Images de page
PDF
ePub

nuit, dit-on, qu'il était assis près de sa sœur, il lui dit : << Pourrais-tu trouver par le calcul quel animal sera égorgé le premier sur le marché, s'il plaît à Allah. » Il

lieu dans la suite à de graves désordres auxquels vinrent se joindre des complications extérieures: vers le milieu du neuvième siècle, un partisan des doctrines hérétiques des Sofrites, nommé 'Abd er Rezzac, leva l'étendard de la révolte dans les montagnes des Mediouna, d'où il marcha sur Fez et s'empara du quartier des Andalous; mais ce furent surtout les progrès des Fatemites qui ruinèrent les sultanies des Idricites, après avoir mis fin à l'Imâmat Ibâdite de Tiaret. En l'an 305 (917-8), les Fatemites, qui avaient conçu l'espoir de conquérir le Maghreb, donnèrent à Messala ibn Habbous, chef des Miknaça et gouverneur de Tehèrt, l'ordre d'entamer les hostilités contre les Idricites. Messala pénétra dans ce pays à la tête d'une nombreuse armée composée de troupes Miknaciennes et Ketamiennes. Yahya Ibn Idris marcha contre lui avec ses bandes arabes, son corps d'affranchis, les guerriers de la tribu d'Auréba, et toutes les autres peuplades berbères qui s'étaient attachées à l'empire des Idrîcites. Dans la rencontre qui eut lieu, la fortune se déclara contre lui; ses partisans furent mis en déroute, et bientôt après il fut assiégé dans Fez par Messala. Réduit ainsi à la dernière extrémité, il consentit à payer une contribution de guerre et à gouverner Fez au nom d'Obeïd Allah le Fatemite. Les autres provinces du Maghreb furent données par le vainqueur à son cousin Mouça Ibn el Afia, émir des Miknaça, et seigneur de Teçoul et de Teza. »

Sans nous élever contre le témoignage d'Ibn Khaldoun qui nous apprend que les Rostemides, imams Ibâdites de Tiaret, eurent à lutter contre les Idricites, nous ferons remarquer que cette lutte ne dut pas être très importante, parce que la puissante tribu des Beni Ifren, Çofrite, s'étendait comme un rideau entre le domaine des Idricites dans le Maroc, et celui des Ibâdites dans le Magreb central. Ces Cofrites luttèrent sans cesse pour la possession de Tlemcen contre les Idricites. Nous voyons même, au neuvième siècle, un chef Çofrite, 'Abd er Rezzac, s'emparer d'une partie de la ville de Fez. Il faut aussi considérer que les Idricites et les Ibâdites eurent toujours les mêmes ennemis communs du côté de l'Est d'abord les Aghlebites, ensuite les Fatemites. Le titre de descendants d'Ali que s'attribuaient à bon droit les Idricites, devait sans doute écarter

poursuivit : « L'animal qui sera égorgé le premier est une vache de robe claire; elle porte un veau, et ce veau a une tache blanche au front. » La sœur de Felah lui répondit : << Tu as raison, c'est bien une vache de robe claire, et elle porte un veau; mais tu as vu l'extrémité de la queue du veau enroulée autour de sa tête. Elle est blanche, et c'est cela qui t'a paru être une tache sur son front. »>

Abou 'Obeïda 'Abd el Hamid mourut (qu'Allah lui fasse miséricorde), et l'Imâm (qu'Allah l'agrée) donna pour gouverneur aux Nefousa El 'Abbâs. On avait la plus grande confiance en lui à cause de cette parole d'Abou

