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dement d'un lieutenant, et l'envoya vers Ouàrdjlân. Quand les gens d'Ouârdjlân eurent nouvelle de la formation et de l'approche de cette armée, ils abandonnèrent leur ville et allérent s'établir à Krima (S) sur une colline inaccessible; ils y creusèrent des citernes, et les remplirent d'eau. L'ennemi vint et les bloqua avec la dernière rigueur.

Il entoura la colline de Krîma de neuf travaux de circonvallation, et résolut de rester là, jusqu'à ce qu'ils périssent de soif. Leurs cœurs furent saisis d'épouvante; mais ils furent sauvés par un Juif qui se trouvait avec eux. Ce Juif prit des chameaux, leur lia la bouche, et, quand ils souffrirent de la soif, les fit tenir sur les remparts de Krima. Alors, il plaça devant eux un grand vase plein d'huile. Les chameaux, prenant cette huile pour de l'eau, plongèrent leurs têtes dans le vase, et ceux qui les voyaient d'en bas, croyaient qu'ils buvaient. Le Juif leur délia la bouche ensuite; ils levèrent la tête, et des gouttes d'huile tombèrent de leurs naseaux. D'en bas, ces gouttes d'huile étaient prises pour des gouttes d'eau.

Les gens de Krima prirent aussi des vêtements, les imprégnèrent d'huile, et les firent sécher sur le rempart. Les ennemis, voyant cela, dirent. «Ils ont de l'eau, et c'est en vain que nous les assiégeons pour les faire périr de soif. Il nous est impossible de les réduire. » Ils levėrent donc le siège; mais Ledjnoun ben Imriân brûla la grande mosquée; ils entrèrent aussi dans les maisons de Ouârdjlân et les fouillèrent. Ils trouvèrent dans une d'elles un œuf d'autruche rempli d'orge et l'emportèrent. Comme ils étaient déjà à Remla Izelfan, des soldats restés en arrière furent rejoints par un homme de Ouârdjlân qui voulait la perte de ses compatriotes, et leur dit :

« Pourquoi quittez-vous les gens de Ouârdjlân ? ils n'ont pas d'eau ; vous êtes le jouet d'un artifice. » Les soldats se consultérent du regard, saisirent l'homme et le tuèrent craignant que son dire n'allât plus loin, et que le lieutenant, revenant sur ses pas, n'eût raison des gens de Krîma. Cet homme était sans doute tombé sur une bande de soldats de Sedraten qui voulurent, en le tuant, sauver leurs frères. Quelques soldats, en passant par Touzer attaquèrent la fraction qui avait pris la monture d'Obeïd Allah, lui tuérent du monde et la pillèrent.

Obeïd Allah était alors à Kirouân. Son lieutenant vint l'y retrouver, et lui rendit compte de l'expédition de Ouârdjlân. Obéïd Allah lui dit : « Certes, tu as fait là un beau butin.» Le lieutenant ficha un morceau de pain à la pointe d'une longue lance, l'appuya contre terre et la dressa en l'air, puis dit : « Qu'Allah' favorise notre maître; y a-t-il quelqu'un qui puisse enlever ce morceau de pain de la pointe de cette lance ainsi dressée ? Tels sont les gens de Ouârdjlàn. » Il lui présenta ensuite l'œuf d'autruche rempli d'orge, et dit : « Voici leurs silos. >>

'Obeïd Allah, après s'être établi fortement dans Kirouân, envoya son serviteur El Hidjâni comme lieutenant chez les Ketama, et son royaume atteignit les dernières limites de la puissance; mais quand il se sentit vieillir, il craignit que El Hidjâni n'entreprit contre ses descendants et ne bouleversât son Etat. (1) Il lui écrivit

(1) « Obeid Allah le Mehdi, se voyant maître de l'Ifrîkia, rẻsista à l'influence que les deux frères Abou Abd Allal es Chif et Abou el 'Abbas voulaient exercer sur son esprit; il ne leur permit même pas de se mêler de ses affaires. Par cette preuve de fermeté, il les blessa si profondément qu'Abou el 'Abbas ne put dissimuler son mécontentement malgré les conseils de son

donc une lettre dans laquelle il lui disait : « Viens me trouver avec les principaux des Ketama. Voici que je vieillis, mes forces s'épuisent et j'approche de ma fin.

