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une réception magnifique, puis les habitants lui proposérent de le nommer leur Imâm; mais il refusa. Sa réponse, qui est devenue un proverbe, fut: « Un seul cha

« Je parlerai maintenant des devoirs du Cheikh vis-à-vis de la Mosquée. Il n'en a aucun de ceux qui sont obligatoires aux gens de la halqa, si ce n'est la consultation, li; car c'est

à lui qu'elle revient toujours, importante ou non, et personne ne peut remuer sans le consulter. Il est le Ghouts, le grand. Si cette loi n'était pas observée entre les gens de la halqa, ils seraient incapables de discernement, et qui n'est pas capable de discernement est errant, égaré, hors de la voie droite. Le TrèsHaut a dit : « Je les égarerai dans des voies qu'ils ne connaissent pas. »

Les gens qui lient et délient investissent le Cheikh. Ils considèrent qui d'entr'eux possède au plus haut degré la science, la tradition, la gravité et la contrition, et ils en font leur chef en matière de religion.

« Un des membres de la halqa est Mouedden; trois instruisent les jeunes gens dans l'école; cinq lavent les morts; un prie devant la foule (imâm); deux, qui n'ont pas une grande fortune et sont sans enfants, gèrent le bien de la mosquée. Un membre de la halqa est chargé de distribuer la nourriture aux 'Azzâba, aux élèves et aux jeunes gens. Un autre est chargé d'entretenir les nattes et de faire balayer; il empêche aussi les animaux d'entrer dans la mosquée. »

Dans la pratique actuelle de l'Ouad Mezab, les 'Azzába de chaque petite ville doivent être douze au moins, dont trois chargés de l'instruction, cinq du soin de laver les morts, un de la présidence de la prière, un de l'appel à la prière, deux de la gérance des biens de la mosquée. Le Cheikh n'est pas compté parmi ces douze, qui reproduisent le nombre des Apôtres. Je me borne à la citation précédente, par ce qu'il nous suffit, au point historique où nous sommes parvenus, de connaître la nature et la composition du conseil qui hérita des pouvoirs de l'Imâm. La Règle d'Abou 'Ammar 'Abd el Kâfi nous fournit encore d'autres détails, notamment en ce qui concerne la discipline intérieure des clercs et leurs rapports avec les laïques; mais je les réserve pour une étude postérieure. Je dois ajouter que, dans le texte d'Abou 'Ammår 'Abd el Kafi, les initiés du premier degré auxquels sont assimilés les 'Azzába d'ordre inférieur sont dits Boudala et non Bouhala (insensés, illumi

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meau ne couvre pas un troupeau de moutons. » Il demeura longtemps à Ouârdjlân. Il avait deux fils et deux filles, tous quatre de la même mère; mais il ne voulait point les marier. Or, un jour il reçut la visite de Mchekh de Ouârdjlan, parmi lesquels l'un représentait les laïques, l'autre les ecclésiastiques. Ils lui dirent : « Que ta main se consume; choisis. » Il répondit : « S'il faut absolument que je choisisse, je préfère les hommes de prière. » Il maria en effet ses filles à deux de ces derniers, Ahnoun ben el Loulou et Mo'az ben Mohammed. Ahnoun avait déjà une autre femme qui conçut un chagrin mortel de son mariage avec la fille de Yagoub. Elle expira quelque temps après.

Un jour, des gens de Ouârdjlân interrogérent Yagoub et lui dirent « Sais-tu le Koran tout entier par cœur? » Il répondit : « Eh quoi, tout ce qu'Allah a inspiré à Mousa et à 'Aïsa, je le sais, je le connais, et je ne saurais pas ce qu'il a inspiré à notre Prophète (que sur lui soit le salut!) »

Yagoub ben Felah(1) priait avec ferveur pendant la nuit.

nés), comme le voudrait la tradition des Orthodoxes. Doit-on voir là une différence caractéristique, et admettre que les fbâdites, moins superstitieux que les Orthodoxes, refusent de regarder la folie comme une marque de la faveur divine? Le sens de Boudala, tel que je le trouve écrit, l, dérive de Ja, qui signifie, à la cinquième forme, a a été changé. » Si le copiste avait négligé de pointer le 3, ce qui est possible, ce mot, devenu, dériverait de J, qui signifie, à la cinquième forme « n'avoir cure, » et, à la huitième, « mépriser la parure. »

