'ibâdisme), et soutin

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