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tion d'un d'entre eux qui lui donna l'hospitalité dans un des Ksour de l'ile nommée Kherdanet.

<< Lors de la conquête musulmane, Djerba fut soumise par Rouaïfa Ibn Tsabet, chef qui appartenait à la famille ansarienne des Beni Melek Ibn en Nedjar et à la colonie militaire arabe établie en Egypte. Il reçut du Khalife Moaoula le gouvernement de Tripoli, en l'an 46 (666-7) et, ayant envahi ce pays, il s'empara de Djerba l'année suivante. Djerba resta entre les mains des vrais croyants jusqu'à l'époque où le Kharedjisme fut introduit parmi les Berbères. En l'an 331 (942-3), pendant la révolte d'Abou Yezid, les Kharedjites y pénétrèrent de vive force, et imposèrent leurs croyances aux habitants, après avoir tué et mis en croix leur chef, Gueldin. El Mansour Ismaïl, le Fatemide, reprit l'île et y fit mourir les partisans d'Abou Yezid.

« Quand les Arabes eurent enlevé aux Sanhadja (Ztrides) les plaines de l'Ifrikia, les habitants de Djerba se mirent à construire des navires et à insulter les régions maritimes. En l'an 529 (1156), la flotte d'Ali Ibn Yahia, le souverain Ziride, les força à rentrer dans l'ordre. En l'an 529 (1134-5), les Chrẻtiens de la Sicile occupèrent Djerba, après avoir subjugé le littoral de l'Ifrikia. Chassés en 548 (1153-4) par un soulèvement des habitants, il y rentrèrent de nouveau, emmenèrent en es⚫ clavage beaucoup de monde, et y établirent des agents chargés d'administrer les gens du peuple et les cultivateurs. Enfin, cette ile passa sous l'autorité d'Abd el Moumen et des Almohades. >>

Ibn Khaldoun nous donne ici comme date de l'introduction du Kharedjisme dans l'île de Djerba l'année 942 de notre ère, époque à laquelle Abou Yezid, chef des Noukkar, en a fait la conquête. Cette assertion, ajoutée à quelques autres déjà notées, nous montre qu'il ne possédait que des données vagues sur les sectes issues d'Abd Allah ben Ouahb. En outre, dans ce chapitre consacré aux populations de l'lle de Djerba, il omet les Zouagha, auxquels notre chronique fait une si large part. En combinant ses renseignements avec ceux de la chronique, nous voyons d'abord que les Djerba, fraction des Lemia, introduisirent dans l'île qui porte leur nom, la pure doctrine ouahbite des Ibâdites de Tiaret et du Djebel Nefous, puis s'accrurent de divers groupes issus comme eux des Lemaïa (Hist, des Berb. t. 1, p. 245). Des Ketama se joignirent à eux, et peut

Abou Mansour entreprit encore une expédition contre les Zouagha, avec le concours des Nefousa; mais, quand il approcha de Djerba, il envoya un homme des Beni lahrasen chez le Zouaghi, qui protégeait le fils de Khelef, et cet homme portait une bourse contenant cent dinars. (Le Zouaghi était un certain Mâkil des Beni-Mezata). Le messager d'Abou Mansour le salua, lui prit la main, et lui fit glisser la bourse dans sa manche. Le Zouaghi lui demanda des nouvelles du Cheikh et lui dit : << Quand tu serais venu nous demander même nos enfants, nous te les aurions livrés. »

Cependant Abou Mansour s'avançait. Son habitude était, quand il était en marche, de frapper sur un tambour à l'heure de la prière. Tous les soldats s'arrêtaient, du premier au dernier. Il priait avec eux deux reka'at, puis se remettait en route; il n'était plus qu'à trois milles environ du Ksar habité par le fils de Khelef.

