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tirent au-devant de lui pour le combattre, et cette bataille tourna encore à son désavantage. Il s'enfuit, poursuivi par des cavaliers d'Isma'ïl. Atteint et grièvement blessé, il se rendit à l'un d'eux en lui disant : « Fais-moi quartier ». - « Qui es-tu ?» répondit le cavalier. « Je suis Abou Yezid ». L'homme l'emmena en présence d'Isma'ïl et dit : « Voici un homme que j'ai fait prisonnier et qui prétend être Abou Yezid; mais je ne le connais pas », Isma'ïl demanda qui le connaissait. On lui apprit que c'était bien Abou Yezid. Le Mehdi fit venir des médecins pour prolonger sa vie, car ses blessures étaient dangereuses; il espérait pouvoir lui infliger quelque cruel châtiment ;

chaîne tripolitaine traverse les territoires occupés par les Hooura, les Nefousa, les Louata, et se termine par le mont Meslata. C'est là que florissait, avant la conquête musulmane, la ville de Sabra, chef-lieu des Nefousa.» ..... « Le peuple de Sabra avait mis cette ville en état de défense; mais en apprenant qu'Amr ne faisait aucun progrès dans sa tentative contre Tripoli, et que tous ses efforts étaient vains, ils se laissèrent aller à une sécurité entière. Sabra était l'ancien lieu du marche (Es-Souc-el-Cadim), et ce fut Abd er Rhaman ibn Habib qui, en l'an 31, transporta ce marché à Tripoli. Quand Amr ibn El Aci se fut emparé de Tripoli, il fit partir un fort détachement de cavalerie, avec l'ordre de presser sa marche. Le lendemain au matin, ce corps arriva à Sabra, dont les habitants, oubliant toute précaution, avaient ouvert les portes pour envoyer paître leurs bestiaux. Les Musulmans pénétrèrent dans la ville sans que personne pût s'en échapper, et l'armée d'Amr s'empara de tout ce qu'elle renfermait. Ce détachement alla ensuite rejoindre Amr. » Ces deux textes d'Ibn Khaldoun et d'Ibn el Hakem (Hist. des Berb. trad. de Slane, t. 1, p. 280 et 302) nous prouvent suffisamment que Sabra est une ancienne ville, bien antérieure à la révolte d'Abou Yezid, et que le chroniqueur ibâdite fait ici un pur jeu de mots, suivant l'habitude des étymologistes arabes. Suivant lui, Sabra dériverait du radical attendre, patienter, et devrait par conséquent s'écrire Çabra, si l'on s'en tient à représenter

par C.

mais les médecins lui répondirent qu'il devait se hâter, s'il voulait qu'il pérît de ses mains. Ismaïl ordonna qu'on l'écorchât; et, en effet, il fut écorché ; mais, quand on arriva au nombril, il expira, cet ennemi d'Allah; que le feu de l'enfer le reçoive et le consume. Ses soldats se dispersèrent de tous côtés.

Fadel, fils d'Abou Yezîd, réunit, après la mort de son père, un mélange confus de Berbers, et, quand il jugea sa troupe suffisante, partit pour attaquer les Mezâta (1), chez lesquels étaient Abou el Qasim Yezid ben Makhled et Abou Khezer Ikhla ben Zeltâf. Un matin, ses soldats,

(1) Suivant Ibn Khaldoun (t. 1, p. 171), « les Mezâta sont enfants de Zaïr, fils de Loua le jeune, et par conséquent appartiennent å la grande famille des Louata, descendants de Madghis el Abter, frères des Addaça, des Nefousa et des Darîsa. Ils se subdivisent en Belaïan, Carna, Medjidja, Degma, Hamra et Medouna. Ibn Hazm dit que les généalogistes berbers regardent les Sedrata, les Louata et les Mezâta comme appartenant à la race copte. Ce renseignement n'est pas exact, et Ibn Hazm l'a donné sans avoir consulté, à ce sujet, les livres composés par les savants de la nation berbère. » Les Mezâta ont joué un grand rôle et ont été, avec les Lemaïa et les Nefousa, les plus fermes soutiens de l'ibâdisme; mais, comme ils n'ont pas fondé d'empire, l'historien des Berbers ne leur consacre pas de chapitre spécial. Il nous apprend seulement (t. II, p. 9) que, vers l'an 973 de l'ère chrétienne, le zîride Bologguin écrasa les Mexâta, les Hooura, les Nefza, et les autres Berbers qui habitaient des maisons construites de broussailles, et (t. 1, p. 40) qu'en l'an 1004, les Mezâta, les Louata et les Zenata suivirent une sorte de prophète de la tribu arabe des Beni Corra. Ibn Abd el Hakem (Append. au tome i de la trad. d'Ibn Khaldoun) nous apprend aussi que Sidi Ōkba ben Nafè, allant de Zouïla vers le Maghreb, traversa le territoire des Mezâta et emporta tous les châteaux qui s'y trouvaient. C'est là bien peu de chose. Nous avons déjà vu qu'ils étaient mêlés aux Lemaïa dans les environs de Tiaret; mais ils devaient parcourir en grand nombre, avec les Louata et les Houara, les plaines de la Tunisie méridionale et de la Tripolitaine.

