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gros intestin du mouton est chose sale et par conséquent interdite. Ils voulurent s'en assurer par une expérience, et le repas qu'ils lui offrirent consista en un plat de cous

d'Abou Ghaboul, personnage dont la postérité en ligne directe y a toujours exercé la souveraineté.

a A vingt journées au sud de Ouargla, en tirant vers l'Ouest, on trouve la ville de Takedda, capitale du territoire occupé par les peuples qui portent le litham. C'est là où se donnent rendezvous les gens du Soudan qui vont faire le pèlerinage à la Mecque. Fondé par les Sanhadja, porteurs du litham, Takedda est encore habité par ce peuple. Le chef qui y gouverne, avec le titre de sultan, appartient à une bonne famille sanhadjienne. Il est en correspondance avec l'émir du Zab, auquel il envoie et dont il reçoit des lettres et des cadeaux. » (Hist. des Berb., trad. de Slane, t. I, p. 285).

Ibn Khaldoun, suivant lequel la postérité d'Abou Ghaboul aurait toujours exercé la souveraineté à Ouargla, ignore absolument les faits consignés ci-dessus dans la Chronique. Je réserve pour une étude suivante la ruine de la Ouargla ibâdite, car elle est postérieure à la fondation des premières villes de l'Ouad Mezab. Voici, du moins, ce que le cheikh des 'Azzába de Beni Sgen, auquel je dois mes premières leçons d'histoire ibadite, m'a appris de l'oasis de Ouargla : « Les premières cultures, dans cette oasis, remontent à la plus haute antiquité. La première ville importante qui y ait été fondée le fut par des Sedrata, et se nommait Isedraten. Ouargla est de beaucoup postérieure, et ne s'accrut qu'après la ruine d'Isedraten. Les doctrines ibâdites se propagèrent dans cette oasis en même temps que les Rostemides s'établissaient à Tahèrt; mais les dissidents y étaient nombreux; cependant, les Ibadites purs y prédominèrent quand le dernier imâm, Yagoub, vint s'y fixer, et quand Mohammed Sèh el Abou 'Ammâr 'Abd el Kafi, y organisèrent définitivement la halqa des 'Azzába. Cela dura jusqu'au temps d'Ibn Ghania (commencement du XIII siècle de l'ère chrétienne. Cf. Ibn Khaldoun, t. II, p. 86, sq.), qui ruina l'oasis. Les Ibâdites de Ouargla refluèrent alors vers leurs frères de l'Ouad Mezab, et cette émigration se continua dans les siècles suivants, de sorte que Ouargla ne contenait plus, au temps des Turcs, que quelques Ibadites. Trois portes, à Ouargla, rappellent encore les noms des trois plus célèbres docteurs de l'Ibâdisme: Bab Abi Ishaq; Bab

cous surmonté de saucisses qui contenaient des fragments d'intestins. Abou Soulimân vint après la prière de l'Asr et s'assit; mais quand on lui présenta le plat ainsi préparé, il prit une des saucisses, la fendit, sentit l'intestin qu'elle contenait et la jeta loin de lui, en disant : « Cette nourriture est sale. » Son hôte répondit : « Que dois-je en faire ?» — « Creusez un trou, dit Abou Soulimân, et enterrez-la. » Il refusa formellement d'en manger. Ce fait vint bientôt à la connaissance d'Abou Çalih Djenoun ben Imriân (qu'Allah l'agrée). Il jeûnait à ce moment; mais il craignit que l'interdiction dont Abou Soulîmân venait de frapper l'intestin du mouton ne fût cause d'une scission dans le peuple de Ouârdjlân. Déjà les doutes s'élevaient, et les hôtes d'Abou Soulimân avaient résolu de n'y point toucher, à moins que le Cheikh luimême n'en mangeât. Il alla donc avec ses amis dans la maison où se trouvait le plat refusé par Abou Soulîmân.