les Ibâdites de leur alliance; mais les Ibâdites étaient encore plus ennemis des Omméïades et des 'Abbassides que des 'Alides ils ne se défendent pas d'avoir tué 'Ali; mais ils couvrent d'opprobres Moaouïa et ses successeurs. J'ajouterai que l'on trouve aujourd'hui dans l'Ouâd Mezâb un bon nombre de Sadjarât, ou listes généalogiques, plus ou moins authentiques, dont les possesseurs, Ibâdites, n'hésitent pas à se dire cheurfa, c'est-à-dire descendants d'Ali par les Idricites. Ces listes débutent toutes par l'histoire d'Idris l'ancien et d'Idris le jeune. Assurément elles méritent peu de confiance; car elles doivent leur origine, pour la plupart, à ce fait que les Cheurfa étaient exempts d'impôts et à l'abri des vexations des Arabes. Néanmoins, elles nous prouvent, contre l'assertion d'Ibn Khaldoun, que les Ibâdites ne répugnaient point à l'alliance des Idricites. Concernant les Idricites, je ne saurais omettre de mentionner le Roudh el Kartas, le jardin des feuillets, écrit à la cour de Fès en 1326, sur les livres et les documents les plus authentiques de l'époque, par l'imâm Abou Mohammed Çâlih ben 'Abd el Halim de Grenade, ouvrage traduit dès 1693, par Pétis de la Croix, en français, traduit en allemand par F. Dombay en 1794, traduit en portugais par Antonio Moura, en 1828, inséré presque en totalité dans l'Historia de la dominacion de los Arabes en Espana de Conde, examiné critiquement par M. de Tornberg, professeur à l'Université d'Upsal, enfin traduit dernièrement, d'après deux excellents manuscrits, sous les auspices du ministère des affaires étrangères, par notre regretté M. A. Beaumier, vice-consul de France à Rabat et à Salé, en 1860.

'Obeïda : « Ce bras ne sera point consumé par l'Enfer. » Il exerça, en effet, son gouvernement avec justice, et des meura dans la voie de ses Compagnons jusqu'à ce qu'il mourût.

TROISIÈME SCHISME PARMI LES IBADITES

L'Imâm (qu'Allah l'agrée) nomma gouverneur de Qantrâra Abou Iounès, surnommé le Nefousi, et ce gouverneur se conduisit avec la plus grande équité. Il était originaire du Djebel Nefousa et était venu se fixer à Qantrâra. La cause de son départ aurait été la suivante : ses serviteurs, quand ils allaient faire du bois dans la campagne, arrachaient les branches de soutien autour des jardins. Quant vint la saison des plaies, l'eau démeura dans les endroits d'où ils avaient arraché ce bois et endommagea les terrasses. Abou lounès fut gouverneur de Qantrâra pendant de longues années.

On rapporte qu'Abou lounès dit, quand il monta la colline sur laquelle est bâtie Qantrâra : « Ici, il est im-^ possible de ne pas payer l'aumône, et celui qui ne veut pas la payer la paye quand même. » (1) Il répéta ces pa

(1) On ne saurait comprendre la cause pour laquelle Abou Iounès dut partir du Djebel Nefousa, si l'on ignore le genre de culture des Berbers montagnards, leur vif sentiment de l'égalité, et leur amour extrême de la propriété. Dans le Djebel Nefousa, comme en Kabylie et dans les vallées creuses de l'Aouras, les champs des Berbers, étagès en terrasses, sont contenus par de petits murs de pierres ou de cailloux. Ils y donnent un grand soin, ils les surveillent sans cesse, et ne sont pas sans analogie, à ce point de vue, avec nos Mahonais. Les pierres qui constituent les côtés de leurs terrasses sont le plus souvent étagées par lits, et entre ces lits sont disposées côte à côte des branches sèches, de sorte que le lit supérieur

roles jusqu'en haut. Il envoya ses deux fils Saâd, et Nefats s'instruire près de l'Imâm (qu'Allah l'agrée); quand ils eurent acquis autant de science qu'Allah le leur permit, ils revinrent dans leur pays et y demeurerent jusqu'à la mort d'Abou lounès. Comme l'lmâm désirait alors nommer un nouveau gouverneur à Qantrâra, il fit prendre des renseignements et examiner les personnes. Saâd fut trouvé le plus propre au gouvernement des Musulmans, le mieux préparé en matière religieuse, et le plus ferme dans l'exécution des commandements d'Allah. En conséquence, l'Imâm écrivit qu'il investissait Saâd. Les deux jeunes hommes étaient près de lui. Il plia sa lettre, y apposa son cachet, et la leur remit sans leur dire auquel des deux il confiait le commandement. Il leur or

