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ont bien examinés, et nous les avons bien examinés, et Allah n'a pas voulu que nous achetions une preuve. »> On raconte que lorsqu'il était en ce lieu, il ne possédait pas même un dirhem, et c'est pourquoi il dit : « Allah n'a pas voulu que nous achetions une preuve. » Ensuite, il se creusa une caverne dans la guelâa de Sedâd, il y réunit ses amis pour se livrer à des pratiques religieuses et combiner des projets. Elle est encore connue, et certaines gens viennent toujours y attendre l'effet de ses promesses.

La province de Castilia était alors gouvernée par un lieutenant d'El Kacem ben 'Obeïd Allah. C'est cet El Kacem qui bâtit la ville de Mehedia (1), nommée d'abord

(1) « La perspective du danger auquel l'empire serait exposé dans le cas où les Kharedjites prendraient les armes, décida le Mehdi à fonder, sur le bord de la mer, une ville qui pût servir d'asile aux membres de sa famille. L'on rapporte, à ce sujet, qu'il prononça les paroles suivantes : « Je » bâtirai cette ville pour que les Fatemites puissent s'y réfugier » pendant une courte durée de temps. Il me semble les y voir » ainsi que l'endroit, en dehors des murailles, où l'homme à » l'âne viendra s'arrêter. » Il se rendit lui-même sur la côte afin de choisir un emplacement pour sa nouvelle capitale, et après avoir visité Tunis et Carthage, il vint à une péninsule ayant la forme d'une main avec le poignet; ce fut là qu'il fonda la ville qui devait être le siége du gouvernement. Une forte muraille garnie de portes en fer l'entourait de tous côtés et chaque battant de porte pesait cent quintaux. On commença les travaux vers l'an 303 (juin 916); quand les murailles furent élevées, le Mehdi y monta et lança une flèche du côté de l'Occident. Faisant alors remarquer le lieu où elle tomba, il dit : • Voilà l'endroit auquel parviendra l'homme à l'âne, » voulant désigner Abou Yezîd. Il fit tailler dans la colline un arsenal qui pouvait contenir cent galères (chini); des puits et des silos y furent creusés par son ordre; des maisons et des palais s'y élevèrent et tout ce travail fut achevé en l'an 306 (918-9). Après avoir mené à terme cette entreprise, il s'écria: « Je suis maintenant tranquille sur le sort de Fatemites! (Ibn Khaldoun).

de son nom El Kacemia. Or le Mehdi (El Kacem) savait par avance qu'un Berber, fait de telle et telle manière, se soulèverait contre lui. Ses craintes devenant chaque jour plus vives, il invita par lettres tous ses gouverneurs à prendre des précautions pour sa défense. Il leur envoya le signalement de l'homme, les pressant de le découvrir. Ils cherchèrent en effet, et un jour on vint dire au gouverneur de Castilia que probablement cet homme était celui qui vivait caché dans la guelaa de Sedâd. Le gouverneur fit venir Abou Yezid à Touzer, trouva que sa personne répondait bien au signalement, et le jeta sur le champ en prison. Il le chargea de fers et se proposa de l'envoyer au Sultan, à Kirouân. Abou Yezid resta longtemps dans cette prison; il ne trouvait aucun moyen d'eu sortir et il désespérait de son salut, car il était entre les mains du gouverneur. Cependant, les Noukkar se réunissaient et délibéraient sur le moyen de le délivrer. Ils choisirent parmi eux quatre hommes renommés pour leur audace, leur constance et le mépris de la mort, et les envoyèrent à la ville vers la fin du jour. Quand ils arrivèrent à la porte de la ville, un d'entre eux y demeura; les trois autres se dirigèrent vers la prison. Ils commencèrent par tuer le gardien qui en défendait l'entrée, brisèrent la porte, mirent en liberté tous les détenus, et prirent leur ami encore chargé d'entraves. Un d'eux nommé, dit-on, loudjiz, l'emporta sur son dos; un autre marchait devant, le sabre à la main; le troisième fermait la marche. Ils allèrent ainsi, tuant quiconque leur barrait le chemin, sortirent de la ville, et ne s'arrêtèrent qu'au rocher qui se trouve entre Hâma et Touzer. Là, ils briserent les fers d'Abou Yezid, et cet endroit s'est nommé depuis lors le rocher d'Abou Yezid.