frère, et que celui-ci finit par en faire de même. Le Mehdi n'en voulut d'abord rien croire, et Abou 'Abd Allah lui ayant ensuite adressé des remontrances au sujet de sa trop grande familiarité avec le peuple, conduite nuisible, disait-il, au respect dû à la souveraineté, il lui répondit avec beaucoup de douceur et de modération. Frappé, cependant, du morne silence avec lequel son ancien serviteur accueillit ses paroles, il sentit s'éveiller ses soupçons, et, dès ce moment, il resta aussi mal disposé pour Abou 'Abd Allah, que celui-ci l'était pour lui. Abou 'Abd Allah se mit alors à semer les germes de mécontement parmi les Ketama et à les exciter contre le Medhi, « qui, disait-il, s'était approprié les trésors d'Ikdjan, sans leur en avoir accordé la moindre partie, et qui pourrait bien être ni l'Imam impeccable, ni la personne pour laquelle il avait tant travaillé à soutenir les droits ». Cette déclaration troubla la confiance des Ketama, de sorte qu'ils chargèrent leur grand cheikh d'exposer au Mehdi les doutes qu'ils avaient conçus, et de lui demander un miracle, en preuve du caractère sacré qu'il s'attribuait. Le Mehdi y répondit en faisant mourir l'envoyé, et par cet acte, il fortifia tellement leurs soupçons, qu'ils prirent la résolution de l'assassiner. Abou Zaki Temmȧm et plusieurs autres grands personnages de la tribu de Ketama entrèrent dans le complot. Pour déjouer cette conjuration, le Mehdi eut recours à la ruse chacun de ces chefs reçut sa nomination au gouvernement d'une ville, et Abou Zaki eut l'ordre d'aller prendre le commandement à Tripoli. Makînoun, le commandant de cette forteresse, avait déjà reçu ses instructions, et aussitôt qu'Abou Zaki y fut arrivé, il lui ôta la vie. Ibn el Cadim, qui avait autrefois servi Ziadet Allah et que l'on soupçonnait d'avoir trempé dans le complot, fut aussi mis à mort, et toutes les richesses qu'il tenait de son ancien maître, passèrent entre les mains du Mehdi. Voulant alors se défaire d'Abou el 'Abbas et d'Abou Abd Allah, ce prince autorisa les frères Arouba Ibn Youçof et Hobacha Ibn Youçof de les faire mourir. Dans le mois de Djomada 298 (janvier 911), ils rencontrèrent auprès du château les deux hommes qui devaient être leurs victimes; Arouba se jeta sur eux, et quand le Chîï lui cria de s'arrêter, il répondit : « Celui à qui tu nous as ordonné d'obéir

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Viens en toute hâte que je te fasse mes dernières recommandations. » Quand la lettre d'Obeïd Allah lui parvint, El Hidjâni réunit un très grand nombre des principaux, des Ketama, et partit avec eux pour Kirouân. 'Obeïd Allah y avait fait construire un grand château, et dans ce château plusieurs chambres pour recevoir les hôtes. El Hidjâni et ses compagnons y furent introduits; on leur servit à manger et à boire, et quand ils furent pris d'ivresse, on mit le feu en-dessous d'eux. Des hommes avaient été disposés autour du château, les armes à la main. Dès qu'ils sentirent le feu, ils sautèrent en dehors du château ; mais à mesure qu'ils sautaient, les hommes de garde leur donnaient la mort. Cependant El Hidjâni ayant sauté comme ses compagnons, ne fut pas tué immédiatement. Ils dit aux hommes qui le saisirent: « Ne vous hâtez pas de me faire périr, mais conduisez-moi devant mon maître.» On le conduisit en effet devant 'Obeïd Allah. Quand il fut en sa présence, il lui dit : « C'est là ma récompense. Ne t'ai-je pas toujours obéi? Ne t'ai-je pas fait parvenir à la royauté ? » Et il lui énuméra tous ses services. <«< Tout ce que tu me rappelles est vrai, répondit 'Obeïd

nous commande de te tuer ». On dit que le Mehdi, lui-même, présida à l'enterrement du Chiï et qu'il invoqua sur lui la miséricorde divine, déclarant en même temps que ce malheureux s'était laissé égarer par les conseils de son frère Abou el 'Abbas. Comme la mort de ces deux misssionnaires excita une révolte parmi leurs partisans, le Mehdi monta à cheval et réussit à calmer les esprits. Une lutte sanglante, qui éclata ensuite entre les Ketamiens et les habitants de Kairouan, fut calmée par le Mehdi, qui se rendit au milieu d'eux. A cette occasion, ordre fut donné aux missionnaires de ne plus faire de prosélytes parmi les gens de la basse classe, et de mettre à mort plusieurs membres de la famille aghlebite, qui étaient rentrées à Raccada après la fuite de Ziadet Allah, (Ibn Khaldoun).

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Allah; mais mon intérêt exige ta perte. » Il ordonna donc qu'on l'exécutât, et on l'égorgea au-dessus d'un vâse!

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Obeïd Allah continua de faire prévaloir la doctrine des Chiites dans le Maghreb jusqu'à sa mort, et après lui, son fils El Kacem ben 'Obeïd Allah lui succéda. Ce dernier ne fit que songer au moyen d'établir son gouvernement en Egypte, et ce fut sous son règne qu'éclatala révolte de Abou Yezid Makhled ben Kidad el frâni.

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Abou Yezid était originaire des Beni Ifren; il habitait la Guelâa de Sedad; il avait commencé par suivre les leçons de Soulimán ben Zergoun, puis s'était tourné vers les Noukkar. Nous parlerons plus tard, s'il plaît à Allah, des innovations de Ben Zergoun; mais ici, nous ne voulons exposer que la révolte d'Abou Yezid contre el Kacem ben 'Obeïd Allah et les ravages qu'il commit par la volonté d'Allah.or

On rapporte qu'il avait trouvé sur une pierre l'inscription suivante: « Chedâd ben 'Ad; Pharaon dou el Aoutâd; Makhled ben Kidâd, trois dévastateurs du monde » mais la cause première de sa révolte aurait été, dit-on, le fait suivant il était parti pour le pélerinage; un jour qu'il était au Caire et se faisait raser la tête chez un barbier, un habitant de la ville le considéra et lui dit en lui don'nant un petit coup: « Couvre ta tête, révolté. » Ces paroles se gravèrent dans l'esprit d'Abou Yezid. Il accomplit le pélerinage et fit ses dévotions, puis il révint vers le Maghreb. Quand il fut près de la montagne des Nefousa il y envoya des émissaires chargés de dire à tous : « Salut à nos frères de la part d'Abou Yezid. Certes, ils pous

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