(1) Ibn Khaldoun, dont on ne saurait contester l'autorité, en fait de chronologie, et qui, d'ailleurs, se trouve à peu près d'accord avec notre Chroniqueur, chaque fois que ce dernier nous donne une date précise, assigne l'année 909 de l'ère chré

Or, une nuit, comme il priait dans sa chambre, le toît de cette chambre s'écroula, hormis une poutre qui se trouvait précisément au-dessus de sa tête. Il resta dans la

tienne à la marche du missionnaire Abou 'Abd Allah vers Sidjilmassa. C'est dans cette marche que la Tiaret ibâdite fut ruinée. Par conséquent, le dernier Imâm des Ibâdites, Yagoub, se retira à Ouargla en l'an 909, et la durée totale du gouvernement des Rostemides est comprise entre l'année 761, date de l'avènement d'Abd er Rahman et cette année 909. Elle fut donc de cent quarante-neuf ans. Nous répétons que Ibn Khaldoun nous donne des renseignements suffisants en ce qui concerne 'Abd er Rahman ben Roustem, mais qu'il est déjà inexact et surtout fort incomplet en ce qui touche 'Abd el Ouahâb. Il semble ignorer leurs successeurs. Or, 'Abd el Ouahâb étant mort, au plus tôt, en 812, et au plus tard, en 820 de notre ère, c'est bien un siècle d'histoire que nous a déjà restitué la Chronique d'Abou Zakaria. Cependant, on ne saurait admettre sans discussion la durée des règnes que le Chroniqueur ibâdite assure à ses Imâms. Disons même d'avance que, si on l'admettait, on ne saurait faire concorder la retraite de Yagoub à Ouargla avec cette date 909 que nous regardons comme absolument fixe, car la fondation de l'empire des Fatimites d'Afrique est un événenement célèbre dans le monde mahométan. Dans une note précédente (p. 154), nous avons établi que Abd er Rahman ben Roustem, élu Imâm en 761, mourut très probablement en 780 et que son fils 'Abd el Ouahâb, élu après lui, mourut, au plus tôt, en 812, mais peut-être seulement en 820, d'après la tradition des Ibâdites de l'Ouâd Mezâb. Si nous en croyons la Chronique, Felah, fils d'Abd el Ouahâb aurait ensuite régné pendant soixante ans (Voy. ci-dessus, p. 185, sq); il serait donc mort en 872 ou en 880. Après lui, son fils Abou Bekr aurait été Imâm, au moins jusqu'au retour de son autre fils Mohammed. La Chronique est obscure sur ce point; mais nous ne pouvons pas refuser une ou deux années à cette sorte d'interrėgne. Mohammed fut Imâm pendant quarante ans, dit Abou Zakaria. Il règna donc, soit de 874 à 914, soit de 882 à 922. Après Mohammed, fils de Felah, l'Imam fut Yousef, fils de Mohammed, lequel, d'après la Chronique, aurait régné quatorze ans et serait mort, par conséquent, soit en 928, soit en 936. Toutes ces dates sont inacceptables, car si l'on s'y conforme, il est impossible que Yagoub, successeur de Yousef, soit sorti de Tahèrt,

même attitude. On accourut, on enleva les décombres, et on parvint jusqu'à lui. On le trouva debout, qui priait. On l'interrogea; on lui dit : « Que pensais-tu ? » Il répondit : « Je pensais que c'était le jour de la Résurrection. » On a conservé à Ouârdjlân de nombreuses traditions concernant Yagoub.

QUATRIÈME SCHISME PARMI LES IBADITES.