Abou Yezid délivré, alla chez les Beni Iderdjeten, dans le Sahara, à Remel Samâtah; il espérait qu'ils embrasseraient sa cause; et c'était alors une tribu puissante qui pouvait mettre en ligne dix-huit mille cavaliers. Quand il y fut, il leur demanda leur assistance; mais il n'y trouva pas ce qu'il y cherchait. Il les quitta, et alla secrètement dans le mont Aourâs. (1)

(1) Il faut distinguer entre le mont Aourâs (Aurès), proprement dit et la région environnante à laquelle cette montagne célèbre a donné son nom. Nos Berbers Chaouïa appellent Djebel Aourâs, le sommet qui domine le petit village de Khenchela et dont la pointe extrême est connue sous le nom de Ras Aserdoun (Tête de mulet). De la description de Procope (Vandales, II), il résulte que le Mont Aurasius consiste en un plateau isolé comme une forteresse, analogue à la Mestaoua du Bellezma et à la Guelâa des Aoulâd Bou Ghâlem en Tunisie. Tel n'est point le Ras Aserdoun; mais ce trait convient parfaitement au Dja'afa qui en est voisin et s'élève, comme un énorme fort aérien à quelques kilomètres en arrière de Khenchela. Au reste, la discussion des deux textes de Procope concernant les expéditions de Salomon dans cette région, est une des plus intéressantes auxquelles l'histoire ancienne de l'Algérie puisse donner lieu je me contente ici d'exprimer l'opinion de la majorité des indigènes, et ma conviction personnelle. D'autre part, on applique la dénomination de Aurès (Aourâs) à tout le pâté montueux qui s'étend entre Batna et Khenchela, Biskra et le pays des Beni Imloul. J'ai entendu dire « les Aurès. » Le caïd de l'Ouâd 'Abdi, fort éloigné de Khenchela et du Ras Aserdoun, signe caïd de l'Aou- › ras. On distingue même une région aurasique orientale et une occidentale, .Aourâs Chergui, Aourâs Gharbi. Ni l'auteur de la Chronique mozabite, ni Ibn Khaldoun ne nous indiquent s'il s'agit dans leur récit de l'Aouras proprement dit, ou de la région aurasique toute entière, quand ils nous apprennent qu'Abou Yezid en fit le point d'appui de sa révolte; mais j'incline à penser qu'il faut entendre ici Aouràs dans son sens le plus général. Il est difficile d'indiquer exactement la hature des populations qui dominaient au dixième siècle de l'ère chrétienne dans cette région. Je veux néanmoins tenter d'en présenter le tableau.

C'est alors que, comme il ne cessait d'intriguer pour se former un parti, El Kacem fut averti du lieu où il se trouvait. Il envoya aussitôt une armée contre lui. Abou Yezid