ne pèse pas trop directement sur l'inférieur. Arracher une de ces branches est endommager la terrasse entière. Nul ne peut se le permettre, serait-il élevé au-dessus de tous par sa fortune ou sa réputation. D'ailleurs, tous les actes qui peuvent être interprétés comme des marques d'orgueil sont sévèrement réprouvés par les Ibâdites. Dans l'Ouâd Mezâb actuel, les plus riches, dont les biens peuvent être évalués à plusieurs millions, ne sortent pas mieux vêtus que leurs frères et observent envers tous la politesse la plus égalitaire. En maint endroit de leur code religieux (le Nfl), ou de leurs Kanoun laïques, on trouve l'insolence non-seulement blâmée, mais punie de la tebria. Le respect de la propriété est si strictement exigé par le Nîl, qu'il y est défendu même d'entrer dans une ruine ou dans un champ pour satisfaire un besoiu, sans demander la permission du propriétaire, et que l'ablution du Fidèle est abolie s'il l'a faite avec de l'eau qui ne lui appartient pas, ou dont il n'a pas payé la valeur. Bien différent est le code malekite de Sidi Khelil, et plus différentes encore sont les mœurs des Arabes nomades qui semblent ignorer absolument la propriété. Quant à l'aumône, dont Abou Iounès prétend exiger le paiement, elle est obligatoire chez tous les Musulmans, et sert à entretenir les gens de guerre.

donna de ne l'ouvrir que quand ils seraient arrivés dans leur pays, à Qantrâra. Ils partirent, mais en route Nefats fut assailli par de mauvaises pensées et pris d'un violent desir du pouvoir. Il laissa Sa'ad en arrière, et, quand il fut seul, il chercha la lettre, la trouva et en brisa le cachet pour savoir si lui ou son frère était nommé gouverneur. Le gouverneur était Sa'ad. Le péché pénétra dans son âme, son cœur se remplit de colère et d'inimitié. Cependant, Sa'ad entra dans Qantrâra, et commença à gouverner avec équité, conformément aux préceptes d'Allah; il eut sa chaire et sa mosquée. D'autre part, Nefâts, à peine rentré dans le pays, se plut à calomnier l'Imâm, disant qu'il corrompait la discipline des Croyants, qu'il se plaisait à s'entourer d'une sorte de cour, qu'il portait des vêtements de soie, qu'il se livrait à la chasse et qu'il priait les pieds chaussés d'éperons (1). L'Imâm, instruit

(1) Nous n'en sommes pas encore au moment où l'Imâm, donnant pour raison qu'il est incapable de défendre seul la secte des Ibâdites, remettra toute son autorité entre les mains des clercs; mais bientôt nous le verrons présenté à l'admiration des fidèles, comme un moine plutôt que comme un roi. Déjà le parti dont Nefâts est le chef, accuse Felah de se livrer au plaisir de la chasse : et cependant Felah était surtout, comme on l'a vu plus haut, un homme de guerre. Un extrait du Kitâb el Ouad'a, et la discipline actuelle des Tolba de l'Ouâd Mezab, nous mettent à même de comprendre ce passage de la chronique et d'en montrer la valeur historique. Nous lisons dans le Kitâb el Ouad'a : « La prière exige, pour être valable, l'observance d'un grand nombre de préceptes, dont vingt sont obligatoires, dix avant la prière, et dix pendant la prière. Parmi les dix qui précèdent la prière.... le quatrième est relatif au vêtement, en vertu de cette parole du Très-Haut: composez votre attitude en tout lieu de prosternation, c'est-à-dire, suivant plusieurs commentateurs, composez votre costume pour toute prière. Ce précepte se subdivise en quatres chapitres : d'abord, l'origine du vêtement doit être helâl (permise, accep

« PrécédentContinuer »