On rapporte qu'Abou Soulimân ben Yagoub ben Felah avait tiré de certains livres diverses opinions particulières. Son père avait mis les gens de Ouârdjlân en garde contre lui, disant : « Ne lui donnez pas votre confiance, car il a fait des extraits du Divan de Ibn el Hasan. >> Yagoub ben Felah mourut: toute la population de Ouârdjlân accompagna son cortège funèbre, et on l'enterra dans le cimetière d'Abou Çalih Djenoun ben Imriân (qu'Allah l'agrée). Son tombeau existe encore aujourd'hui, élevé comme une petite colline (4). Ensuite, les

saccagée par Abou 'Abd Allah, en 909. Il faut donc réduire de beaucoup la longueur de ces règnes. Je pense que l'erreur de l'annaliste porte principalement sur les imamâts de Mohammed et de Yousef. Suivant lui, la bataille de Mânoua aurait eu lieu pendant le gouvernement de Yousef. Or, Yousef n'aurait pu être imâm, au plus tôt, qu'en 914, et cette bataille fut livrée, au plus tard, en l'an 899 (Voy. ci-dessus, p. 197). On a pu remarquer plus haut que Yagoub nous est présenté comme fils de Felah. Il aurait donc été frère de Mohammed et oncle de Yousef.

(1) J'ai déjà marqué que l'auteur de la Chronique écrit Ouârdjlân. Le Cheikh Amhammed Atfièch, dans son Mandement, écrit Ouargla. Ibn Khaldoun nous donne les renseignements suivants sur les commencements de cette oasis célèbre.

« Les Beni Ouargla, peuple Zenatien, descendent de Ferini, fils de Djana et sont frères des Ismerten, des Mendjesa, des Sebertera, et des Nomaleta. De toutes ces tribus, celle des Ouar

gens de Ouârdjlån offrirent un repas à son fils Abou Soulimân et à ses amis. Or, Abou Soulimân était soupçonné de professer des opinions hétérodoxes, entr'autres que le

gla est maintenant la mieux connue. Ils n'étaient qu'une faible peuplade habitant la contrée au Midi du Zab, quand ils fondèrent la ville qui porte encore leur nom et qui est située à huit journées au Sud de Biskra, en tirant vers l'Ouest. Elle se composa d'abord de quelques bourgades voisines les unes des autres. Mais sa population ayant augmenté, ces villages finirent par se réunir et formèrent une ville considérable. Les Beni Ouargla avaient alors parmi eux une fraction d'une tribu Maghraourienne, les Beni Zendak, et ce fut chez ceux-ci qu'Abou Yezid le Nekkarite se réfugia l'an 325, après avoir pris la fuite pour éviter l'emprisonnement. Ce perturbateur passa une année sous la protection de cette tribu et se rendit à plusieurs reprises chez les Beni Berzal du Mont Salat et chez les tribus berbères de l'Auras, afin de les convertir aux doctrines de la secte Nekkarienne. Quand il quitta définitivement son lieu de retraite, il passa dans l'Auras.

» Les Beni Ouargla, voyant leur ville devenir très populeuse, en firent une place forte pour leur servir d'asile et pour recevoir une foule de nomades Zenatiens qui avaient été expulsés de leur territoire par les Arabes Hilaliens, à l'époque où les Athbedj s'approprièrent les plaines du Zab et celles qui entourent le Câla des Beni Hammad. L'Emir Abou Zékérïa le hafside, devenu souverain de l'Ifrikia eut occasion d'en parcourir toutes les localités, pendant ses marches à la poursuite d'Ibn Ghania. Etant passé par Ouargla, il en fut émerveillé, et, voulant ajouter à l'importance de cette ville, il y fit bâtir l'ancienne mosquée, dont le haut minaret porte encore inscrit sur la pierre le nom du fondateur et la date de sa construction. De nos jours la ville de Ouargla est la porte du désert par laquelle les voyageurs qui viennent du Zab doivent passer quand ils veulent se rendre au Soudan avec leurs marchandises. Les habitants actuels descendent, les uns des anciens Beni Ouargla, et les autres des Beni Ifren et des Maghraoua, frères des Beni Ouargla. Leur chef porte le titre de Sultan, sans encourir pour cela l'animadversion publique. La maison régnante est celle des Beni Abi Ghaboul, « branche, disent-ils, d'une illustre famille des Ouargla, nommée les Beni Ouaguin. » Le Sultan actuel s'appelle : Abou Bekr Ibn Mouça Ibn Soleiman; il descend

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