Les traditions indigènes s'accordent avec les témoignages d'Ibn Khaldoun pour nous apprendre qu'un grand nombre de Zenata, des Addaça et des Hooura y étaient répandus. Ces deux derniers groupes, que l'on voit souvent associés occupaient les hautes vallées dites aujourd'hui vallées des Aoulad 'Abdi et des Touaba. La trace des Addaça subsiste encore dans le village de Aïdouça. Parmi les Zenata, dont le nom est très-compréhensif, nous distinguons les Djeraoua, qui occupaient précisément le Ras Aserdoun, et dont les tombes couvrent peut-être encore le Mounchar, au nord de Khenchela. Ces Djeraoua sont les soldats de la Kahina, Dihya, fille de Tabeta. Ils étaient Juifs, au dire d'Ibn Khaldoun (t. 1, p. 208). Ils se convertirent après leur défaite, et restèrent dans leur pays sous le commandement d'un fils de la Kahina; mais ils prirent part à de nombreuses expéditions qui en transportèrent une partie jusqu'au Maroc, chez les Ghomara (Ibn Khaldoun, t. III, p. 194). Les traditions indigènes veulent aussi que le pays des Beni Imloul ait été occupé par des tribus zenatiennes juives. Quant aux Beni Foughal, frères des Zenata, la tradition en a positivement gardé le souvenir dans le nom du Ras Foughal, voisin du Chellia. Les Zenata Addjana, que nous nommons aujourd'hui Oudjana, et qui occupent le massif considérable du Chellia, y sont venus assez récemment, au dire des indigènes; mais Ibn Khaldoun nous les présente comme établis entre le Bellezma et l'Aourâs, et il est possible qu'ils aient pénétré quelque peu dès le dixième siècle dans cette dernière région. Ibn Khaldoun nous a conservé le souvenir d'une occupation d'une partie de l'Aourås par des Louata, des Beni Tidghas et des Beni 'Abd el Ouâd. Il nous apprend (t. I, p. 232) que « une nombreuse population louatienne du mont Aourâs s'était réunie aux Beni Kemlan pour soutenir la cause d'Abou Yezid, et qu'ils avaient continué d'habiter l'Aourâs, où ils tenaient en sujétion les peuplades hoourites et ketamiennes qui les avoisinaient. » Il est possible que le nom d'une de leurs fractions soit resté attaché à l'Aïn Djerman de la petite plaine de Medina du Chellia, car Ibn Khaldoun (ibid,) mentionne des Djermana comme une famille des Louata. Les Beni Tidghas, ou Tidghast, dont le nom n'est pas sans analogie

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et ses compagnons enveloppèrent et assiégèrent cette armée dans la montagne; mais le siège dura sept ans. Le désespoir et la crainte finirent par s'emparer des Nouk

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avec celui de la petite ville ancienne de Tidjist (Tigisis), au nord de l'Aouras, sont des Ourfeddjouma, et, par suite, des Nefzaoua, qui étaient, suivant Ibn Khaldoun, Juifs, comme une partie des Louata, avant la conquête musulmane; il est vrai qu'on les rattachait aussi aux Louata. Les Beni 'Abd el Ouad étaient Zenata de la seconde race, parents des Beni Ouasin et des Béni Merin. Suivant Ibn Khaldoun, une de leurs fractions habitait l'Aourás depuis la plus haute antiquité. Estil permis de retrouver leur nom dans celui de nos Aoulad 'Abdi? La tradition des Aoulâd 'Abdi n'en fait pas mention; je ne pense pas non plus que nos Aoulad Abdi descendent directement dés Beni 'Abd el Ouâd; mais il est possible que le nom des Beni 'Abd el Ouad soit demeuré attaché au groupe romano-berber sur lequel ils auraient exercé leur domination. De même, les Aoulád Daoud, leurs voisins romano-berbers, comme eux, se disent Touaba. Or, les Touaba sont une fraction purement arabe de la tribu des Doreïd, qui dominait depuis Constantine jusqu'à l'Aöurâs. De même encore, les Beni Imloul, ou Yemloul, romano-berbers, portent le nom de leurs maitres au moyen âge, les Yemloul de Touzer, et n'admettent pas que l'on interprète leur nom par le mot berber imellalen (les blanes). Je ne parle ici que des groupes qui nous sont donnés par la tradition et par Ibn Khaldoun comme exerçant le commandement dans la région aurasique au dixième siècle. Une telle nomenclature est superficielle et ne nous rend pas compte à elle seule de la nature des populations aurasiques; mais ce sujet nous entraînerait trop loin.

Il faut, je pense, ajouter à cette liste les Aureba, en leur faisant une place à part. Leur chef Koceïla ibn Lemezm, qualifié de roi du Zab, et dont la capitale était Tobna, combattit à Tehouda (Thabudeos) contre Sidi Okba. Or, Tehouda fait partie de la région aurasique, puisqu'elle est située au débouché des deux longues vallées des Aoulad 'Abdi et des 'Aoulad Daoud. Il est peu probable qu'il eût choisi ce pays pour y livrer sa bataille, s'il n'y eût joui naturellement de quelque autorité, et je pense que ses Aureba avaient établi quelques-unes de leurs fractions non-seulement dans la plaine de Tobna, mais encore dans la vallée inférieure de l'Ouad Abdi (682 de l'ère chrė

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