être l'emportèrent en nombre; Mais ce sont les Lemaïa qui formèrent, au point de vue religieux, le noyau le plus important de cette moitié ouahbite de lite de Djerba, signalée par l'historien des Berbers. Ensuite, des Zouagha, Khelfites, expulsés de leur territoire par les Nefousa, allèrent s'établir å Djerba. Ces Khelfites étaient Ouahbites, mais non pas Ouahàbites, c'est-à-dire qu'ils refusaient de reconnaître l'Imâm 'Abd el Ouabab. Enfin quand Abou Yezid eut donné aux Noukkar une puissance considérable en les faisant triompher momentanément des Fatimites, ces Noukkar envahirent Djerba à leur tour et se mêlèrent probablement aux Khelfites, avec lesquels ils avaient de grandes affinités; car, Ouahbites comme eux, ils avaient comme eux leurs raisons pour ne pas reconnaître l'Imam 'Abd el Ouahâb. La lutte que mentionne Ibn Khaldoun, quand il nous appred que « les Kharedjites imposèrent de vive force leurs croyances aux habitants de Djerba », dut avoir lieu entre les Noukkar et les Ouahbites, sectateurs d'Abd el Ouahâb, c'est-à-dire entre les Nefza ou les Hooura, sectateurs d'Abou Yezid, et les Lemaïa.

L'homme se dirigea vers le fils de Khelef et dit : « Eh, Emir, descends, il y a longtemps que tu n'as fait de veuves parmi les femmes des Zouagha. » Le fils de Khelef répondit : « Ne m'appelez donc pas Emir, brutes de Berbers. » Il parlait ainsi parce qu'il pensait avoir affaire à un étranger qui n'aimait pas les Berbers. Il fut livré à Abou Mansour. Depuis lors, il n'y eut plus ni révoltes ni combats dans Djerba. Conduit dans le Djebel Nefous, il fut enfermé dans une prison où il resta jusqu'au moment où les Nefousa discutèrent la question de savoir à quel endroit le pied d'un condamné devait être coupé. Ils allèrent le trouver et l'interrogèrent. Sa décision fut que le pied devait être coupé au-dessus du talon, et il ajouta à ce propos ils me consultent et ils me tiennent en prison. On rapporte qu'il se convertit à la pure doctrine des gens de Vérité, et mena une vie exemplaire. Allah sait si cela est exact. Ensuite Abou Mansour mourut, et Felah ben el 'Abbas fut nommé gouverneur des Nefousa pendant l'imâmat de Yousef (qu'Allah lui accorde ses grâces).

BATAILLE DE MANOUA ET CHUTE DE L'IMAMAT

Plusieurs de nos compagnons ont rapporté que les Nefousa étaient le plus ferme appui de la sultanie des Rostemides établis à Tahèrt, et que leur dévouement était sans égal. L'Imâm 'Abd el Ouahâb dit à ce propos (1):

(1) L'histoire des sectes religieuses est le seul fil conducteur qui nous guide sûrement à travers les luttes confuses en apparence des Berbers africains pendant le moyen-âge. Elle explique tout. Elle jette même une vive lumière sur les questions de race, car chaque secte, et, dans les sectes, chaque schisme est en quelque sorte le monopole d'un groupe distinct. Ainsi, pendant cette période qui s'étend du milieu du huitième siècle au

« Cette religion subsiste par les sabres des Nefousa et les biens des Mezata. » Or, le gouvernement des Imâms

