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un silo mûré rempli de blé, et quand l'ouverture eut été bien nettoyée, son fils y descendit pour voir dans quel état le blé se trouvait. Il dit à son fils: « Comment est le blé ? » Le jeune homme répondit : « Ce blé-là est le blé du Paradis. » --- « Remonte », lui dit Abou Eïoub. Quand le jeune homme fut sorti, il donna à chaque homme de la fraction deux grandes mesures de blé, et continua de distribuer tout ce que le silo contenait jusqu'à ce qu'il l'eut épuisé. Un autre jour, des gens de la montagne ar

vons pas y abolir l'excellent instrument de gouvernement qui s'y est conservé.

Je puis citer à ce propos, un passage fort instructif du Mandement du Cheikh Amhammed Atfièch de Beni Sgen: « Récemment, des savants d'Orient avaient envoyé en Occident une énigme regardée comme insoluble, dont désespéraient également les Polythésistes et les Unitaires. Cette énigme vint dans les mains de l'auteur de ce livre, Amhmmad Atfièch el Mizâbii: il la résolut par la grâce d'Allah (qu'il soit exalté). Il avait pensé que, s'il en venait à bout, les Commandants de France et les gens qui désiraient avoir cette solution, le remercieraient et lui feraient des offres, lui disant: Choisis », et lui donneraient ce qu'il aurait choisi. Il leur aurait demandé qu'ils relâchâssent un peu de leur autorité vis-à-vis des Unitaires, qu'ils supprimâssent l'impôt (lezma) ou voulussent bien en diminuer, qu'ils contraignissent les Musulmans à ne rien ordonner que de conforme à la loi religieuse, qu'ils effrayâssent les pervers et les ambitieux, de sorte que l'institution du mariage ne fût jamais altérée, et que les gens qui boivent ou se livrent à la débauche pussent être châtiés comme il convient par les Musulmans. Enfin il aurait demandé que les Croyants fussent toujours libres de faire le pélerinage. Si les Français ne peuvent pas accorder ces faveurs à tous les Musulmans, qu'ils les accordent au moins aux Beni Mîzâb............... J'ai lu dans quelques livres que les Chrétiens sont les gens les moins généreux du monde. Ils disent presque tous: « ne donne rien aux gens, pour qu'ils travaillent et gagnent leur vie. » Mieux vaudrait qu'ils les aidâssent, et les contraignissent à craindre la religion.»

rivèrent chez lui dans une année de grande disette, affamés et amaigris. Abou Eïoub les considéra avec compassion, les interrogea sur leurs souffrances, puis leur offrit à tous l'hospitalité. Ils demeurèrent chez lui pendant un mois tous les matins et tous les soirs, il fit égorger un mouton pour eux, en tout soixante moutons, sans compter le couscous. A la fin, ces gens apprirent que les vivres étaient à bon marché dans Djerba, et ils résolurent d'y envoyer quelques-uns d'entre eux pour faire des provisions; mais auparavant, ils députérent Abou Mesour Ichedjâ ben loudjin (qu'Allah l'agrée) pour faire part de leur projet à Abou Eïoub. En effet, Mesour communiqua à Abou Eïoub le désir des Anciens, mais ce dernier lui répondit : « On a trouvé écrit sur un fragment de pierre les trois paroles suivantes : premièrement, on ne s'aventure sur mer que si l'on est un aventurier ou un ignorant induit en erreur; secondement, mon bien est mon bien tant qu'il est dans mes mains, et s'il est dans les mains d'un autre, il ne me reste plus que le droit de le réclamer; troisièmement, celui qui donne son bien à terme devient malade de la pleurésie. » Abou Mesour revint vers les Mchèkh et leur rapporta les paroles d'Abou Eïoub. On raconte aussi qu'il sortit une fois avec quelques-uns de ses amis pour faire une tournée pastorale dans la montagne des Nefousa. Comme ils étaient en route, ils virent de loin une troupe qui se dirigeait de leur côté, et ils crurent y reconnaître des soldats de l'ennemi. Ils descendirent de leurs montures, s'enfuirent dans la montagne et s'y cachèrent. La nuit vint, et Abou Eïoub pensa bien que certainement ils resteraient là sans souper. Il dit alors : « J'ai mille qoufiz de farine en mesures de Djerba, et autant d'huile qu'il faut pour les accom

moder, ét voilà que je vais passer la nuit sans souper. Certes, il vaut mieux posséder la piété dans son cœur. » Les gens qu'ils avaient eraint passèrent près des mulets des Mchèkh: ils les reconnurent et les emmenèrent.

CINQUIÈME SCHISME PARMI LES IBADITES;

FAITS CONCERNANT ES SEKAK ET LA FORMATION DE SA SECTE.

Un grand nombre de nos Compagnons ont rapporté qu'Es Sekâk avait été surnommé Abd Allah, et que son père était un homme pieux. Son père était allé en pélerinage avant sa naissance, et, comme il voyageait, il avait và en songe un démon naître chez lui. Quand il revint dans son pays, à Qantrâra, il trouva qu'il lui était né un garçon, et il l'appela Abd Allah au lieu de 'Abdallah (1). L'enfant grandit; quand il en fut temps, son père le fit entrer à l'école; il y lut, il y apprit le Koran par cœur ; ensuite, parvenu à la puberté, il eut le désir d'étudier les sciences, il en prit ce qui lui convint, et alors il se mit à concevoir des opinions fort différentes de celles des gens d'équité. Elles sont au nombre de sept. (2) Premièrement, il

