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Touzer, et que de là sa puissance rayonnerait au loin. Il vint donc de l'Orient à Touzer; mais quand il pensa que ce devait être là le point de départ de son gouvernement,

le nombre des Imâms, et s'arrêtent sur le dernier, qu'ils prétendent toujours vivant, invisible. Ces Imâms sont, en descendance directe: Ali fils d'Abou Talib, Ei Hasan, El Hocein, 'Ali Zein el 'Abedin, Mohammed el Baker, Djâfer es Sadiq, Mousia el Qadim, 'Ali er Rida, Mohammed el Teki, 'Ali el Hadi, Hasan el 'Askeri, Mohammed el Mehdi el Montader (l'attendu). L'incarnation de Dieu dans la personne de l'Imâm, la transmigration de l'âme de l'Imâm dans le corps de son successeur, et d'autres doctrines semblables, ont mérité à plusieurs de ces sectateurs le nom d'Extravagants (Cf. Reinaud, Monuments arabes, persans et turcs, t. 1, p. 329, sq.). Hasan el 'Askeri étant mort prisonnier en 873, sa femme laissée enceinte, donna le jour à Mohammed, qui fut gardé en prison; mais, suivant les Chiites, sa mère et lui sont enfermés dans la citerne de la maison paternelle, à El Hilla. Chaque soir, les Chiites de la secte amènent une monture harnachée à l'entrée de la citerne et invoquent Mohammed à voix basse : « Sors, ô Imâm, viens à nous les hommes sont dans l'attente; l'injustice remplit le monde, la vérité a disparu. Sors, et viens à nous!» Dans les écuries du roi de Perse, on tient toujours un cheval bridé et sellé, afin que l'Imâm attendu ait une monture.

4 Les Ismaïliens. Ils admettent les six premiers Imâms de secte précédente; mais ils comptent pour Imâm, après Djâfer es Sadiq, son fils Ismaïl. Ils disent que Mohammed fils d'Imaïl fut le septième et dernier des Imâms visibles et le premier des Imams cachés. Ces Imâms cachés, qui se dérobent à leurs ennemis, manifestent leur autorité par des missionnaires (daïs). Il y eut, suivant eux, trois Imâms cachés, et la terre ne sera jamais sans posséder un Imâm, soit visible, soit caché, descendu de l'un ou de l'autre de ces trois, qui sont: Mohammed ben el Mektoum, fils d'Ismail; Djâfer el Mosaddeq; Mohammed el Habib, fils du précédent. Ils comptent leurs Imâms par groupes de sept, comme les cieux et les planètes, et les lieutenants des Imâms, ou Nakib, par groupes de douze. Ils reprochent aux Duodécémains de prendre le nombre des Nakib pour celui des Imams. Ces Ismaïliens sont les Carmats, qui fondèrent une dynastie dans le Bahreïn. C'est un de leurs Imams, El Hasan ibn Sabbah, qui fonda en Orient

et qu'il en considéra les habitants, il vit qu'ils n'avaient rien de ce qui convient pour fonder une dynastie; car ils ne vivaient que d'expédients, et étaient boutiquiers pour la plupart. Il possédait une belle mule sur laquelle il était venu du Caire un homme des Beni Djeltehin, fraction des Beni Ouasin la lui prit par force. 'Obeïd Allah écrivit le nom de cet homme, celui de sa fraction et celui de son pays. Il en vint bientôt à les mépriser et à les regarder comme inutiles, mais il demeura fort embarrassé, tantôt relevé tantôt abandonné par l'espérance, et ne sachant ce qu'il devait faire. Or un jour, sur le marché, il entendit un crieur qui disait : « Qui veut acheter du blé de Tazrout? » Il alla vers lui et lui demanda s'il y avait dans le Maghreb une ville nommée Tazrout, autre que Touzer. L'homme répondit que ce nom était celui d'une guelaa des Ketama. 'Obeïd Allah trouva cette indication à sa convenance, et envoya chez les Ketama son affranchi El Hi

la secte des Hachichia (Assassins). Enfin, Obeïd Allah el Mehdi, qui fonda dans le Maghreb la dynastie des Fatimites, est leur onzième Imâm, descendant d'Ali par Mohammed el Habib, Djâfer el Mosaddeq, Mohammed el Mektoum, Djâfer es Sadeq, etc.