milieu du dixième, l'Afrique se partage entre les Beni Ifren Çofrites, les Aourba Zeïdites (Idricites), les Lemaïa et les Nefousa Ibâdites, les Hooura Noukkar en grande partie, les Zouagha Khelfites, les Ketama Chiites ismaïliens. Plus tard les empires des Almoravides et des Almohades dériveront de causes semblables. Enfin, la grande invasion arabe du onzième siècle n'eut pas seulement pour résultat d'introduire en Afrique une race nouvelle: elle y implanta la doctrine religieuse de nos Malekites. Le Chroniqueur ibâdite nous fait toucher ici au fond même de toutes ces révolutions. L'ibâdisme s'était répandu d'abord presque en même temps au Sud de Trablés chez les Hooura, les Louata et les Zouagha, dans la montagne des Nefousa et dans le Djebel Demmer, dans le Sersou, à Tiaret, chez les Lemaïa, dans le Sahara, chez les Beni Ouargla, les Sedrata, les Beni Righa, et probablement dans la moitié SudEst de l'Aouras; mais cette doctrine religieuse, la plus pacifique peut-être de toutes celles qui soient sorties de l'islanisme, était incapable de donner une cohésion durable à des groupes si divers. Nous verrons plus loin comment une partie des Beni Ouargla et un bon nombre des Hooura adoptèrent le schisme des Noukkar; nous verrons aussi bientôt que des doctrines fort différentes de l'idâdisme se propagèrent même parmi les fondateurs de Tiaret, sujets directs des Rostemides; nous venons de voir les Zouagha, désireux sans doute de s'affranchir du joug des Nefousa, se dire Khelfites. Les Nefousa seuls restèrent de purs ibâdites. A ce moment décisif de leur histoire, ils auraient pu certainement lutter avec énergie contre les Aghlebites, ranimer par le prestige de quelques victoires le zèle de tous leurs frères, et fonder quelque grand empire analogue à celui que fonderont les Ketama Chiites, quelques années plus tard; ainsi ils auraient au moins empêché le schisme des Noukkar de prendre tant d'extension; mais l'ibadisme répugne à l'effusion du sang: il se contente de se défendre. Ses héros ne sont point les guerriers, mais les Mchèkh, j'allais dire les prêtres, martyrs. Essentiellement démocratique, il ne fait point de part aux ambitions des grands chefs. Enfin, justement parce qu'il n'admet d'autre commandement que le commandement d'Allah exprimé dans le Koran, il prête à la dispute, à l'indiscipline, car les hommes ne sont pas assez purs pour suivre longtemps un chef invisible.

noirs prit ombrage des Nefousa. Des habitants de Kirouan et de Trablès leur écrivirent que c'était sur eux que s'appuyait le gouvernement des Persans de Tahèrt. Metouekkel, des Beni 'Abbas, était alors Khalife de Baghdad. Au reçu de ces lettres, il envoya vers le Maghreb une armée dont il confia le commandement à Ibrahim ben Ahmed, des Beni el Aghleb. Quand il arriva dans le Maghreb, aux environs de Trablès, les Nefousa se réunirent et tinrent conseil pour savoir s'ils le laisseraient passer et marcher sur Tahèrt (1). De son côté, Ibrahim

(1) On peut s'étonner de ce que la Chronique d'Abou Zakaria ait semblé jusqu'ici ignorer les Aghlebites, qui cependant eurent quelques démêlés avec les Ibadites. On n'ignore pas que le premier souverain aghlebite, Ibrahim ibn el Aghleb, avait été investi du pouvoir par le khalife Haroun er Rechîd, en l'an 800, qu'il occupait Kirouan, que ses successeurs fondèrent Rakkada et Tunis, et que leur puissance se faisait sentir dans l'Ouest jusqu'à Biskra et Tobna. Ils ne succombèrent que devant les armes du chiite Abou 'Abd Allah, en 909 de l'ère chrétienne. Ils furent donc contemporains d'Abd el Ouahâb, de Felah, de Mohammed ben Felah, de Yousef ben Mohammed, en un mot, de nos Imams ibâdites. Leurs vices monstrueux, leur cruauté, leur ivrognerie, dont l'historien En Noueïri nous donne tant d'exemples, devaient exciter au plus haut point l'indignation de tous les Berbers ouahbites, et laisser au moins quelques traces dans leurs souvenirs. Nous tenterons d'expliquer ce silence par ce fait que les Ouahbites désignent toujours leurs ennemis orthodoxes, quels qu'ils soient, par le nom de Mes'ouda, les Noirs, à cause de la couleur du drapeau des 'Abbassides. Qu'il s'agisse des gouverneurs temporaires envoyés d'Orient à Kirouan pendant le huitième siècle, ou de souverains aghlebites du neuvième, ce nom leur suffit, et ils s'inquiètent peu d'en savoir davantage sur ces « réprouvés, » à moins que quelque grande bataille n'ait gravé le nom d'un d'entre eux dans leur histoire.

Considérons ensuite que les Aghlebites n'entreprirent en quelque sorte que par exception des expéditions contre nos Ibadites. Ils avaient trop à faire avec les révoltes de leurs milices

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