Aberrabia, ou plus correctement, Bâb Abou er Rebi'a; Bab 'Ammâr. Cet 'Ammâr n'est autre que Abou 'Ammâr 'Abd el Kâfi. Un des cheikhs le plus souvent invoqués à Ouargla, est Abou Sannân, un Ibâdite. Ce sont les gens de Ouargla qui ont commencé le commerce avec le Pays des Noirs. Ils allaient y échanger du sel contre de l'or. Le cheikh ibâdite Yousef ben Ibrahîm inaugura la traite des nègres. Il alla dans un pays du Soudan, nommé Raroua, sur le bord de la mer de Kolzoum; le roi de ce pays se nommait Ebenoo, son trésorier, Messerem. Ce roi fut assez fou pour ordonner une fois à ses sujets de lui amener une montagne; mais ces derniers répondirent, dans leur langue « takiri » : (elle ne veut pas ou cela est impossible), etc. » Le cheikh Amhammed Atfièch, dans son mandement, regarde, au contraire, Isedraten comme postérieure à Ouargla; il dit, en effet : « Il y avait dans Ouargla, plus de cent vingt villages ou villes. L'oasis fut envahie par Iahîa ibn Ishaq, et détruite à la suite d'une longue guerre ; Sedrata fut alors peuplée. Ce centre devait son nom à une fraction considérable de Sedrata, venus de l'Ifrikta. »

On le fit entrer; il demanda de l'eau, se lava les mains, se fit apporter le plat, et en mangea à sátiété, lui et ses amis. Il en résulta entre lui et Abou Souliman une longue et violente dispute, à la suite de laquelle il dit à son adversaire : «Si tu le veux, faisons appel à la malédiction divinè.>> ‚» « Soit,» répondit Abou Soulîmân (4). Ils convin

(1) On voit par ce passage et par un autre passage précédent, (p. 160 et 161) que les Jugements de Dieu ne sont pas particuliers à notre Moyen-âge. Ce sont là de véritables duels théologiques, dont le résultat doit être que le parti vaincu soit frappé de faiblesse et disparaisse bientôt. Tel est le signe de Dieu. En maint endroit de la Chronique, nous relevons des textes tels que celui-ci : « Allah leur ayant donné pour héritage la confusion et la honte..... ils furent réduits au dernier degré de l'impuissance....., etc. » Même dans cette secte ibadite qui fait profession de mépriser la force brutale plus que toute autre, la puissance et l'éclat de la domination sont regardées comme des preuves évidentes de la faveur divine.

Le culte de la force, qui nous choque si souvent dans notre Afrique dégradée par de longues guerres, a son origine religieuse. Il est vrai que l'argument du chroniqueur pourrait être retourné contre lui-même, car les Ibâdites ont été réduits à peu de chose depuis le temps d'Abd er Ralıman ben Roustem et de ses successeurs; mais ils ne manquent pas de bonnes raisons pour se tirer d'embarras. Ils soutiennent alors que la vertu ne saurait être le partage du plus grand nombre, et que les « peu nombreux » sont précisément ceux qu'Allah aime par-dessus tous. Je puis citer à ce propos un fragment du Mandement du Cheikh Amhammed Atfièch de Beni Sgen: « A la suite de l'invasion arabe, dans le cinquième siècle après l'hégire, les gens de Vérité furent affaiblis et disparurent de beaucoup d'endroits jusqu'à ce qu'ils fussent réduits à l'état de secret dans lequel ils sont maintenant; mais l'Envové d'Allah (que le salut soit sur lui) a dit : « l'arbre du Paradis est pour ceux qui s'éloignent,b. On lui demanda : « Qui sont ceux qui s'éloignent. Il répondit : « Ceux qui restent purs et prient pendant que les autres se livrent au désordre. » Suivant une autre version, il aurait répondu : « Ceux qui sont peu nombreux dans la foule, et sont hats par le grand nombre. » Omar ben el Khottab ayant entendu un homme qui disait :