(Ce qui précède est extrait de l'appendice n° 2, t. II de l'Hist. des Berb. d'Ibn Khaldoun, trad. De Slane; mais je ne saurais trop vivement recommander l'Histoire des Druzes de M. de Sacy. On peut aussi consulter The Establishment of the fatemite Dynasty in Africa, by Nicholson, Tübingen, 1840, traduction du manuscrit arabe de la Bibliothèque de Gotha, no 261, ainsi que le texte arabe du Baian, publié par M. Dozy. Le cóté oriental de la secte Chiite, dominante en Perse et fort rẻpandue dans l'Inde, a donné lieu à des études nombreuses dans lesquelles on ne voit pas sans surprise jusqu'à quel point l'Islamisme peut être altéré. Je citerai, à ce point de vue, les Séances de Haidari, ouvrage traduit de l'hindoustani, par M. l'abbé Bertrand, suivi de l'Élégie de Miskin, traduite de la même langue par M. Garcin de Tassy.)

djâni (1) pour les inviter à adopter la doctrine des Chiites. Ils l'adoptèrent en effet. Un homme qui a voyagé dans le pays des Ketama m'a rapporté qu'on y trouve des Chiites

(1) Cet « affranchi El Hidjâni est évidemment le missionnaire Abou 'Abdallah el Hocein ibn Mohammed ibn Zakaria, envoyé en Occident par Mohammed el Habib, troisième imam caché, suivant les croyances de la secte des Ismaïliens. Nous résumerons un peu plus loin ce que l'on sait de ce personnage célèbre, qui chassa les Aghlebites et fut l'auteur de l'avènement des Fatimites. Ici, nous voulons expliquer ce surnom fort surprenant, El Hidjâni, que nous trouvons écrit dans la chronique. Nous marquerons d'abord que le chroniqueur ibâdite ne possède que des notions assez vagues sur Abou Abdallah, qu'il appelle un peu plus loin Abou Mohammed, et que le surnom qu'il lui donne ne se trouve nulle part ailleurs. Ce surnom ne peut pas provenir d'Orient, sans quoi, les grands historiens qui nous parlent d'Abou Abdallah, tels qu'Ibn Khaldoun, Ibn el Atsir, En Noueïri, l'auteur du Baïan, l'auraient cité. Force nous est d'en chercher l'étymologie dans le nom de quelque tribu berbère africaine, dont l'auteur de la chronique aurait cru peut-être Abou 'Abd Allah originaire, ou dans le nom de quelque lieu que ce même Abou 'Abd Allah aurait habité longtemps; à moins que, ce qui me semble inadmissible, on ne veuille le faire dériver de, tenaciter adkæsit, avarè pepercit. Premièrement, nous trouvons que la petite tribu des Addjana a suivi, dès le commencement, la fortune d'Abou Abdallah, et lui a fourni des lieutenants dévoués, tels que Abou Yousef Makinoun ibn Debara el Addjani (Ibn Khaldoun, trad. de Slane, t. II, p. 513). Cette tribu habitait très probablement à l'est du Belezma actuel, c'est-à-dire près du mont Aouras, où nous la retrouvons encore sous le nom de Oudjana. Ce nom signifie enfant de Djana, soit que Djana soit un nom d'homme, comme le veut Ibn Khaldoun, soit plutôt qu'il ait été primitivement le nom d'une divinité ou d'un prophète sabéen (Chahrastâni, trad. Haarbrücker, 2° partie, liv. 1, sect. 3, et Palgrave, Arabie centrale). Il est possible que notre Abou Zakaria ait surnommé Abou Abd Allah, El Addjani, et, par corruption, El Hadjani, à cause de ces Addjana. Secondement, on sait, d'après Ibn Khaldoun et les autres historiens, qu'Abou 'Abdallah s'établit dans le pays des Ketama, en un lieu nommé

encore aujourd'hui dans une de leurs forteresses nommée Halafah. Après cette conversion des Ketama, il leur donna pour lieutenant son affranchi El Hidjâni, surnommé Abou Mohammed, qui fut chargé de leur enseigner le Koran et de les initier à la doctrine orientale. Ensuite, 'Obeïd Allah se dirigea vers Sidjilmâssa en passant par Ouârdjlân; mais quand les gens de Onârdjlân le virent, ils l'accablèrent d'outrages, disant : « Voilà celui qui vient d'Orient pour être roi ». Ils lui crachèrent au visage, le frappèrent violemment, et les gens les plus animés contre Jui étaient ceux de votre village; c'est pourquoi il brûla la grande mosquée quand il revint. Nous raconterons plus tard cet évènement en son lieu, s'il plaît à Allah. 'Obeïd Allah demanda comment s'appelait le cheik de Ouârdjlân. On lui répondit : il s'appelle Ghiar. » — « Et où demeure-t-il? » On lui répondit : « à Taghîrât. » Il dit : Leur Cheikh est Ghiar et leur pays Taghirât. Qu'Allah les contriste. (1) » 11 sortit de Ouârdjlân et parvint à Sidjilmâssa.