au nombre de trente mille, dressèrent leurs tentes à l'improviste autour des Mezâta, et il leur dit : « Livrez-moi mes frères des Beni-Tidjèrt », c'est-à-dire Abou el Qàsim et Abou Khezer (qu'Allah les agrée). En effet, les Beni Ouasin et les Beni Ifrån sont frères et tous ensemble sont dits Beni Tidjèrt. Il ajouta : « Je n'ai point affaire à vous, ô Mezâta; je ne cherche que mes frères. » Le parti laïque chez les Mezâta était d'avis de céder; mais un homme sortit de la foule et dit : « Vous n'avez aucun pouvoir sur vos frères de cette assemblée-ci; vous n'avez que le droit de les défendre ». Ils s'exhortèrent entre eux à la guerre pour la défense d'Allah et de la religion. L'un prépara ses armes, l'autre ajusta la bride de son cheval, un autre aiguisa la pointe de sa lance, un autre suspendit son épée à son cou. Les orateurs ajoutèrent, pour les encourager: « Il n'est personne de nous qui n'ait dans l'armée de Fadel, un frère, un cousin, un beau-père, un parent; quand ils nous verront résolus à combattre, ils ne nous provoqueront pas, ils ne nous toucheront pas ». La pression énergique des Vénérables et leur volonté de combattre, entraînèrent enfin l'assemblée. Le peuple pria les Vénérables de lui pardonner ses incertitudes, et le pardon lui fut accordé. On ne songea plus alors qu'à agir ensemble. Un Mezâti, nommé Msâra ben Gheni, qui s'était montré partisan des Vénérables, dit : « J'ai douze fils; je vous les donne aujourd'hui, ô Vénérables ». Puis, se tournant vers ses fils: « Combattez, leur dit-il, devant les Vénérables (1), comme combattit 'Ali ben Abi Tâlib de

(1) J'ai traduit dans ce passage Mchèkh (Machâïkh, ¿â) par Vénérables pour avoir l'occasion de marquer le sens de ce mot, qui répond exactement au imokranen de la langue berbère.

vant l'Envoyé d'Allah (que sur lui soit le salut) ». Des deux côtés on marcha au combat. Fadel réunit tous ses fantassins et tous ses cavaliers; les Vénérables mirent leur troupe en bataille. Au moment de l'action, Msâra ben Gheni se tourna vers le plus jeune de ses fils et lui dit : « Que ta mère soit répudiée si tu ne nettoies pas ce mamelon que couvre la cavalerie de Fadel ». Les cavaliers y étaient si pressés que le sol disparaissait comme enveloppé d'une nuit obscure. Le jeune homme les attaqua et les dispersa. Alors on en vint aux mains. L'action s'engagea le matin, à ce que l'on raconte; beaucoup d'hommes périrent, et la chance tourna contre l'armée de Fadel, bien qu'elle comptât trente mille hommes.

Abou er Rebi'a Soulîmân ben lekhlef (qu'Allah l'agrée) a rapporté, d'après Yagoub ben Yousef ben Nefâts, que l'armée de Fadel se partagea en trois parts quand elle se dispersa l'une fut anéantie complètement, l'autre ne put être détruite qu'à moitié, la troisième parvint à s'échapper sans grand dommage. Fadel s'enfuit jusqu'à ce qu'il parvint à un village de ce pays-là. Il y entra; mais les habitants s'emparèrent de lui et lui tranchèrent la tête. Ils envoyèrent cette tête à Isma'ïl ben el Kacem pour se faire pardonner leur conduite. Il leur pardonna, en effet. Telle fut la fin de Fadel (1).

(1) Ibn Khaldoun ne nous apprend rien de ces luttes intérieures entre Noukkår et Ibâdites. Il nous donne cependant les renseignements suivants touchant le fils d'Abou Yezid.

..... Fadl, fils d'Abou Yezid, alla trouver Måbed Ibn Khaser et marcha avec lui contre Tobna et Biskėra, mais ils durent se jeter dans les montagnes de Kiana pour échapper à la poursuite d'El-Mansour. Chafè et Caïcer, affranchis de ce monarque, conduisirent une armée contre eux, et Ziri Ibn Menad assista à cette expédition avec sa tribu, les Sanhadja. Les deux rebel

On rapporte que, la veille de la déroute de Fadel, un homme des Houara, nommé Mohammed ben 'Arbia, avait perdu des chameaux. Il s'était mis à suivre leurs traces, puis la nuit était venue et il avait passé cette nuit dans la campagne, près du champ de bataille, sans donner l'orge à son cheval. Le lendemain, il vit les deux troupes s'avancer l'une contre l'autre, se combattre, et l'armée de Fadel prendre la fuite. Or, son cheval était rapide. Il se lança au milieu des fuyards et rabattit sur ses compagnons les groupes qu'il détacha de leur masse. Il en fit périr ainsi un grand nombre sans en tuer un seul de sa main. Cet homme fut bon musulman vers la fin de sa vie, quand il était déjà vieux. Il était sans instruction. Chaque fois que revenait le jour correspondant à celui de son exploit, il donnait à son cheval quatre mesures d'orge au lieu d'une.

FAITS CONCERNANT YAGOUB BEN FELAH BEN'ABD EL OUAHAB BEN 'ABD ER RAHMAN (qu'Allah les agrée).

On rapporte que, au moment où El Hidjâni marcha sur Tahert, Yagoub ben Felah sortit de la ville avec une

les finirent par prendre la fuite, leurs partisans se dispersèrent et El Mansour rentra enfin à Caïrouan... Après avoir revêtu Zîri Ibn Menad des hautes fonctions dont nous venons de parler, El Mansour partit pour Caïrouan où il arriva dans le mois de Djemada 336 (décembre 947). Averti alors que Fadl, fils d'Abou Yezîd, venait de reparaître dans le mont Auras, il marcha aussitôt contre lui, et l'ayant poursuivi à travers le Zab jusqu'au désert, il reprit la route de Caïrouan pour se rendre à El Mehdia, Fadl profita de son éloignement pour venir assiéger Baghaïa, mais il fut assassiné par un nommé Batît, et sa tête fut envoyée à El Mansour.» (Hist. des Berb., trad. de Slane, t. II, append. n. 2.)

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