rent du vendredi pour cette épreuve. Le cheikh commença par adorer Allah et le pria de témoigner publiquement sa faveur au parti qu'il agréait. Quand le vendredi fut venu, ils tirérent au sort entre Krîma et Tiserserin. Abou Soulîmân alla à Krima, et le cheikh à Tiserserin, où il construisit un mçolla que l'on connait encore aujourd'hui. Ils restèrent longtemps chacun sur sa colline, invoquant Allah contre le corrupteur, puis ils revinrent. Allah démasqua Abou Soulimân, et tous ceux qui avaient suivi ses traces eurent un triste sort. Abou Soulîmân avait rendu sept décisions fameuses; nous les mentionnerons seulement, nous réservant de les réfuter plus tard avec les autres prétentions des Ibâdites dissidents, s'il plait à Allah. La première est que le gros intestin du mouton est haram; la seconde, que le veau extrait du ventre d'une vache égorgée est haram; la troisième, que la sueur d'un homme qui a négligé l'ablution principale est impure; la quatrième, que la sueur d'une femme dans un certain état est aussi impure; la cinquième, que le sang coagulé dans les veines d'un mouton égorgé (?) est haram; la sixième, qu'il n'est pas permis de jeûner le jour de doute; la septième, qui est interdit d'offrir la zekka aux collatéraux. (4)

« Seigneur, range-moi parmi les peu nombreux », lui demanda De quels gens veux-tu parler? » L'homme répondit : « Je me suis rappelé cette parole divine : « Il y a peu d'hommes qui me louent dignement. » Il est dit dans les Hadits que « le commencement de la religion est l'éloignement, et que l'éloignement en est la fin. » Certes la doctrine des Ibådites n'est pas diminuée par le petit nombre de ses sectateurs. Allah a dit le bien et le mal ne sont pas ensemble; et le mal, même s'il domine, ne saurait plaire. »

(1) On sait que la Zekka, ou mieux Zakđa (ś pureté, purification), est un don que tout Mahométan doit prélever

TRADITION CONCERNANT ABOU ER REBIA SOULIMAN BEN

ZERGOUN EN NEFOUSI.

Le cheikh dirigeant Abou er Rebi'a Soulîmân ben Zergoun en Nefousi, habitait Tâdiout. Il y avait sa maison

sur une certaine partie de son bien en faveur des pauvres et pour l'entretien de divers services publics. La Zekka est d'obligation personnelle. D'après les Hanafites, les enfants et les fous en sont exempts; d'après les Malekites, ils doivent la payer. Chez les Ibâdites, il y a divergence sur ce point. Cet impôt d'institution divine et invariable, ne frappe que l'or et l'argent, les marchandises dont la valeur est exprimée en argent, et les troupeaux, excepté les chevaux, les mulets et les anes. Il est nécessaire que le Mahometan possède un minimum de fortune déterminé pour qu'il soit obligé de le payer. Ce minimum est dit niçâb ❤haj. Ainsi, le niçâb de l'argent est 200 dirhem (environ 100 francs), c'est-à-dire qu'au-dessous de 200 dirhem, le Mahométan ne doit pas la Zekka. Il y a pareillement un niçâb des moutons, un niçâb des chameaux, etc. Chez tous, Orthodoxes et Ibâdites, le niçâb de l'argent est 200 dirhem. Le niçâb de l'or, chez les Orthodoxes est 20 dinars, équivalent de 200 dirhem; chez les Ibâdites, d'après le Kitab en Nil, il est 20 mitsqâl, qui valent à peu près 240 dirhem. Tous fixent la Zekka, en se servant de termes différents, à 2,50 pour cent. Le niçâb des moutons est 40. Au-dessus de ce nombre jusqu'à 120, le propriétaire donne un mouton pour la Zekka; au-dessus de 120 jusqu'à 200, il en donne deux; de 200 à 300, il en donne trois; de 300 à 400, quatre, et ainsi de suite. Le niçâb des boeufs et vaches est 30. De 30 à 40, le propriétaire donne pour la Zekka un veau de deux ans ; de 40 à 60, il donne une vache de trois ans ; de 60 à 70, deux veaux de deux ans; de 70 à 80, deux vaches de trois ans et un veau de deux; de 80 à 90, deux vaches de trois ans. Telle est la règle suivie par les Orthodoxes. Chez les Ibâdites (Kitab en Nil), le niçâb des bœufs et vaches est 5. De 5 à 25, ils donnent pour la Zekka un mouton; de 25 à 35, un veau d'un an; ensuite, de dix en dix, un veau de deux ans, puis une vache de trois ans, etc. Le nicâb des chameaux est 5, chez les Ibâdites comme chez les Orthodoxes, et la Zekka consiste alors en un mouton par 5 chameaux, jusqu'à 25; de 25 à 35 chameaux, la Zekka consiste en un jeune

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