Ikdjan, dont il fit sa forteresse et où il se défendit avec succès contre les Aghlebites. Ce nom « Ikdjan » doit visiblement se décomposer en Ik ou Ich, mot berbère qui signifie corne, sommet, et Djan ou Djann, dont nous venons de parler. Il signifie le sommet de Djann, le sommet consacré à Djann. Or, il n'y a pas loin de Ikdjan adouci à Idjani ou Hidjani. J'incline à accepter cette seconde étymologie, et à croire que les Ibâdites avaient surnommé Abou 'Abd Allah el Hidjani, à cause de son long séjour à Ikdjan.

qu'Allah change leur état.

(1) Le texte porte Ce qui précède est un jeu de mots dont l'origine est la dénomination de Fedj el Akhiar, défilé des gens de bien, donnée par les Chiites au premier séjour de leur missionnaire Abou 'Abd Allah. Je dois faire remarquer aussi que le Chroniqueur ibâdite qui rédigea certainement sa chronique à Ouargla, écrit

. وارجلان Ouardjlan

Il y demeura longtemps. Sa réputation ne tarda pas à se répandre parmi le peuple. On disait qu'il s'était enfui d'Orient en emportant de grands biens. Ces propos le remplirent de crainte. Sidjilmåssa était alors gouvernée par un certain Elis'a ben Midrâr; il se mit sous sa protection, et lui donna une partie de ce qu'il possédait pour qu'il le défendit. Il put ainsi vivre en sûreté. (1)

(1) Autant le chroniqueur ibâdite mérite confiance quand il nous expose les schismes de sa secte et les luttes qu'elle soutint contre ses ennemis, autant son témoignage doit être suspecté quand il s'élève plus haut et entreprend de résumer un chapitre de l'histoire générale de l'Afrique. Il semblerait d'abord que, les Chiites Ismaïliens ayant ruiné Tahèrt, les Ibâdites aient dû, plus que personne, consigner exactement dans leurs livres tout ce qui se rapporte à 'Obeïd Allah et à Abou 'Abd Allah, son missionnaire; mais il n'en est rien. Repliée sur elle-même, la secte ibâdite regardait les attaques qui lui venaient du dehors comme autant d'épreuves dont elle ne scrutait pas les causes. Il lui suffisait que la tradition populaire eût conservé à peu près le souvenir des grands évènements extėrieurs qui avaient modifié sa destinée, et la vérité historique lui était, en somme, indifférente à l'endroit de réprouvés aussi méprisables à ses yeux que les Fatimites. On peut admettre aussi que l'incendie des bibliothèques de Tahèrt et de Ouargla soit pour beaucoup dans cette ignorance. Quoiqu'il en soit, il est curieux d'opposer ici le récit de la Chronique à celui d'Ibn Khaldoun, confirmé par les historiens les plus autorisés de l'islamisme. On y verra que le Chroniqueur ibâdite a d'abord complètement renversé l'ordre chronologique des faits qu'il prétend exposer. Suivant lui 'Obeïd Allah serait arrivé à Ouargla avant que son missionnaire eût gagné à sa cause le pays des Ketama. Au lieu de nous apprendre, comme tous les autres historiens, que le Mehdi fut emprisonné à Sidjilmassa, il imagine qu'il y exerça la souveraineté. Il se tait sur la longue et victorieuse lutte d'Abou Abd Allah contre les Aghlebites. Il est vrai qu'il nous donne de curieux détails sur le siége de Ouargla, ou plutôt de Kerima par les soldats du Medhi. Voici le récit d'Ibn Khaldoun :

«..... Un autre missionnaire de Mohammed-el-Habib, se nommait Abou Abd Allah el Hocein Ibn Mohammed Ibn Zė

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