(1) Le jeu de mots que fit le père d'Es Sekak est facile à comprendre, si l'on considère que que nous représentons en français par Abd Allah signifie « éloigné d'Allah, fuyant Allah (ferum et a consuetudine alienum evasit animal), tandis que las que nous représentons par Abd Allah, signifie serviteur d'Allah. »>

(2) Bien que Es Sekâk ait été qualifié de mécréant et même de mouchrik (polythéiste) par les autres Ibâdites, son schisme nous semble déduit rigoureusement de la conception première des fondateurs de la secte, et en être la fin, pour ainsi dire. La seule parole d'Allah exprimée dans le Coran, est la règle de ces Puritains, et qui y ajoute est aussi coupable que qui en re

regardait comme nulles et non avenues la Sounna du Prophète (que le salut soit avec lui), et les décisions des Musulmans; il soutenait à ce propos que le Très-Haut qui a

tranche. Ils admettent la Sounna, comme les Orthodoxes, ils admettent aussi que les décisions prises par l'Assemblée des Musulmans ont une valeur légale; mais ils sont loin d'attribuer à ces deux compléments de la loi autant de valeur que les Malėkites et leurs semblables. Qu'est bien la Sounna âÃ1⁄4 ? Freytag la définit justement : « les dires et les actes de Mohammed, qui sont une seconde loi pour les sectateurs du Koran. Or, ces actes et ces dires ont été rapportés par la tradition, et les Ibâdites rejettent une bonne part de ce que les Orthodoxes admettent dans la tradition. L'édifice entier s'ébranle avec la base. Quant aux décisions des Musulmans, elles ne peuvent être valables aux yeux d'un Ibâdite que si elles ont été prises par des Ibâdites, et voici le cinquième schisme que la chronique nous signale parmi les Ibâdites. Ne vaut-il pas mieux s'en tenir au Koran lui-même ? Un autre point très remarquable du schisme de Sekâk est que le croyant, dans sa prière, ne doit réciter du Koran que les parties dont il comprend le sens. Cette exigence ne serait pas du goût des Orthodoxes, mais elle ne saurait être absolument repoussée par les Ibâdites. Nous avons déjà cité un passage du Kitâb el Ouad'a, d'après lequel il est obligatoire pour tout Musulman ibâdite de comprendre le sens des paroles obligatoires qu'il prononce pendant la prière. Concernant l'appel à la prière, s, Es Sekak était en opposition directe avec ses frères; il suffit, pour s'en convaincre, d'avoir habité quelques jours une ville de l'Ouâd Mezâb. Cependant cette coutume n'est pas absolument inhérente à l'islamisme en tant que doctrine: « Dans le principe, on n'annonçait pas les prières, aussi le Prophète et ses disciples ne priaient pas tous à la même heure. Mahomet résolut de régulariser luimême les heures des prières et de les faire annoncer; mais il lui répugnait de se servir de cloches ou de trompettes; il ne voulait point imiter les Chrétiens ou les Hébreux. Un ange vint apprendre à 'Abd Allah Ibn Zeid comment il fallait décider la question. L'ange monta sur le toit de la maison et annonça la prière avec les mêmes paroles qui sont d'usage aujourd'hui. 'Abd Allah s'empressa d'aller raconter sa vision à Mahomet qui, à l'instant même, ordonna à Bilâl, un autre de ses disci

favorisé de son livre les hommes pourvus d'intelligence, a voulu qu'il leur suffit; secondement, il disait que la prière en commun est une innovation; troisièmement, que l'appel à la prière est une innovation; quand lui et ses amis entendaient cet appel à la prière, ils le comparaient au braiement des ânes; quatrièmement, il

ples, de monter sur le toit de la maison où ils étaient et d'annoncer la prière comme l'avait fait l'ange.» (Perron, trad. de Sidi Khell, dans l'Expl. scient. de l'Algérie, t. 10). La plaisanterie d'Es Sekâk et de ses partisans avait été déjà faite la première fois que la prière musulmane fut annoncée à la Mecque. Le texte porte bien : << la prière en commun »

C'est donc bien la prière en commun, et .الصلاة بالجماعة

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non la prière du vendredi, &, que voulait interdire Es Sekak. Cela même est une conséquence forcée des tendances des Ibâdites qui sont en tout beaucoup plus secrets que les Orthodoxes, et font toujours prévaloir la contrition intérieure sur les démonstrations extérieures. Un jour, comme on interrogeait un de leurs premiers docteurs sur la prière à haute voix, il rẻpondit: « Quoi, vous ne divulguez ni vos affaires, ni votre fortune, et vous livrerez aux passants le plus précieux de vos biens, votre religion!» Par suite, Es Sekak devait abolir la prière du vendredi, qui est la prière en commun par excellence, et qui d'ailleurs n'est pas obligatoire au même degré que les autres prières, puisqu'il faut que le fidèle qui s'en acquitte soit å demeure fixe dans la localité où il prie, ou bien habite dans une hutte ou cabane, mais non sous la tente. En outre, cette prière doit être faite dans une djami' ou grande mosquée bâtie en maçonnerie et désignée particulièrement pour la cérémonie publique du vendredi. Les trois dernières opinions particulières d'Es Sekak sont relatives au chapitre si important dans la législation musulmane des choses pures et des choses impures. Encore en cela les Ibâdites raffinent plus que les Orthodoxes, et nous ne sommes pas surpris de voir Es Sekâk déclarer que la prière de l'homme dont les vêtements contiennent des poux est abolie. Nos Ibadites admettent, comme les Orthodoxes, que les poux étant privés de sang, sont rangés avec les mouches, les fourmis, les sauterelles, les scorpions, etc., dans la catégorie des choses pures.

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